Ce que le Conseil du Numérique souffle à P-Y Jeholet…

Hors-cadre
Par · 08/11/2017

Compte tenu de la volonté supposée du ministre de sélectionner quelques dossiers sur lesquels concentrer l’action d’ici aux prochaines élections régionales (relire à ce propos la première partie de cet article), le Conseil du Numérique s’attend à recevoir d’ici peu la mission de déterminer ces priorités. En duo ou non avec l’Agence du Numérique.

Pierre Rion l’affirme: sur base des échanges intervenus à ce jour, de la méthode de travail établie avec le cabinet Jeholet et l’AdN (Agence du Numérique) et de certaines assurances reçues, le Conseil du Numérique est confirmé, voire conforté dans son rôle de conseilleur, de veilleur-éveilleur, et de chien de garde.

Pierre Rion nous livre quelques idées et propositions sur lesquelles l’attention du ministre et du Cabinet a été ou sera attirée…

A propos du fonds d’investissement Wing: il pourrait revoir l’ampleur de ses interventions, repoussant le plafond d’investissement de 250.000 à 500.000 euros par projet. Pierre Rion estime que revoir la fourchette d’intervention vers le haut se justifie notamment par le fait que les incubateurs qui ont fait leur apparition ces derniers temps occupent en effet la tranche d’intervention jusqu’à 50.000 euros, voire plus. Autant, dès lors, ajuster le positionnement…

La raison d’être du fonds, elle, demeure la même (jusqu’à plus ample informé): combler un maillon manquant dans la chaîne de financement des jeunes pousses numériques, leur apporter de quoi tenir jusqu’au premier tour de table, prouver qu’il y a de beaux projets viables économiquement et porteurs de croissance et convaincre ainsi les business angels et, à un stade ultérieur, les fonds d’investissement privés de se mettre à table.

A propos justement ds incubateurs pour start-ups qui ont poussé, sur le territoire, quasiment comme des champignons… Comme d’autres, Pierre Rion parle de surnombre, de paysage devenu peu lisible pour les start-ups. Ou, a contrario, d’une situation qui favorise le “shopping” – les jeunes pousses allant picorer à gauche et à droite, pour accumuler les coups de pouce.

“Nous nous posons la question de l’opportunité de passer à une spécialisation des incubateurs dans certains sous-thèmes: Internet des Objets, drones, analytique de données…”. Ce “nous” dont il parle, c’est à la fois le Conseil et, affirme-t-il, le cabinet Jeholet.

Reste à savoir comment – et s’il est pertinent d’imposer une reconstitution thématique du paysage des incubateurs, voire des filtres à l’entrée pour que les incubateurs n’acceptent, chacun, qu’un certain type de projets. Un ministre estampillé libéral ne serait-il pas davantage partisan de laisser le marché décider de lui-même? “Il serait logique que, pour les incubateurs qui sont financés, même partiellement, par le secteur public, celui-ci ait son mot à dire au sujet de l’inflow…”, estime Pierre Rion.

Par ailleurs, le président du Conseil du Numérique remet sur le tapis l’idée d’un CIO régional. “Si l’Agence du Numérique doit avoir un rôle plus important [comme certains signes le laissent présager], pourquoi ne pas imaginer qu’une personne, au sein de l’Agence, assume ce rôle de CIO? Quand je parle de CIO, j’entrevois aussi bien une personne physique qu’une autorité morale…”

Après la start-up vient la scale-up. Et là, la Wallonie peine encore. Le Digital Wallonia Hub est-il la bonne structure?, s’interroge Pierre Rion.

La manière dont il est mis en oeuvre ferait l’objet d’un réexamen par le cabinet Jeholet. Notamment au sujet du rôle que devait en principe jouer le cluster Infopole (en passe de fusionner avec le cluster Twist). A savoir, celui de repérer et pré-sélectionner les “pépites” qui auraient droit à un chèque accélération (sous forme d’avance récupérable). Deux sociétés, à ce jour, ont déjà bénéficier du mécanisme (Lasea et OncoDNA). Quatre autres avaient été pré-listées mais attendaient une décision du jury de sélection qui… n’a jamais pu entrer en action, faute de signature par Jean-Claude Marcourt, empêché par la chute brutale du gouvernement!

Aujourd’hui, tant le cabinet Jeholet que le Conseil du Numérique s’interrogeraient donc sur la méthode.

Interrogation aussi sur l’opportunité du double rôle du DW Hub: booster de scale-ups et activateur de collaboration industrie-recherche (meilleure exploitation des ressources de la recherche appliquée, prototypage dans le domaine du numérique, transferts de compétences et de résultats de la recherche académique…).

“Pourquoi”, s’interroge Pierre Rion, “faut-il constituer un jury spécifiquement pour la sélection des sociétés à haut potentiel devant bénéficier de ce programme? Celui qui est en place pour le Wing pourrait fort bien faire l’affaire…”

Pour ce qui est d’accélérer la collaboration industrie-recherche, “pourquoi ne pas plutôt créer un Pôle de Compétitivité supplémentaire, un pôle transversal dédié au numérique? Les Pôles ont démontré leur utilité!”

Autre interrogation de sa part: le budget alloué aux pépites pour favoriser leur croissance – en ce compris à l’échelle internationale. “Je suis d’accord qu’il faut leur octroyer du financement mais il faut plus que du bois de rallonge. Pour du scale-up, ce qu’il faut c’est de l’investissement massif et placer au conseil d’administration des gens de métier, expérimentés, qui savent ce qu’est une phase de scale-up…”

Côté financement, il dit ne pas être convaincu que ce soit à la Région de fournir des chèques de quelques (dizaines de) millions d’euros par société. Des sources plus logiques, selon lui, seraient le privé, la Bourse ou des fonds d’investissements venus de l’étranger – puisqu’on manque de fonds suffisamment achalandés en Wallonie…

Progresser dans la transformation numérique de l’Administration. L’un des regrets, voire reproches, qu’adresse Pierre Rion par rapport aux progrès réalisés jusqu’ici dans le cadre du Plan du numérique est le peu d’évolution noté du côté de l’Administration. “La DGO6 devait faire office de leader en la matière mais on n’a encore rien vu de bien concret. Des ambassadeurs du numérique devaient en principe être désignés dans chaque Administration. Mais là non plus, la recommandation n’a pas été suivie d’effet…

Je serais plutôt en faveur de confier le soin à l’AdN d’oeuvrer notamment à la transformation numérique de l’Administration, de telle sorte que cette dernière fasse ensuite percoler les nouvelles procédures et habitudes. Actuellement, le rôle de l’AdN se définit surtout en termes de conseils et de coordination. Je suis en faveur de lui donner davantage d’autorité.”

Côté enseignement, il regrette aussi la lenteur des processus de transformation. S’il est certes question d’apprentissage de la programmation et de culture algorithmique dans le Pacte d’Excellence, “quand cela se traduira-t-il dans les programmes? En 2023?”

Pourquoi, dès lors, ne pas accélérer le mouvement en désignant “un Ambassadeur du numérique dans chaque établissement. On dit qu’il y a 3% de geeks parmi les enseignants. Pourquoi ne pas choisir l’un d’eux dans chaque école et en faire un évangéliste du numérique, qui y consacre du temps, fasse passer le message, prône de nouvelles méthodes telles que les classes inversées, les MOOC, qui encourage la création de ces derniers… Avec, de préférence, une inspection qui leur permette de mettre en oeuvre ces méthodes pédagogiques plus modernes!”

“Alimenter” davantage les start-ups. “Un Small Business Act, tel qu’on l’entend aux Etats-Unis, confère comme rôle à l’Etat [chez nous, à la Région] d’être un pourvoyeur de projets-référence pour les jeunes pousses. En Région wallonne, quelques gros acteurs aspirent littéralement les projets à implémenter au sein de l’Administration, laissant les start-ups sur le carreau. Il serait bon de forcer les opérateurs traditionnels à inclure au moins une start-up comme sous-traitante pour les projets qui leurs sont confiés.”

Autre idée pour permettre aux start-ups de se développer, de faire leurs preuves: imaginer un processus vertueux d’exploitation des open data. “Les start-ups doivent pouvoir exploiter les open data publiques et en vivre. Pour ce faire, je pense à un mécanisme de type tiers investisseur.

Ce ne sont pas les projets potentiels qui manquent pour les villes: mobilité, parking, gestion des ordures… Mais du smart city implique le déploiement de milliers de capteurs que les opérateurs ne sont pas prêts à financer s’ils n’ont pas l’assurance qu’une application permettra de rentabiliser leur mise de fonds. Il faut donc amorcer la pompe.”
Son idée est dès lors d’amener les villes ou communes à choisir leur opérateur “déploiement d’infrastructure” qui fournirait gratuitement ainsi l’assise connectique. Cet opérateur aurait par contre la faculté de vendre ou de céder en location aux start-ups les données collectées par les dispositifs qu’il aurait installés. L’opérateur est ainsi remboursé pour son investissement de départ tandis que la start-up, moyennant une certaine mise de fonds, a accès à une manne de données sur base desquelles développer ses applications.