Pierre-Yves Jeholet: le numérique wallon ? “Pas de tabou, pas de structure indéboulonnable”

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Par · 21/11/2017

Hier soir, Pierre-Yves Jeholet, ministre de l’Economie et du Numérique, était présent à la soirée organisée par le fonds d’investissement numérique WING. S’il n’a pas révélé ses intentions précises au rayon déploiement et avenir du Plan wallon du Numérique (il se réserve encore du temps pour l’analyse de certains volets), il a toutefois saisi l’occasion pour pointer certains éléments sur lesquels il procèdera à court ou moyen terme à des annonces.

Loin de botter en touche, il a donné certaines indications sur des chapitres où il compte porter le fer, confirmant ainsi de nombreux points que notre entretien récent avec Pierre Rion, président du Conseil du Numérique, avait déjà mis en lumière. Nous vous invitons d’ailleurs à relire cet article.

Qu’a dit, hier soir, Pierre-Yves Jeholet? Qu’en conclure?

Une chose est claire: bien des acteurs locaux continueront quelques jours (semaines?) encore de craindre pour leur sort ou pour l’orientation qui avait jusqu’ici été donnée à leur action. Cela tremble ferme dans certaines chaumières… Pourquoi? Voyez plutôt ces quelques petites phrases puisées dans l’exposé du ministre.

D’emblée, le ministre sort la sulfateuse. “Un meilleur accompagnement des start-ups est nécessaire. Il y a trop de structures d’accompagnement.” Cela provoque un manque de lisibilité et de clarté du paysage. Les start-ups n’ont pas de temps à perdre à essayer de s’y retrouver…

“Il y a aussi un manque de spécialisation [dans les compétences d’accompagnement], un manque de réels experts qui accompagnent les start-ups jusqu’à un certain niveau de maturité. Avec, reconnaissons-le aussi, une frilosité des banques.”

Il souligne dès lors que l’une de ses priorités est de définir une “cartographie du secteur pour le restructurer dans une vision cohérente, clarifier le paysage, préciser le cycle de vie [des jeunes sociétés accompagnées] tout au long duquel les divers acteurs pourront intervenir.

Les structures [en place] ne sont pas indéboulonnables [Ndlr: là, le ministre a fait un petit lapsus lexical, parlant de structures qui ne sont pas “invincibles”]. Il n’y a pas de tabou.” Le prisme de justification de l’existence et du rôle de chaque intervenant doit être “la mission, l’objectif, pour répondre à un besoin.”

Il en appelle donc à une meilleure articulation des différents acteurs. Et personne ne semble devoir échapper à l’exercice de repositionnement, voire d’élimination. WING et invests devront se positionner en meilleure intelligence. Les filiales orientées start-ups des invests risquent de devoir revoir leur scénario: “il faut objectiver les fonds qui sont affectés”.

D’autres structures sont encore plus directement visées par le Ministre. Côté accompagnement des start-ups, il tire quasiment à boulets rouges sur ce qui avait été mis en oeuvre. Il parle ni plus ni moins de “mic mac” du côté de l’AEI, dont le rôle d’intermédiaire [ou de structure faîtière, si on prend un autre angle d’attaque] ne serait pas pertinent dans ce contexte, pas plus que celui de Creative Wallonia Engine, promu “coordinateur de l’écosystème”. Pour rappel, le Creative Wallonia Engine (CWE) est l’ancienne NestUp, devenue filiale de l’AEI.

Tel que le montage en avait été dessiné à l’époque de Jean-Claude Marcourt, le CWE, monté en grade, avait en effet reçu pour mission d’animer un large éventail de structures et initiatives d’accompagnement des start-ups, d’événements du genre programmes d’incubation, ateliers d’idéation, en dupliquant notamment le modèle NestUp dans d’autres zones de Wallonie que son Brabant wallon natal, en collaboration avec les CEI (centres d’entreprise et d’innovation), et en faisant évoluer la méthode d’accompagnement.

Pierre-Yves Jeholet dit avoir entendu “le mécontentement venu du terrain” et vouloir privilégier des “actions qui font sens.” Certains apprécieront…

Confiance réaffirmée dans la pertinence du Fonds d’investissement WING: “Il est important d’être à vos côtés, vous, entrepreneurs, qui créez des activités et des emplois. […] WING occupe une position stratégique et a fait preuve d’audace, par le taux élevé d’acceptation de dossiers [Ndlr: en comparaison des taux généralement affichés par ce type d’organisme]. Je salue cette audace parce que le but est en effet de créer un écosystème, de rechercher un effet de masse”.

Sur ce tout dernier point, il semble donc reprendre à son compte et avaliser une position chère à son collègue libéral Alexander De Croo, à savoir tendre à un nombre élevé de création de start-ups, dans l’espoir que la sélection (naturelle ou non) permette d’en garder un minimum à terme…

Quel sort sera réservé au Digital Wallonia Hub, cet organe sensé jouer les metteurs sur orbite de scale-ups et les activateurs de collaboration industrie-recherche? Là, le ministre a refusé de dévoiler ses batteries. “Je ne peux pas encore dire ma position mais ma volonté est de créer un cercle vertueux entre le monde de la recherche appliquée, les unités de recherche et les entreprises. A cet égard, ce qui a été fait du côté flamand, avec IMEC et iMinds [Ndlr: qui ont fusionné] peut être source d’inspiration.” Sur ce point, il ne se démarque pas réellement, du moins en termes de symbole et de référence, de ce que son prédécesseur Jean-Claude Marcourt avait théorisé et initié en liaison directe avec le Conseil du Numérique et de l’AdN. La méthode et la forme de mise en oeuvre, elles, seront sans doute différentes. Mais dans quelle mesure? Le mystère demeure pour l’instant entier.

Pierre-Yves Jeholet: “Accélérer le cycle de développement et de croissance des start-ups locales en les faisant bénéficier des commandes publiques.”

Du grain à moudre pour les start-ups. Afin de mieux mettre le pied à l’étrier des start-ups et leur fournir quelques références à faire valoir lorsqu’elles partent à l’assaut du marché (international compris) et/ou des investisseurs, le Ministre annonce sa volonté de favoriser “l’accès des PME aux marchés publics.” Les start-ups, elles aussi, sont concernées afin d’“accélérer leur cycle de développement et de croissance.”

Concrètement, cela devrait prendre la forme, dès l’année prochaine, d’un accès des jeunes pousses à une série de projets initiés par les pouvoirs publics ou pouvoirs locaux. En particulier au rayon smart cities. “Dès 2018, en s’appuyant sur la nouvelle législation open data, la Région investira plusieurs millions d’euros dans la concrétisation de projets-pilote smart city bâtis sur des cahiers de charge innovants” auxquels les jeunes pousses seront donc associées comme fournisseurs, voire chefs de file [on peut penser à l’exemple donné par LetsGoCity et sa solution Wallonie en Poche].

“Mon Cabinet”, ajoutait encore à ce sujet Pierre-Yves Jeholet, “rencontrera très prochainement l’Administration pour préparer des achats publics responsables.”

Autres points relevés ou projets annoncés par le Ministre:

  • “Les start-ups wallonnes ne captent pas suffisamment l’attention des grands fonds d’investissement étrangers”. Il rappelait toutefois que deux jeunes pousses locales ont réussi à le faire: Elium (ex-Knowledge Plaza) et ePeas (incubée à la Faktory à Liège).
  • “L’Administration doit montrer l’exemple. On est encore très très loin du compte. Il faut mettre en place rapidement un e-guichet unique pour les entreprises, quelle que soit leur taille. Un guiche virtuel qui soit réellement le seul et unique point d’entrée.”
  • La formation et les compétences numériques doivent être une priorité. D’où la décision prise d’aider financièrement une initiative privée telle que CoderDojo (nous vous en parlions tout récemment). Objectif annoncé: “créer rapidement 50 clubs CoderDojo en Wallonie”.
  • Pour ce qui est de la formation aux nouveaux métiers du numérique, le Ministre annonce une réforme de la formation professionnelle. Avec de premières annonces concrètes mi-décembre…