Digital Attraxion et les “drôles de couples” corp/start-up

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Par · 23/04/2019

Le programme d’accélération MoveUp de Digital Attraxion en est à sa deuxième édition qui se bouclera par le traditionnel “demo day” le 9 mai prochain.

Sept start-ups, dont deux venues de l’étranger (voir ci-dessous), y tentent de donner une nouvelle envergure ou une meilleure assise à leur projet. Thème de cette deuxième édition du programme d’accélération: la numérisation de l’industrie – au sens (très) large, comme nous l’expliquons également plus loin dans l’article.

Une troisième “saison” est une quasi certitude mais Denys Bornauw, directeur du programme MoveUp, voit déjà plus loin.

Rien n’est encore concrétisé mais il dévoile déjà quelques indications sur le rôle que l’accélérateur pourrait jouer à l’avenir. En parallèle au programme d’accélération proprement dit, des activités d’accompagnement plus ciblé devraient voir le jour. “L’idée est d’identifier des start-ups dont le projet, les technologies et/ou les compétences répondraient spécifiquement aux besoins d’entreprises plus matures, qui, de leur côté, sont de plus en plus nombreuses à initier des espaces internes d’incubation ou d’accélération.” 

Cette orientation potentielle s’inscrit dans le droit fil de l’une des spécificités du programme MoveUp qui “apparie” un projet de start-up avec une “corp” qui, tout au long des cinq mois d’accélération, fait office de source de conseils, de partenaire pouvant valider ou faire évoluer son idée ou projet, et de plaque de résonance.

La frontière est souvent mince entre, d’une part, le souhait d’une jeune pousse de déterminer si son projet ou l’une de ses idées peut convenir à un acteur économique traditionnel et, de l’autre, la tentation de réduire l’exercice à un test d’opportunité pour ce dernier. L’enjeu est en effet de ne pas inféoder ou limiter les perspectives de la start-up à la seule soif d’innovation, ponctuelle ou non, de la “corp”…

Or, cette frontière semble être parfois poreuse dans la manière dont les start-ups sont sélectionnées pour le programme MoveUp. Ainsi un projet basé sur la blockchain n’a été accepté que parce que le sujet intéressait l’un des partenaires “corp.” – sans qu’une structure légale n’existe encore. Au sens strict du terme, on ne peut dès lors que relever que le concept d’“accélération” ne repose pas sur le nécessaire premier étage de la fusée.

Quoi qu’il en soit, il sera intéressant de voir comment Digital Attraxion scénarise ses futures intentions d’appariement entre projet/start-up et parrain/corp.

Des pièces à ajuster…

Un autre petit fil conducteur qui est en train de se tisser du côté de Digital Attraxion est le lien qui pourrait être proposer, après la période d’incubation/accélération, avec le futur centre technologique A6K (l’“Atelier 6000”) dédié à l’Advanced Manufacturing qui ouvrira ses portes à Charleroi cet été (lire notre article à ce sujet).

L’un ou l’autre projet ou start-up accompagné par Digital Attraxion pourrait en effet poursuivre son petit bonhomme de chemin en nouant, via l’A6K, des collaborations avec des centres de recherche ou des industriels.

Petit exemple (encore à confirmer): les développements menés par Altheria Solutions (start-up spécialisée en réalité virtuelle à usage pédagogique en environnement industriel, se concentrent actuellement sur la réalité virtuelle. Une extension pourrait être la réalité augmentée, via un futur projet mené à l’A6K.

Par ailleurs, l’orientation “environnement de formation” qui privilégie en outre la jeune pousse pourrait susciter de l’intérêt du côté de l’E6K (Ecole 6000), le centre de formation multi-opérateurs dédié aux métiers du numérique qui sera lui aussi hébergé à l’ancien Tri postal carolo.

L’A6K pourrait également être une solution de rechange pour les porteurs de start-ups qui ne peuvent se permettre de consacrer cinq mois (quasi-)pleins de leur temps à un programme d’accélération tel que MoveUp. “Les cinq mois du programme sont marquées par dix ateliers, dix séances de coaching, des visites de salons à l’étranger pour y pitcher le projet et nouer des contacts… toutes les start-ups ne peuvent s’engager dans ce genre de programme contraignant pour une si longue période”, souligne Denis Bornauw. “L’A6K pourrait être une solution plus souple.”

Les 7 start-ups (ou projets) de la “saison” 2

Petit retour au programme d’accélération MoveUp, pour en découvrir les participants.

Thème: la thématique de l’“industrie 4.0” avait été annoncée mais, en réalité, l’appel à projets était ouvert à bien des interprétations puisque, dans l’esprit des organisateurs, cela voulait dire “la digitalisation de l’industrie” – au sens très large du terme. De quoi englober, par exemple, la construction, l’architecture, l’aménagement touristique… Ce qui explique que l’on retrouve par exemple Pairi Daiza dans la liste des partenaires “corp”… 

Voici les sept projets ou start-ups sélectionnés pour le programme d’accélération:

– Altheria Solutions a conçu une solution de réalité virtuelle pour simulation en environnements industriels, à des fins de formation. La start-up (brabançonne) a été fondée par une équipe d’étudiants de l’ULB. Son projet initial était baptisé SolVR (nous vous en avions d’ailleurs déjà parlé). Aujourd’hui, la cible de la jeune équipe est le monde de l’industrie. “Parrains” dans le cadre de MoveUp: Thales Alenia et Alstom. A découvrir très bientôt: un article au sujet de la solution Logia imaginée par Altheria Solutions.

– ALX Systems. On ne présente quasiment plus cette société (liégeoise) spécialisée dans les drones et les solutions pour drones. Que vient-elle faire dans le programme d’accélération MoveUp? La société a en fait noué une relation avec son “parrain” pour l’occasion – l’aéroport de Charleroi – pour un projet aux contours et au contenu encore à l’étude mais qui porte sur la gestion de l’éclairage des pistes (maintenance comprise) à l’aide d’engins auto-pilotés. Aériens, terrestres? C’est l’un des sujets de l’étude en cours.

– EterniTrace: un projet visant à appliquer la technologie blockchain dans le domaine de la logistique de la gestion de déchets (entreprises, industries). Partenaire “corp”: Yara, entreprise chimique qui produit notamment des engrais. A noter qu’en parallèle à l’inscription chez MoveUp, les personnes derrière le projet EterniTrace ont introduit un dossier auprès de la DGO6 dans l’espoir de financer un projet de recherche blockchain, applicable à la traçabilité de processus et de stockage de documents (le dossier est encore au stade de l’évaluation et implique potentiellement des apports technologiques de NRB, de l’UCLouvain, du Cetic et de mi8).

Big Bad Wolf. Ce nom, tout comme celui d’ALX Systems, est déjà connu sur la scène numérique belge. Mais que vient faire une agence digitale, notamment fan de réalité virtuelle, dans un programme d’accélération estampillé “industrie (4.0)”? Il semblerait que la société, basée à Genval, ait eu l’intention de créer une spin-off qui se consacrerait au développement de produits VR pouvant être commercialisés à d’autres sociétés – agences ou autres. Ce projet “Brand Space” est toujours d’actualité mais sans qu’il y ait forcément de structure distincte à la clé. Big Bad Wolf viserait ainsi désormais la conception de produits VR destinés à des acteurs industriels (Alstom est le “parrain” chez MoveUp). Un autre projet porte sur le recours à l’intelligence artificielle et à la réalité augmentée pour l’identification de pièces (défectueuses, manquantes…) sur les chaînes de production.

– HeronTrack: cette société, hébergée au CoStation de Charleroi, se spécialise dans le suivi des outillages, petits matériels et équipements, notamment dans le secteur de la construction, par le biais de capteurs IoT (sur réseau LoRA).

Ajoutons encore les deux équipes venues de l’étranger:

– Alteria Automation: société espagnole spécialisée dans la conception de capteurs industriels; elle est cornaquée par I-Care qui espère ainsi voir émerger une solution venant potentiellement enrichir son propre catalogue
– Nytilus: cette jeune pousse est pilotée par un Indien et un Pakistanais qui… se sont établis au Canada (à Montréal) et qui envisagent d’implanter une antenne en Europe (à Charleroi?) afin d’inclure dans leur solution les indispensables fonctionnalités qui la rendraient conforme au règlement RGPD. De quelle solution s’agit-il? A l’origine, Nytilus avait imaginé un casque de réalité virtuelle destiné à une utilisation en environnement industriel, pour l’enregistrement de paramètres venant documenter un dossier de certification de pièces. Dans le cadre du programme d’accélération MoveUp, l’idée retenue – et qui a convaincu Monnaie (société spécialisée dans le traitement de surfaces et les peintures industrielles) de faire équipe avec elle – est une utilisation du casque VR pour de l’analyse d’image dans divers scénarios – y compris les chantiers de mise en peinture.  [ Retour au texte ]


 

MoveUp, quelques stats…

Programme #1 (2018)

Thème: logistique et IoT.
Nombre de candidatures: 45
Nombre de start-ups sélectionnées: 7 ; leurs noms: cPark (rebaptisée Seety depuis peu), WeSmart, AirWafi, Smogey, HoliFresh, Drone Technixx, EasySense. A noter qu’EasySense (collecte et d’analyse de données venant de dispositifs IoT industriels) n’a pas été jusqu’au bout du programme. Relire l’article qui présentait les sept participantes.
Nombre de “corp.” appariées: 10.

Programme #2 (encore en cours)

Thème: “la digitalisation de l’industrie” – au sens très large du terme.
Nombre de candidatures: 88 dont… un peu moins d’un tiers de start-ups belges. Nombreuses, très nombreuses, furent en effet les candidatures étrangères, venant des quatre coins du globe (Allemagne, Espagne, Grèce, Royaume-Uni, Inde, Russie, Colombie, Nouvelle Zélande, Kenya…).

Parmi les jeunes pousses belges, environ un tiers proviennent du Hainaut.
Nombre de start-ups sélectionnées: 7 – dont deux étrangères.
Nombre de “corp.” appariées: 11. A savoir: Alstom, Thales Alenia Space, l’aéroport de Charleroi,  Yara, Sonaca, Monnaie, Lebrun-Nimy, I-care, Engine, Bakbel, Pairi Daiza.