Le projet de “formation de base au numérique” pour demandeurs d’emploi a franchi une première étape

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Par · 14/09/2021

Le Plan PMTIC – lisez (pour ceux qui s’en souviennent…) le Plan Mobilisateur des TIC – datant de 2002 (l’arrêté d’exécution remonte, lui, à 2005) a vécu.

Cela faisait déjà plusieurs années qu’aussi bien les gens de terrain que les décideurs politiques demandaient, pour les uns, évoquaient, pour les autres, la nécessité de remplacer ce plan qui n’avait pas produit les effets escomptés (dès 2012, on évoquait sa mise au rebut dès l’année suivante !). Et ce PMTIC avait clairement fait plus que prendre quelques rides , tant il avait perdu de la substance au fil des ans et était dépassé par l’évolution des technologies (à faire assimiler), des habitudes, des besoins – tant professionnels que privés.

Le Plan PMTIC visait un public précis. A savoir les personnes sans emploi qu’il était censé “mobiliser”, ou en tout cas intéresser et former aux “outils numériques liés à l’insertion socioprofessionnelle”. A l’époque – et sans donc que cela n’ait été réactualisé entre-temps – essentiellement l’apprentissage des outils bureautiques et des premières pratiques Internet.

En cette fin d’été, un nouveau programme semble être sur le point d’être dévoilé. Un avant-projet de décret a en tout cas été approuvé en première lecture par le gouvernement…

Son thème général (qui répond à l’une des promesses de la dernière Déclaration de Politique Régionale et aux objectifs du plan Digital Wallonia)? La “formation de base au numérique”. 

Formation “pour tous les citoyens wallons éloignés du numérique”. Cette dernière expression regroupe, sous une même appellation, aussi bien les demandeurs d’emploi que les personnes âgées ou les publics dits précarisés. Le champ à couvrir est donc particulièrement large, comme l’indiquaient les chiffres du dernier Baromètre du numérique citoyen de l’AdN qui, pour son édition 2019, indiquait que “20,6% de la population se retrouve avec un score [de maturité numérique] mauvais à médiocre”. Auxquels s’ajoutent une frange d’“utilisateurs faibles” qui représentent pas moins de 14% de la population. Soit au total, 1,002 million de Wallons et Wallonnes qui “constituent une cible prioritaire des actions contre la fracture numérique.” Relire plus en détails ici… 

 

Source: Baromètre numérique Citoyens – Digital Wallonia 2019

 

Pour faire face à ces besoins, ce qui devrait devenir un plan de mise à l’étrier général s’adressera à de multiples profils et besoins, que ce soit dans la sphère privée ou professionnelle: “insertion professionnelle, recherche d’emploi, services bancaires, administration, autonomie…”, détaille-t-on au cabinet de la ministre Christie Morreale, en charge notamment de l’emploi et de l’action sociale. 

Cabinet de Christie Morreale: “20% des Wallons sont en marge de la société numérique. 14% ne démontrent que des usages et des compétences très faibles, susceptibles de les empêcher d’exercer pleinement leur citoyenneté. 11% des citoyens n’ont pas encore accès à Internet.”

Plan d’inclusion numérique

Le volet qui relève plus directement de la ministre de l’Emploi est bien entendu l’“insertion numérique” des demandeurs d’emploi. Et c’est là qu’intervient cet avant-projet de décret devant permettre de remplacer le PMTIC par un dispositif plus dans l’air du temps…

“A bout de souffle”. L’expression vient du cabinet de la ministre de l’emploi. Le plan PMTIC n’est clairement plus adapté au contexte. Et l’essoufflement est dû, en partie, aux moyens – financiers, fonctionnels et humains – mis en oeuvre.
Des exemples?
– un effritement régulier du nombre d’opérateurs agréés de formation
– une diminution assez spectaculaire du nombre d’heures de formation données – et le Covid n’y est pour rien puisqu’avant même son déclenchement, le nombre de personnes ayant bénéficié de formations a diminué de plus d’un tiers en l’espace de 4 ans (le total d’heures de formation, il avait chuté dans des proportions analogues)

“Le dispositif principal en matière de formation de base au numérique (le PMTIC) est à bout de souffle”, argument le cabinet de la ministre. “Il ne rencontre clairement plus les besoins de la population. Le nouveau décret vise à la fois à créer un cadre plus adapté aux besoins en évolution, mais aussi à redéployer complètement l’offre de formation sur le territoire.”

Précisons ici au passage que les mesures qui devraient entrer en oeuvre pour remplacer le Plan PMTIC s’inscriront dans le cadre plus vaste du Plan d’inclusion numérique qui tend à redéfinir et réorienter l’accès aux services d’accompagnement et de formation “de proximité” – pour tous les publics – et qui impliquera notamment certaines évolutions du côté des EPN (espaces publics numériques). Relire à ce sujet notre article récent à propos des perspectives de refinancement et de revalorisation des EPN.

Si le PMTIC ne répond plus aux besoins, ces derniers n’ont en rien diminué. Il sont simplement changé de visage ou se sont concentrés sur d’autres publics, d’autres “profils”. La fracture numérique demeure bel et bien présente, prégnante et, pour certains, aiguë. Si les matériels et les accès à Internet se sont fortement généralisés, l’apprentissage et la maîtrise des usages continuent de représenter des points douloureux. Et ce n’est pas le coup d’accélérateur (contraint) donné par le Covid et le confinement, avec les changements d’habitudes durables qu’ils augurent, qui changeront la donne (en termes de besoins). Au contraire.

Revoir le cadre

L’avant-projet de décret, approuvé en première lecture par le gouvernement la semaine dernière, met notamment le doigt sur la diminution importante d’opérateurs agréés PMTIC. Un phénomène qui est essentiellement attribué à des contraintes (financières et pédagogiques) jugées inappropriées et à des lourdeurs administratives peu propices à la réactivité et à l’adaptabilité. Sans parler d’une inadéquation des compétences pédagogiques nécessaires pour assumer les missions qui auraient été nécessaires.

Une réforme s’imposait donc.

Dans ses grandes lignes, l’avant-projet de décret (qui doit donc encore franchir les étapes de deux relectures et de quelques aménagements) prévoit:
“une multiplication des centres et des heures de formation” avec nécessité de rendre l’offre “plus lisible et mieux connue des publics et des professionnels susceptibles d’orienter les personnes”. Pour ce faire, on recourra à une cartographie plus explicite (centres, structures, équipements disponibles, nature de l’accompagnement à l’apprentissage des usages du numérique…) et à une nomenclature qui soit elle aussi “plus accessible”
– une cible prioritaire définie comme suit: “des personnes qui sont dans un parcours d’insertion socioprofessionnelle, un public de demandeurs d’emploi éloignés du marché de l’emploi et en situation de fracture numérique”
– une uniformisation de la pédagogie
– une “articulation” avec les services de l’emploi (afin d’ouvrir la voie à l’octroi d’une indemnité de formation pour les stagiaires Forem ou encore le remboursement de certains frais périphériques – les formations, elles, étant gratuites)
– un financement “plus stable et rehaussé”. Sur la table: une proposition de quintupler le budget annuel, avec revalorisation et réajustement du forfait horaire octroyé à l’opérateur et qui n’avait plus été indexé… depuis le lancement du programme. La durée d’agrément des opérateurs serait en outre revue à la hausse (six ans), toujours dans un souci de stabilité. Histoire donc de parer à l’étiolement qui a marqué le programme PMTIC depuis 2015. Compte tenu des nouveaux contenus de formation et à la durée d’agrément modifiée, tous les opérateurs PMTIC devront en passer par une nouvelle procédure d’agrément, “l’agrément actuel”, souligne-t-on du côté du cabinet de la ministre, “devant de toute manière faire l’objet d’une demande de renouvellement”.

Cibles du futur programme devant remplacer le plan PMTIC: “les personnes qui ne maîtrisent pas un ensemble de compétences numériques de base, se trouvant par conséquent en situation de fracture numérique, et qui souhaitent acquérir les compétences numériques de base dans la perspective de (ré-)intégrer le marché de l’emploi.”

Formation de base au numérique”. C’est-à-dire?

Qu’entend-on par “formation de base” au numérique? Pour délimiter le champ des formations qui seront prodiguées à un public de personnes “en situation de fracture numérique”, souhaitant (ré-)intégrer le marché de l’emploi, le programme s’appuiera sur le référentiel européen DigComp.

Le référentiel européen DigComp répertorie et détaille 21 compétences-clé en matière de numérique.

Le nouveau dispositif de formation devra permettre en un laps de temps pouvant être relativement long puisque la durée du parcours sera de 8 à 80 heures – évaluation initiale et finale de l’état des compétences comprise. La durée maximale est également censée laisser davantage de place à l’accompagnement et au soutien pédagogique pour ceux qui s’en sortent le moins bien avec le numérique.

Ce sera donc un coup de pouce appuyé permettant de démarrer et d’acquérir quelques b.a.-ba. A charge pour d’autres cycles de formation ou d’acteurs de prendre ensuite la relève pour renforcer, peaufiner, faire progresser, spécialiser… 

Plus question (ou de manière quasi anecdotique) d’apprivoiser les outils bureautiques, qui étaient le menu essentiel des formations PMTIC. Les compétences “de base” visées ont trait à des aptitudes en matière de “recherche d’informations en ligne, d’utilisation des technologies numériques pour interagir avec les services [numériques du quotidien], d’utilisation des outils de collaboration en ligne, de création de contenus variés, etc.” A noter que les auteurs de l’avant-projet de décret prennent la précaution de souligner que la teneur des formations est appelée potentiellement à évoluer “en même temps que le cadre de référence DigComp”.