Xpert Eye: la “réalité assistée” débarque en médecine

Pratique
Par · 04/01/2018

La solution de visioconsultation Xpert Eye, choisie par la Clinique André Renard (voir notre article), vient de France. La société AMA, basée à Rennes, a développé cette solution de visioconférence via lunettes connectées en veillant à la rendre exploitable sur divers types de lunettes en fonction des contextes de déploiement. Contextes variés mais dont le point commun est la nécessité pour le porteur des lunettes d’entrer en communication avec un expert dont il a besoin des conseils ou de l’avis dans le cadre de ses propres tâches. Voilà pourquoi AMA parle de “solution de réalité assistée”.

Les communications empruntent un canal sécurisé (plate-forme Internet dédiée, avec fonctions d’authentification, de gestion de présence, protocole WebRTC).

Selon les caractéristiques techniques de chaque dispositif (précision focale, …), AMA conseille en effet d’avoir recours à des lunettes Google, Vuzix ou ODG (des solutions sont également promises pour lunettes connectées Fujitsu, Realware et Epson).

Support de premier niveau

“Les Google Glasses sont plus indiquées pour des contextes d’urgence médicale en raison de leur légèreté et de leur configuration. La caméra et la projection vidéo sont placées au niveau de la tempe et n’interfèrent donc pas avec la vision de l’utilisateur”, souligne Julie Urvoy-Buchet, chargée de clientèle chez AMA.

Les lunettes Xpert Eye jouent les assistants connectés, en liaison avec le smartphone de l’utilisateur sur le terrain et l’ordinateur du référent.

“Elles assurent un large angle de vision. Dans un contexte de médecine d’urgence, sur le terrain, elles permettent plutôt d’établir une sorte de diagnostic, un état des lieux de l’environnement immédiat et de la situation.

Par contre, elles ne sont pas idéales pour de la médecine de précision, par exemple pour guider l’urgentiste pour une intubation ou la visite d’une plaie, un diagnostic de nécrose ou, dans un autre contexte, pour visionner les dessous d’un moteur de voiture… Si on les utilise par exemple pour prendre la photo d’une main, on n’en aura pas tous les détails. La raison en est que les lunettes Google ne sont pas dotées d’un autofocus. Du moins pas pour l’instant. Pour des utilisations de précision, il vaut mieux recourir à un autre modèle de lunettes.”

C’est pour cette raison que la Clinique des Augustines à Malestroit (en Bretagne) a choisi des lunettes Vuzix pour déployer une solution de consultation à distance pour le suivi de plaies chroniques reposant sur Xpert Eye. “La colorimétrie avec ce dispositif est proche de la vision de l’oeil nu”, affirme Julie Urvoy-Buchet.

Des Glasses plus si Google que ça

La solution d’AMA n’utilise pas les dispositifs visuels, en particulier ceux de Google, sans en avoir modifié le fonctionnement. Dans un contexte médical, hautement sensible en termes de données personnelles, il était indispensable d’éviter que les données ne soient communiquées à des personnes extérieures à la relation de confiance qu’impose l’acte médical.

“Nous avons intégré notre propre OS aux lunettes, remplacé ce qui avait été prévu à l’origine par le constructeur pour nous assurer qu’aucun applicatif n’interfère, ne soit une source de vulnérabilité ou de collecte de données”, explique Julie Urvoy-Buchet.

Les ingénieurs d’AMA ont procédé à d’autres adaptations, notamment pour doper l’autonomie de la batterie, ajouter un potentiel de compression vidéo de telle sorte que “la transmission d’images temps réel soit possible sur des réseaux parfois hostiles à la vidéoconférence.”

Xpert Eye fonctionne dès lors même en condition de faible bande passante. Débit minimal requis: 400 Kbps minimum pour la vidéo et 100 Kbps pour le canal audio.

Autre adaptation: le “câblage” des lunettes. La solution de “réalité assistée” embarquée sur les lunettes communique avec le smartphone ou la tablette de l’utilisateur. Et cela, via un câble… Pas de connexion sans-fil,  notamment pour des questions de fiabilité et de sécurité, pour éviter de générer des ondes (“peu recommandé si prèès de la tempe”), mais aussi pour que les lunettes soient alimentées par la batterie du mobile. “En soi, les lunettes Google offraient une autonomie de 20 à 30 minutes. Via la connexion à un smartphone dédié, nous poussons aisément jusqu’à 1 h 30.”

Les commandes sont également installées sur le mobile, “utile pour des utilisateurs qui ne sont pas forcément technophiles”.

La compression vidéo, elle, a permis de contourner un double défaut des lunettes d’origine. A savoir, une saturation rapide des processeurs qui provoquait… une surchauffe et des effets de latence.

Julie Urvoy-Buchet (AMA): “Le fait d’avoir conçu notre propre OS et de recourir à une unité dédiée en guise de relais [lisez: le mobile] nous permet de proposer Xpert Eye sur pratiquement n’importe quel type de lunettes connectées.”

Si AMA a pu ainsi modifier les lunettes Google en vue d’un usage médical professionnel, c’est parce que la société s’est intéressée très tôt aux potentiels des Google Glasses. Tout d’bord en montant à bord du programme Google Glasses Explorer (stoppé début 2015) et, ensuite, en devenant partenaire Google Glasses at Work.

Cela lui permet d’avoir un accès privilégié et anticipé aux spécificités du matériel et de procéder à des développements spécifiques. “Pour les besoins de l’hospitalisation à distance, par exemple, les soignants désiraient pouvoir s’appuyer sur une unité dédiée [un équipement mobile] pour accéder au DPI…”

Privacy

La confidentialité des données est évidemment un aspect essentiel pour une solution utilisée en milieu médical. AMA a donc prévu un certain nombre de mécanismes de sécurisation: transfert de point à point avec chiffrement des messages entre l’utilisateur sur le terrain et la personne de référence à l’hôpital, infrastructure serveur privée qui assure notamment les fonctions d’authentification et de gestion des signalements (émission/réception d’appels, de photos, de textes…), pas de stockage de données sur les serveurs (uniquement sur l’équipement mobile de l’utilisateur sur le terrain et éventuellement sur l’infrastructure de l’hôpital).

“Nos propres serveurs sont certifiés conformes aux normes médicales en vigueur en France. Cette certification n’est certes pas valable en Belgique. C’est pourquoi, entre autres raisons, nous avons par exemple conclu un accord avec Econocom, qui devient notre partenaire Xpert Eye pour la Belgique.”

En termes de sécurité et de confidentialité, voici ce à quoi s’engage AMA: “Nous assurons nos clients de la sécurité des données par la destruction de celles-ci après la fin d’un échange avec la solution Xpert Eye. La société AMA ne conserve aucune donnée ayant transité par la solution. Seules des informations statistiques sur la durée des échanges et le motif de leur arrêt sont conservées à des fins d’amélioration de la solution.

Une fonctionnalité permet au client de décider de la conservation ou de la suppression des photos et vidéos enregistrées pendant un échange avec la solution Xpert Eye sur les équipements reliés aux lunettes connectées.”