Meusinvest: agir sur certains curseurs mais sans réduire la voilure

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Par · 07/09/2018

Meusinvest confirme l’ajout d’un nouvel axe stratégique d’investissement à son catalogue. Cible: l’industrie 4.0 qui vient donc s’ajouter aux quatre autres axes majeurs (50% des interventions à eux cinq) que sont les biotechs, le numérique, l’agroalimentaire de qualité et l’immobilier (commercial, industriel).

Miser sur l’industrie 4.0, tout compte fait, n’est que la suite logique de l’histoire et de la raison d’être de cet invest: (re)dynamiser le terreau économique liégeois, largement industriel pour des raisons historiques.

Un “Smart Industry Booster” a donc vu le jour qui, pour l’instant, ne bénéficie pas encore d’un important deal flow. “Nous pourrons dire, d’ici un an ou deux, si la dynamique est enclenchée et quelle sera l’ampleur potentielle de cet axe”, déclare Gaëtan Servais, directeur de Meusinvest. “Pour l’instant, il n’y a pas encore beaucoup de projets. Mais le besoin existe à l’évidence. Nous croyons fermement dans ce nouveau paradigme économique.”

Encore peu de dossiers d’investissement en “industrie 4.0” donc, à ce jour, de la part de Meusinvest. Mais on peut notamment citer son intervention récente dans le tour de table réalisé par la start-up AeroSint, auteur d’une imprimante 3D industrielle.

Nouvelles recettes industrielles

Le “Smart Industry Booster” a été constitué sous forme de s.a. et s’appuiera sur des acteurs existants – Sirris, le pôle de compétitivité Mecatech, WSL. Son rôle: opérer comme une société de services, jouer les ensembliers, procurer des consultants mais qui ne se borneront pas à un accompagnement classique. “Le but est de transformer l’essai, de mettre concrètement en oeuvre des projets d’industrialisation 4.0”, souligne Gaëtan Servais. “Nous aiderons notamment au montage des plans financiers. Le but est de pousser les industriels à passer le cap [de la transition numérique].”

L’action sera menée tant dans le cadre de nouveaux dossiers d’interventions que pour des sociétés déjà en portefeuille. Et gare à celles qui se montreraient trop réticentes à franchir le pas du numérique et du “4.0”. Cela risque d’être une très mauvaise note qui pourrait pousser Meusinvest à retirer ses billes. Une manière pour l’invest d’activer certains processus d’exit et de se désengager de sociétés qui “végètent”, autrement dit qui ne présentent certes pas de risque de “discontinuité” opérationnelle mais qui ne laissent pas non plus augurer d’un sérieux sursaut.

Les redressements de sociétés, pourtant parfois dans une bien mauvaise passe, qui ont été réussis en modifiant la culture, en les réorientant dans des perspectives renouvelées grâce au numérique, Meusinvest peut en citer quelques-uns. Notamment Procoplast ou CE+T Power.

“Dans le cas de CE+T, nous les avons poussés à revoir leur modèle, à participer au Google Challenge [qu’ils ont remporté haut la main en concevant un onduleur miniature]. Avec Cide Socran et ID Campus, nous les avons accompagnés dans l’identification d’applications nouvelles basées sur cette réalisation technique, dans le secteur des systèmes embarqués, de la mobilité… Une spin-out est née, Energrid. C’est une toute nouvelle culture d’entreprise qui a vu le jour. 

Nous voudrions généraliser, faire profiter d’autres industriels liégeois de la petite recette qui a fonctionné avec Procoplast et CE+T. C’est à cela que servira le Booster”.

Les chiffres 2017-2018

Plus de 100 millions d’euros (101,72 millions pour être précis) injectés en l’espace d’un an dans des entreprises liégeoises. 

175 interventions décidées et 179 dossiers “exécutés” en 2017-2018, pour un total de 69 millions d’euros.
Répartition des interventions décidées dans les 5 axes stratégiques:
– numérique: 2 millions
– biotechs: 22,5 millions
– industrie 4.0: 3,2 millions
– agroalimentaire: 3,8 millions
– immobilier: 6 millions

Un an plus tôt, le score était de 87,6 millions d’euros, un total déjà jugé “exceptionnel” à l’époque puisque dix fois supérieur à la moyenne qui avait cours 10 ans auparavant.

Meusinvest a-t-elle résolument décidé d’accélérer le mouvement? L’invest se défend de chercher le record ou la croissance à tout prix. Au contraire, l’une des clés est de maîtriser l’accroissement des activités et interventions.

Le rythme est déjà plus qu’intense: 175 interventions décidées au cours de l’année. “Soit quasi un dossier tous les deux jours.” Or, les dossiers sont désormais examinés par… le CA et non plus par un comité d’investissement (nouvelle gouvernance oblige). Pression supplémentaire, donc, au niveau des ressources humaines disponibles.

Autre chiffre intéressant: la répartition de ces 101,72 millions. Pas moins de 57 millions ont été injectés sous forme de capital. “C’est énorme”, constate Gaëtan Servais. Par comparaison, les prêts accordés totalisent 44 millions, ne laissant que 720.000 euros pour du leasing.

Les apports sous forme de capitaux s’expliquent notamment par la boulimie de ce genre d’apport du côté des biotechs.

Jean-Michel Javaux (président du CA de Meusinvest): “Plus de 60% d’interventions sous forme de capital, en 2017-2018, cela démontre que Meusinvest reste conforme à son Adn: être un outil de financement “capital minded” au service des projets de croissance.”

Pas question pour autant de “réduire la voilure”, souligne Gaëtan Servais. Mais il faudra, par contre, ajuster certains curseurs. Notamment du côté du ratio entrées/sorties. En l’espace d’un an, le portefeuille de Meusinvest a été renouvelé à hauteur de 14%. Avec 30 sorties mais aussi… 60 entrées au portefeuille (16 entrées à signaler du côté du seul LeanSquare).

Gaëtan Servais (à g.) et Jean-Michel Javaux (dr.): “Pas question de réduire la voilure” mais mieux gérer la rotation des moyens.

Côté sorties, certaines – minoritaires – ont été provoquées par des échecs (par exemple, l’arrêt de la société Made & More).

Heureusement, les sorties avec plus-values et jolis succès ou belles perspectives à la clé pour les entreprises “émancipées” sont plus nombreux. Citons par exemple Gambit Financial Solutions, Koalaboox, 2-Observe…

30 sorties. 60 entrées. L’impact est flagrant. “C’est un problème. Le nombre d’entrées n’est pas un but en soi, notamment parce que nos équipes doivent pouvoir suivre, en termes de gestion. Il faudrait donc réduire les taux d’intervention et augmenter la rotation afin de mieux gérer les moyens d’action.”

Gaëtan Servais (Meusinvest): “Nous avons, en portefeuille, un potentiel de plus-value que l’on peut évaluer entre 200 et 300 millions d’euros, grâce à quelques belles pépites.”

Les paramètres appliqués pour décider (ou favoriser) une sortie seront donc ré-analysés. Mais le but n’est pas de favoriser des sorties selon le seul critère d’une possible plus-value à n’importe quel prix. D’autres critères resteront primordiaux, en ce compris la préservation d’un ancrage décisionnel local ou les perspectives d’emplois (en préservation ou création). De même, une belle plus-value ou, a contrario, une sortie motivée par des perspectives négatives à court terme, seront remises en perspective pour déterminer s’il ne vaut pas mieux, par exemple, rester au capital afin de pouvoir, avant la sortie, favoriser la naissance de spin-outs, synonymes d’innovation, de propriété intellectuelle locale, de nouveaux vecteurs potentiels de plus-value… Un délicat équilibre à trouver.