Le numérique carolo: de l’attrait à l’ancrage natif

Portrait
Par · 25/11/2020

Ces derniers temps, nous vous avons présenté plusieurs initiatives et projets nouveaux ayant pris racine à Charleroi – notamment l’implantation de Molengeek, sous le nom de CharleWood et sur le thème du numérique appliqué à l’audiovisuel et aux nouveaux médias, ou encore le lancement imminent d’un nouveau programme d’accélération pour projets numériques dédiés aux industries créatives et culturelles animé par le Hub créatif.

Ces deux initiatives viennent compléter d’autres activités déjà mises en oeuvre ces dernières années, à l’instigation notamment de Sambrinvest. Ayant pris le relais de la “Cellule CatCH” en termes de concrétisation du redéploiement économico-industriel de la région, l’invest se donne pour mission à court et moyen terme de “renforcer l’écosystème local” (comme nous l’expliquait encore récemment Olivier Mertens, responsable du secteur Digital chez Sambrinvest.

Pour mieux cerner la manière donc les intentions des acteurs publics carolo s’articulent – entre projets purement numériques, transformation numérique de l’industrie et mutation en matière de créativité et de nouveaux médias, nous nous sommes tournés vers Mathieu Demaré, responsable “Creative & Digital Ecosystem” chez Sambrinvest.

Compléter la chaîne

L’ajout des nouvelles initiatives, citées ci-dessus, s’inscrit dans le cadre plus vaste d’un plan à cinq ans (2020-2025) où le “Pôle Créatif & Digital” est appelé à s’étoffer et à se structurer davantage. Un “Pôle” qui, rappelons-le, coexiste dans la stratégie de Sambrinvest avec le pôle Biotech/e-santé et le pôle Advanced Manufacturing & Engineering.

Au fil du temps, le processus de (re)développement économique, en matière de digital (au sens large du terme, appliqué à divers secteurs d’activités) se peuple de nouvelles “briques”. 

“Nous avons commencé par les structures de création et d’incubation de start-ups – Digital Attraxion, Hub-C, CoStation”, souligne Mathieu Demaré. “Puis est venue s’ajouter la formation, notamment via le site A6K-E6K [qui sert également de centre de recherche, d’idéation et de transformation business/industrie]. 

Certains éléments manquaient ou manquent encore pour construire un réel écosystème. La formation en est un, sur lequel nous travaillons activement. Pour non seulement attirer mais aussi retenir les start-ups et les pépites sur le sol carolo, nous aurons besoin de profils et de talents. Sur base des besoins, nous comptons organiser les formations nécessaires.

Ce sera d’ailleurs également nécessaire pour attirer et conserver sur Charleroi des scale-ups dans lesquelles Sambrinvest investit et qui sont toujours à la recherche de profils – développeurs ou autres. On s’organisera donc pour proposer des pools de formation. C’est ce qui s’est passé avec Appeal Studios [studio de développement de jeux] qui était à la recherche de 40 équivalents temps plein en CDI. Nous les avons aidés à trouver des développeurs. Aujourd’hui, ils veulent rester à Charleroi…

Un autre élément manquant est celui de la recherche. On a commencé à plancher sur cet axe en 2019 dans la perspective de l’émergence native de projets, issus du terreau carolo, au-delà donc de l’objectif premier qui était d’attirer des start-ups et des projets vers Charleroi. 

Comme l’indiquait Olivier Mertens dans l’interview que vous avez eue avec lui, nous nous focalisons encore actuellement sur les scale-up. A plus long terme, nous voulons remonter plus en amont et viser aussi le deep tech, notamment via le montage de consortiums avec des centres de recherche.

D’ici 2025, nous voulons disposer d’une chaîne complète: recherche – spin-off – scale-up – formation – impact sur la transformation numérique des acteurs traditionnels.”

“Poches de spécialisation”

Les domaines vers lesquels se concentreront plus spécifiquement la recherche, l’“encouragement” et le soutien à des projets de start-ups, en ce compris de plus haute “valeur” technologique, sont selon toute vraisemblance ceux qui figurent déjà dans la feuille de route de Sambrinvest et des divers acteurs qui gravitent autour de l’invest.

L’expertise technologique du Cenaero, parmi les ressources recherche exploitables… Ici simulation de bâtiments avec techniques de simulation de la dynamique des fluides.

Le “smart building”, en ce compris dans sa dimension énergétique et environnementale, est de ceux-là, “compte tenu”, explique Mathieu Demaré, “de la présence d’acteurs du monde de la construction dans le portefeuille de Sambrinvest ou encore de l’intérêt dont l’invest fait preuve pour le prop tech”. Par ailleurs, pour susciter recherche et émergence de solutions avancées, Charleroi peut compter sur plusieurs centres de recherche (locaux ou régionaux) tels que le Cetic, le Cenaero ou le CSTC (centre scientifique et technique de la construction).

A moyen terme, des projets collaboratifs, impliquant start-ups, centres de recherche, entreprises traditionnelles “bien établies”, pourraient donc voir le jour, financés par des budgets régionaux (via les Pôles de compétitivité) ou européens, “en vue de consolider les travaux et les résultats de recherche avec des solutions technologiques proposées par des start-ups”. Le tout afin de “positionner Charleroi Métropole comme plate-forme de test et de croissance, un réel acteur de la construction de ces consortiums start-ups/entreprises/recherche”.

 

Mathieu Demaré (Sambrinvest): “Même si on progresse en structuration, la volonté, au sein du pôle Digital, n’est pas de mettre tous ses oeufs dans le même panier mais au contraire de diversifier et de déployer des actions dans chacun des sous-axes déjà identifiés.”

 

Les premières démarches ont d’ores et déjà été entamées afin de jeter des ponts entre ces acteurs. “Des rencontres et séminaires permettront notamment d’identifier les défis qu’ils ont en commun, les thématiques porteuses. Le but étant d’aller chercher, dans les départements de recherche universitaire et du côté des start-ups, des acteurs pertinents.

Le but est d’être plus ambitieux que ce que Digital Attraxion a commencé à faire à petite échelle. Le but est de réunir des corp sur des thématiques et des défis communs, en vue de monter des consortiums et de déboucher sur la création de nouveaux produits sur des sujets d’innovation communs.”

Les grandes thématiques du “pôle” Creative & Digital

Smart city – smart building – smart energy – smart mobility
Solutions SaaS et marketplaces
Médias é Industries culturelles et créatives – réalité virtuelle/augmentée – gaming – technologies de l’image – marketing créatif – photo et design

A noter que la même démarche s’appliquera (avec ou sans la dimension recherche) en matière de projets culturels créatifs ou de nouveaux médias. “Nous désirons évoluer selon un principe de collaboration entre acteurs présentant des profils et des rôles complémentaires”. Exemple du côté “audiovidéo et new media? L’articulation naissante entre l’agence Creatis, nouveau partenaire du Hub-C (hub créatif), MolenGeek, la Rtbf, TéléSambre, avec, côté acteurs préexistants, le groupe Dupuis, Dreamwall/Keywall ou encore Appeal Studios.

L’industrialisation… des thématiques

Il s’agit, pour reprendre l’expression utilisée par Mathieu Demaré, d’“industrialiser l’accélération thématique”.

Autrement dit, systématiser et donner une nouvelle ampleur à ce qui a été “testé avec des projets chez CoStation ou, depuis deux ans, dans le cadre du programme d’accélération MoveUp [Digital Attraxion] sur un thème précis tel celui de la logistique ou de l’e-santé”. Dans le cadre de ce programme MoveUp, une ou deux sociétés bien établies servent de mentor mais aussi de terrain de validation pour les idées et projets d’une start-up qui participe au programme d’accélération. L’espace de quelques mois. Libre ensuite aux deux parties de continuer ou non à collaborer et à poursuivre leurs relations. 

“D’ici deux ans, nous ne voulons plus être en mode one-shot. Nous disposons désormais d’un mode de fonctionnement. Nous avons la capacité de déployer avec une plus grande régularité et de manière plus linéaire, par exemple dans le cadre d’appels à projets, plutôt que de ne travailler que sur une cohorte restreinte.

Le but est d’attirer davantage de start-ups et d’avoir un plus grand impact.”