Tapptic: les (chat) bots, second souffle pour les applis?

Pratique
Par · 20/04/2017

Nous évoquions, tout récemment, l’arrivée de deux start-ups pure players sur le terrain des (chat)bots. Les agences numériques déjà implantées sur le marché s’intéressent elles aussi, tout naturellement, à ce phénomène des assistants numériques dont le fonctionnement est basé sur des algorithmes et des techniques d’apprentissage automatique.

Comment Tapptic, par exemple, se positionne-t-elle? Quels sont les enjeux qu’elle identifie? Un petit entretien avec Frédéric Feytons, son “Chief Technical Officer”.

Les bots, Tapptic s’y est intéressée dès le début 2016, dans la foulée de l’impulsion donnée par Messenger (Facebook). “La première génération d’applis arrive à la fin de son cycle. Il s’agit désormais de passer à la prochaine génération”, explique Frédéric Feytons. “En moyenne, un utilisateur passe 80% de son “temps appli” sur 3 d’entre elles. Il est donc nécessaire d’aller plus loin, d’investir de nouveaux canaux, en raison de l’essoufflement des apps.”

Pour lui, les bots ne sont que “l’arbre qui cache la forêt.” Si les bots sont un type spécifique d’interface, la forêt, quant à elle, c’est le conversationnel, les assistants personnels de tous poils et de toutes finalités.

Boîte pas si magique

Si un bot a de la mémoire, est-il pour autant intelligent? Peut-il faire preuve d’imagination, de sensibilité, de prescience de ce que voudra demain le consommateur, le client, le touriste, le patient, le candidat?

“Dès l’instant où l’on sort d’un scénario classique, quand proposer à un client un produit sur base de ce qu’il a déjà consommé par le passé ne suffit plus, le relais passe à nouveau vers l’être humain. Par exemple, l’agent d’un helpdesk…”

Le défi, en effet, consiste à pouvoir imaginer les multiples ramifications que peut prendre un dialogue, un échange avec un client, un internaute. D’autant plus que ce dialogue variera d’une personne à l’autre. Si ce défi n’est pas relevé efficacement, le bot n’aura d’autre effet que de “standardiser” les choix, de les réduire au plus petit dénominateur commun.

Pour l’heure, les bots facilitent essentiellement la navigation dans des sites ou menus complexes, aident à effectuer un choix – qu’il s’agisse de commander une pizza ou un film sur Netflix. “Une interface conversationnelle facilite les recherches déstructurées. Par exemple, il devient plus aisé de trouver dans le catalogue Netflix “une comédie pas trop ancienne avec tel ou tel acteur”. Le bot opère un premier choix, l’internaute poursuit ensuite par lui-même. C’est plus efficace qu’une interface graphique structurée par thème…”, commente Frédéric Feytons.

Autre domaine, répondant au même mécanisme, dans lequel Tapptic a travaillé: l’assistance pratique aux travailleurs. “Un bot les aide lorsqu’ils recherchent des informations techniques sur le fonctionnement de tel ou tel équipement qu’ils devront utiliser…” Vu sous cet angle, un bot est donc une forme évoluée de manuel électronique…

La forme et le sens

“Les bots sont un canal nouveau, tout comme la réalité virtuelle. Un nouveau moyen d’attirer les utilisateurs mais ils doivent aussi apporter une réelle valeur ajoutée.

Frédéric Feytons (Tapptic): “Pour nous, un bot est simplement une interface supplémentaire. Chaque acteur qui veut proposer une interface sur des médias multiples (mobile, télévision, lunettes ou montres connectées…) peut donc devenir un concurrent.”

Et, pour cela, ils doivent être scénarisés afin d’apporter les bonnes réponses. Le défi réside notamment dans la formulation des questions, qui peuvent être très diverses. Pour relever ce défi, l’une des possibilités est de faire en sorte que l’utilisateur “rentre” dans le scénario prévu et de l’amener à formuler des questions relativement orientées. On peut par exemple recourir à des outils NLP (natural language processing) mais ce ne sont pas des outils magiques.

Si on utilise un bot dans le secteur de la restauration, on sait que l’on devra faire face à des questions incluant des nombres, des heures… Du genre: “je veux réserver trois repas ce soir”. On peut donc construire le scénario. Mais quel que soit le contexte, il faut pouvoir l’anticiper, savoir ce que l’utilisateur risque de poser comme question.

Le niveau linguistique, toutefois, n’est pas tout. Il s’agit aussi d’être capable d’extraire du sens. Voilà pourquoi Tapptic, pour renforcer son équipe, a plutôt recherché un profil d’analyste de conversation qu’un linguiste…”

 

Bien plus qu’une simple façade

Les bots, dans la première phase actuelle du “conversationnel intelligent”, se retrouvent essentiellement affectés à des tâches de support clientèle ou d’animation de communautés (clientèle d’une marque, fan club d’un chanteur…).

Une phase qui requiert néanmoins qu’au-delà d’un scénario somme toute rigide de conversations pré-programmée, une certaine dose d’“intelligence” soit injectée dans l’interface. “Pour rendre les réponses plus pertinentes, mieux adaptées à chaque utilisateur spécifique, il faut le connaître, s’appuyer sur son historique de consommateur…”

Et cela exige d’autres types de compétences que celles d’un développeur ou qu’un analyste fonctionnel. Chez Tapptic, par exemple, un data scientist a été engagé afin d’exploiter efficacement les données collectées, créer des algorithmes efficaces, aptes à générer des réponses et dialogues personnalisés…

Pour générer de l’“intelligence”, il faut extraire du sens au départ des données. Et cela ne se limite pas à des mécanismes statistiques…

“Les data sont l’aspect réellement stratégique à nos yeux. Les conversations créées sont par ailleurs une occasion de collecter encore plus de données”, souligne Frédéric Feytons (lire à ce sujet, en fin d’article, cette remarque touchant à la confidentialité). “Pour rendre l’interface plus intelligente, on a besoin de beaucoup de données. La machine doit ensuite apprendre au départ des données historiques. Voilà pourquoi nous nous positionnons aussi sur le terrain du machine learning.”

Messenger mais pas que…

Pour l’instant, le principal “attrape-bots” semble être – et de loin – Messenger. La plupart des développeurs et agences se tournent vers ce service de messagerie en raison de la masse énorme d’utilisateurs potentiels que promet Facebook. Mais faut-il pour autant négliger les autres plates-formes? Whatsapp, Slack, Skype, Google Now (“malheureusement encore peu ouvert aux applis”, regrette Frédéric Feytons), Siri d’Apple (“qui pratique l’ouverture depuis l’avènement d’iOS 10”), Alexa d’Amazon…

Source: Marketingfacts.nl, Décembre 2016.

“Alexa se destine davantage à un environnement domotique mais d’autres environnements ne sont pas à négliger pour ce type d’interface vocale. L’automobile, par exemple, où l’on retrouve par exemple CarPlay d’Apple et Android Auto. Cela ouvre de nombreuses possibilités, notamment pour de la recherche de parking, à condition qu’il y ait partage de données entre les différents opérateurs de parking.”

Un bot, demain, pourra vous guider et vous renseigner sur la disponibilité de places, sur l’impact d’un retard de train, sur le taux d’encombrement routier, sur le meilleur moment de la journée pour trouver à se garer aisément (ou non) dans telle ou telle zone…

Simple exemple parmi une myriade d’applications potentielles.

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(1) Petite remarque non dénuée d’intérêt, “selon les conditions générales de Facebook, toute donnée collectée lors d’une conversation demeure la propriété de Facebook”, rappelle Frédéric Feytons. “Il y a donc tout un débat à avoir en termes de vie privée, de propriété intellectuelle des entreprises, de valeur en tant que différenciateur concurrentiel. Si les données d’une conversation automatisée risquent d’être sensibles, Facebook n’est pas la meilleure réponse. Intégrer un robot dans une application permet de maîtriser le contenu [de la “conversation”]. Une règle générale que nous suivons est d’anonymiser les contenus dès l’instant où nous voulons déterminer un comportement potentiel.”  [ Retour au texte ]