Financière Spinoff Luxembourg: “une composante d’un contexte plus global’

Portrait
Par · 30/05/2014

La Financière Spinoff Luxembourg est le fonds d’investissement d’InvestSud, spécialisé dans le financement de sociétés “technologiques et innovantes”. En dépit de son nom, le champ d’action ne se limite pas aux seules spin-offs (universitaires). Il couvre également les start-ups et autres spin-outs (nouvelles structures qui sont la résultante d’une innovation dont une entreprise existante veut faire une activité satellisée).

Sa cible est en fait toute jeune structure qui se trouve encore dans pendant cette période incertaine “où il est difficile d’attirer des investissements venant d’autres sources, en raison d’un plan d’affaires manquant encore de précision ou de force de conviction”, explique Pierre Detrixhe, spécialiste Technologies chez InvestSud. “C’est là le rôle d’un institutionnel: structurer le projet, servir de déclencheur pour attirer par exemple des business angels…”

Pas d’exclusive locale

La Financière Spinoff Luxembourg se définit comme une invest généraliste, ne privilégiant donc pas des investissements dans l’un ou l’autre domaine de manière spécifique. Elle s’oriente toutefois davantage vers le soutien de projets B2B, “plus structurants” que des projets B2C. Mais ce n’est pas une règle absolue.

En fonction des dossiers qu’elle reçoit, elle en confie l’analyse préalable à un comité scientifique qui opère comme une cellule à la composition variable, allant chercher “à la carte” des compétences auprès d’universités, d’industriels…

Une structure dédiée aux “jeunes pousses”

Constituer une structure d’investissement spécifique qui s’adresse aux besoins des spin-off et start-up est logique, aux yeux de Pierre Detrixhe, en raison de leurs contraintes spécifiques en termes de durée de financement . “L’accompagnement d’une start-up est toujours un parcours plus long et plus coûteux, souvent d’ailleurs en dépassement de ce qu’on avait imaginé au départ, pour cause d’accidents de parcours, de difficultés ou de nouveaux développement imprévus…”

L’invest doit dès lors déployer des compétences spécifiques en accompagnement de croissance et en conseils de gestion.

Autre raison: le degré de risque qui, lui aussi, est différent. “Les investissements à plus haut risque se font via les filiales spécialisées tandis que la maison-mère [InvestSud] investit davantage dans l’industriel, qui n’est pas pour autant moins technologique.”

Son intention ne semble pas de vouloir mettre en oeuvre un incubateur ou une cellule d’accompagnement de start-up, comme l’a fait récemment MeusInvest.

“Nous n’avons pas, à proprement parler, de stratégie ou de rôle de “redynamisation”. Nous nous considérons davantage comme une pierre dans un contexte plus global. Des outils existent en province de Luxembourg, sans doute moins qu’ailleurs pour cause d’une concentration moindre de population. Peut-être aussi ces outils sont-ils sous-utilisés. Mais il ne faut pas se focaliser sur des critères géographiques.

Le principal pour un entrepreneur est de pouvoir bénéficier d’un environnement qui lui permette de franchir le pas. Que l’on soit à Arlon ou à Liège, ce n’est jamais une bonne idée de limiter son marché à la dimension locale. L’éclosion d’un projet peut se faire où que le starter pose ses valises, même si c’est sans doute un peu plus facile à Liège ou à Louvain-la-Neuve qu’à Marche-en-Famenne…

Pierre Detrixhe: “L’émergence de nouveaux acteurs tels que Nest’Up ou Activ’Up est la preuve que le paysage se structure.”

L’essentiel est de pouvoir compter sur un incubateur, plus en amont, et sur une cellule Interface Université/Haute Ecole. Ces autres relais amènent les starters qui présentent un potentiel à franchir le pas…”

Et Pierre Detrixhe de poursuivre: “L’émergence de nouveaux acteurs tels que Nest’Up, Activ’Up etc. est une bonne chose. C’est la preuve que le paysage se structure. Il faut désormais être particulièrement manchot pour ne pas trouver une structure d’accompagnement. Cette structuration va bénéficier au développement du secteur IT comme ce fut le cas, hier, pour les biotechnologies.

Au-delà de la création de jeunes pousses locales, l’avantage que l’on en a tiré dans ce domaine, c’est de former de la main-d’oeuvre qui a attiré chez nous quelques grands acteurs étrangers…”

Règles de viabilité

Aux règles classiques auxquelles doit satisfaire toute invest wallonne (petit rappel en encadré) s’en ajoutent d’autres, imposées par la Financière Spinoff Luxembourg.

La jeune pousse doit ainsi avoir adopté le statut de société anonyme: “c’est pour nous une condition sine qua non dans la mesure où cela nous permet d’avoir un degré de pouvoir suffisamment important lors de l’AG.”

Les fonds fournis par les investisseurs privés doivent être suffisants pour assurer un minimum de viabilité et de capacité de croissance, à horizon de quelques années.

Conditions d’investissement

La Région impose un cadre d’intervention pour les invests publiques

  • Participation limitée à maximum 50% du capital injecté. Autrement dit: 50% minimum du capital doit provenir d’investisseurs privés, quels que soient leur profil- business angels, fondateur, membres de sa famille et proches…. Cette limite peut toutefois, sous certaines conditions, être portée à 75% (sous forme de prêts).
  • Montant maximal d’intervention: 500.000 euros lors d’un premier tour de table; 1,25 million lors d’un 2ème tour de table.

Pour éviter ce “plafond”, en termes de montant, plusieurs invests entrent parfois simultanément au capital de la société.

Dans la mesure où l’invest ne pourra pas monter à plus de 50% du capital (règle régionale), il s’agit là d’un paramètre important aux yeux de l’invest luxembourgeoise: “la composition du pôle d’investisseurs privés pré-existant et la hauteur de l’investissement privé influenceront fortement notre décision d’investir ou non dans une jeune pousse”, indique Pierre Detrixhe.

“Si on constate par exemple que le fondateur est le seul à avoir injecté de l’argent, cela nous apparaît comme un mauvais signe.

En effet, si des personnes évoluant dans le secteur qu’il vise n’ont pas jugé intéressant d’investir, cela signifie sans doute que son projet ne constitue pas un bon investissement. Par ailleurs, s’il y a mis son propre argent, cela implique qu’il a puisé dans ses propres économies. Si le moindre problème survient, exigeant d’accroître la mise, il ne pourra probablement pas le faire lui-même. Nous-mêmes étant limités par la règle des 50/50 ne pourrons lui venir en aide. Ce qui serait sans doute fatal pour la jeune pousse: elle se trouverait rapidement acculée et ses perspectives de développement seraient maigres. Dans de telles conditions, nous préférons décliner. Par contre, si on constate par exemple que la start-up bénéficie du support d’un acteur tel que le WSL [incubateur spécialisé dans les sciences de l’ingénieur], c’est sans doute un gage de qualité et de sérieux du projet…”


Profil de la Financière Spinoff Luxembourg

– invest exclusivement publique (pas d’investisseurs privés)

– partenaires à parts égales: InvestSud et la Sowalfin. InvestSud, quant à elle, est une invest à 74% privée.

Jeunes pousses qui figurent ou ont figuré dans son portefeuille:

TuzzIt (start-up qui est une émanation de la société App & Web)

– Voice Insight, société déclarée en faillite qui s’était spécialisée dans le domaine de la commande vocale (GSM, gestion d’inventaire et de stocks en milieu industriel)

– AlterWeb, société également disparue aujourd’hui qui avait choisi comme terrain d’action des solutions Bluetooth à fins marketing

InvestSud, elle aussi, a investi dans des sociétés IT. A savoir, Euronova, MIMS ou (par le passé) Stesud.


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