Les PME, les oubliées du (très) haut débit en Belgique ? (2ème partie)

Hors-cadre
Par Damien Jacob · 01/03/2017

Dans la première partie de cet article, Damien Jacob s’interrogeait sur les raisons expliquant – mais ne justifiant pas pour autant – que les PME demeurent encore à l’heure actuelle, et sans doute pour quelque temps encore, les parents pauvres, les oubliées, les négligées, de la (haute) connectivité.

Dans cette seconde partie, il poursuit son raisonnement et son analyse de la situation, en pointant quelques anomalies qui se cachent sous les promesses d’un meilleur haut débit “pour tous” et la comparaison démoralisante avec nos voisins grand-ducaux.

Le marché permettra-t-il d’atteindre l’horizon “fibre”?

Voici maintenant un quart de siècle que tous les spécialistes voient la fibre optique comme un horizon technologique à atteindre. Celui-ci se rapproche mais n’est pas encore palpable, en particulier pour les PME.

Certes, beaucoup d’entre elles peuvent se satisfaire de l’offre actuelle, nettement meilleure que dans les pays du pourtour méditerranéen (encore que certaines zones, comme Barcelone, sont à la pointe avec un FTTB généralisé). Et il existe par ailleurs bien d’autres attentes, plus fondamentales, qu’un patron de PME voudrait voir satisfaire en Belgique, telle qu’une meilleure mobilité.

Il n’est reste pas moins vrai qu’il serait erroné de croire que les forces du marché règleront elles-mêmes la problématique de la desserte en très haut débit des PME.

Poussé dans le dos par Telenet, dont le réseau en câble coaxial permet technologiquement des débits supérieurs à la paire de cuivre, Proximus a annoncé, début 2017, un plan important d’investissement en fibres optiques, avec l’ambition de desservir 50% de la population en fibres optiques, mais dans un horizon à 10 ans.

Desservir 50% de la population en fibres optiques d’ici 10 ans (promesse de Proximus). Ce but sera quasiment atteint en se limitant à équiper… les cinq principales agglomérations belges.

Pourtant, dans le domaine du numérique, 10 ans sont presque assimilés à une éternité – quand on compare à l’Internet qui s’est ouvert au commercial voici une vingtaine d’années. Et ce pourcentage sera quasiment atteint en se limitant à équiper les cinq principales agglomérations belges. Pour le reste… “la densité de l’habitat est très faible”. Cet argument est certes pertinent, s’agissant d’investissements nécessitant de coûteux travaux de voiries, proportionnels à la longueur des raccordements. Mais la réelle non-motivation ne serait-elle pas plutôt: “l’intensité de la concurrence y est très faible” ?

10 ans d’avance au Grand-Duché ?

On ne peut être indifférent à la situation de notre “petit” voisin, le Grand Duché de Luxembourg. Au moment même où l’opérateur historique belge annonçait vouloir desservir 50% de la population en fibres optiques pour 2027, le Luxembourg annonçait avoir dépassé 50%… maintenant, même dans ses très nombreuses communes rurales.

Ainsi en date du 30 juin 2016, le Luxembourg comptait 143.400 raccordements FTTH (51% des logements et locaux): 66.900 via la technologie FTTH P2P (qui permet aisément une mutualisation entre plusieurs opérateurs) et 76.500 via la technologie P2M. A consulter, ce rapport de l’Institut Luxembourg de Régulation. 

Couverture fibre optique Grand Duché Luxembourg – 2017

Le taux de couverture est d’ailleurs cartographié, commune par commune, sur le Geoportail.lu, un modèle, soit dit en passant, de facilité de réutilisation de données publiques.

 

Comment le Luxembourg peut-il avoir (au minimum) 10 ans d’avance en la matière par rapport à la Belgique, alors qu’en ce domaine une décennie est une échéance plutôt lointaine?

Et comment ce qui est déjà une réalité à Wiltz ne pourrait être atteint de l’autre côté de la frontière, par exemple à Bastogne ou à Gouvy qui font partie des communes belges où la couverture complète en ADSL se fait paraît-il encore attendre ?

Notons qu’outre la vision politique en la matière, la compétition n’est vraisemblablement pas étrangère à ce dynamisme luxembourgeois. Ainsi, 33,5% des raccordements en fibres optiques au Luxembourg sont commercialisés par des opérateurs alternatifs.

On ne peut que se réjouir que cette problématique fasse maintenant l’objet en Wallonie d’une réflexion attentive dans le cadre du plan Digital Wallonia, avec des négociations avec les opérateurs en contre-partie de la suppression de la “taxe Pylônes” (voir la question parlementaire de la députée Marie-Dominique Simonet et la réponse donnée par le Ministre Jean-Claude Marcourt).

Probablement faudrait-il néanmoins ne pas en rester à une intensification des investissements pour la desserte sans-fil (4G) mais aussi aborder une réflexion sur la manière de mieux stimuler la compétition sur le marché. D’autant que les décideurs politiques disposent de leviers, tant du côté de chez Proximus que de Nethys, qui, rappelons-le, sont des opérateurs respectivement majoritairement et totalement publics.


Cet article ne voudrait pas s’arrêter de manière brutale. Nul doute que vous ayez des réactions, des commentaires, des idées et propositions non seulement à émettre mais aussi et surtout à faire passer auprès des responsables et décideurs du (très) haut débit – privés et publics.

Nous vous invitons dès lors à proposer vos commentaires dans l’espace ci-dessous. Le sujet vaut très certainement débat et échanges…