Les PME, les oubliées du (très) haut débit en Belgique ?

Tribune
Par Damien Jacob · 28/02/2017

Lors d’un colloque à l’Université de Liège, voici une dizaine d’années, un patron était venu témoigner de l’impossibilité pour sa PME, installée à Harzé près de Liège, d’obtenir une connexion ADSL. La situation était pénalisante au point de devoir relocaliser une partie de son activité dans la périphérie bruxelloise.

Les participants avaient été frappés par la réaction très légère du directeur de Belgacom présent: celui-ci avait répondu que la qualité de vie est aussi importante que la technologie. Dès lors ce patron de PME, s’il ne disposait pas de technologies de pointe dans sa commune, avait par contre “de la chance” d’entendre le chant des oiseaux de la fenêtre de son bureau, ce qui n’était pas son cas du haut de sa tour du Boulevard Roi Albert !

Il n’est donc pas été étonnant que les PME n’aient pas fait l’objet d’un traitement prioritaire dans les plans d’infrastructure à très haut débit de l’opérateur historique, en particulier du côté francophone, vu que la densité moindre engendre un investissement proportionnellement plus important, et surtout là où ni Telenet ni Nethys ne le titillent.

Des parcs d’activités enfin équipés en fibre optique

En 2017, la situation a t-elle changé? Il semblerait que oui. En témoigne le récent engagement de Proximus de déployer la fibre optique dans 4 parcs d’activités namurois: Crealys, Ecolys, Naninne et Floreffe, avec un engagement de desserte jusqu’à l’entrée de chaque bâtiment.

Il s’agit toutefois de 4 zones industrielles sur les 34 que compte la province de Namur et de moins d’un quart des 1.100 entreprises présentes. De plus, il semble qu’il s’agisse d’une démarche pilote ponctuelle: un rapide coup de sonde auprès de deux intercommunales indique que, sur leur territoire provincial respectif, ce déploiement reste au stade de promesse sans échéance pour l’instant.

Seulement 0,1% de connexions fibres optiques en Belgique

Ce constat est confirmé statistiquement: sans son dernier rapport officiel, le régulateur belge (IBPT – Institut Belge des Postes et Télécommunications) indiquait que le nombre de raccordements en fibres optiques (FWA – fixed wireless access, FTTH et FTTB – fiber tot the home / building) représentaient 0,1% du total des connexions large bande rapide. Autrement dit, seulement de l’ordre de 4.000 unités dénombrées fin 2015, chiffre encore plus bas si on exclut les raccordements pour le secteur financier.

 

Ainsi, dans son dernier rapport, le bureau spécialisé Idate ne reprenait même pas la Belgique dans son classement des pays européens équipés en FTTH (Fiber-To-The-Home)

La Belgique, à la pointe de la montée en débit

Si le nombre de raccordements en fibres optiques est particulièrement faible, en revanche la Belgique fait partie des pays européens à la pointe au niveau du pourcentage de connexions Internet d’au moins 30 Mbps.

Si ce type de raccordement est essentiellement résidentiel, les entreprises l’utilisent régulièrement… quand il est disponible là où elles se situent. En effet, ce développement découle de l’important plan d’investissement d’un demi-milliard d’euros lancé par Telenet (“de Grote Netwerf”) en Flandre.

Deux-tiers des connexions de ce type sont fournies via le câble coaxial, qui dessert peu de parcs d’activités en Wallonie. Le réseau de Proximus tente de reprendre des parts de marché avec la technologie “VDSL vectoring”.

 

 

Ainsi, si les ménages sont de plus en plus nombreux à pouvoir bénéficier de connexions Internet très rapide (près de trois-quarts, fin 2015), en revanche les entreprises se trouvent moins souvent dans une telle situation, en particulier en Wallonie où des zones, à la fois en province de Liège, de Luxembourg, de Namur et de Hainaut, restent encore mal desservies, avec des connexions qui ne dépassent parfois pas les 4 Mbps.

Taux de couverture en Internet haut débit de la Wallonie (Source: IBPT – 2016)

 

 

Parfois des entreprises n’ont d’autres recours que d’utiliser une connexion 3G pour se connecter à Internet, là où le débit est meilleur avec la technologie sans-fil, avec un coût d’abonnement semblable, mais par contre un coût nettement plus élevé en cas de transferts élevés de données et, surtout, des performances de latence très médiocres par rapport à un raccordement filaire.

Les PME ont-elles besoin de la fibre optique ?

Quant aux entreprises qui peuvent obtenir des connexions à très haut débit par le réseau cuivre ou coaxial, si l’essentiel d’entre elles s’en contentent au stade actuel, elles sont néanmoins de plus en plus nombreuses à ne plus s’en satisfaire et à vouloir exiger la fibre optique. Compte tenu de leur taille, elles ne peuvent toutefois se permettre de payer les montants astronomiques (plusieurs milliers d’euros) qui sont demandés pour un raccordement réalisé spécialement pour elles.

Les raisons invoquées pour passer à la fibre sont liées à un besoin de débits supérieurs, mais surtout la nécessité qu’il y a pour elles à disposer d’un raccordement internet à très faible temps de latence.

C’est le cas d’entreprises de services actives dans le traitement de données, mais aussi des PMI qui, dans le cadre de leur adaptation au numérique, se dotent de machines de production télécontrôlées, et même des TPE qui ont décidé de permettre à leur employés le télétravail, avec accès à distance à toutes les applications informatiques internes, et celles qui pratiquent l’e-learning vidéo.

Une autre motivation importante est le niveau de qualité de service, en particulier le taux de disponibilité, où, grâce à la fibre optique, il est possible d’obtenir des SLA (Service Level Agreement) nettement meilleurs. Lors de son dernier colloque annuel du GRACO le 10 janvier 2017, l’ARCEP, le régulateur français a recueilli des témoignages très intéressants de dirigeants de PME soulignant que l’accès au très haut débit est un levier de développement et fait partie des critères de (dé)localisation d’activités économiques.


Dans la deuxième partie de cet article, Damien Jacob démythifie la promesse de Proximus de “desservir 50% de la population en fibres optiques d’ici 10 ans” et fait une petite comparaison – assassine – avec notre tout proche voisin luxembourgeois. A découvrir dès demain…