Aéroport de Liège: vers une gestion processus-ressources intégrée

Pratique
Par · 17/04/2013

Un aéroport, même régional, est un noeud d’activités intense qui, comme toute entreprise, doit veiller à un fonctionnement optimal de ses processus. Avec le temps, des outils de gestion, parfois conçus sur mesure, ajoutés au gré des besoins et de la croissance, finissent par ne plus répondre aux défis, par ne plus fonctionner comme une machinerie bien huilée.

C’est ce qui risquait de se produire pour l’aéroport de Liège. Ses différentes applications informatiques- comptabilité, gestion des achats, des stocks, des clients, reporting…- avaient pris de l’âge, n’avaient pas forcément évolué de concert avec les progrès de la technologie ou avec les contraintes d’exploitation. Certaines risquaient de ne plus être supportées ou remises au goût du jour par leurs concepteurs. Certaines, aussi, n’avaient pas les reins assez solides, pour gérer un aéroport qui a connu une croissance soutenue ces dix dernières années, voyant transiter quelque 700.000 tonnes de fret en 2011, contre 300.000 tonnes en 2000. Sans compter que toutes ces applications de gestion avaient été conçues et avaient évolué chacune dans leur coin, “sans souci d’intégration”, souligne Willy Delflys, secrétaire général de l’aéroport liégeois.


Liège Airport en chiffres

Création: 1990 (l’aérogare civile de Bierset avait été inaugurée dès 1976)

Evolution des activités:

2000: 300.000 tonnes de fret

2011: 674.000 tonnes

2012: 576.000 tonnes de fret et 303.000 passagers

2013: 600.000 tonnes (estimation prévisionnelle)

2020: objectif: le million de tonnes et 700.000 passagers


“La forte croissance enregistrée ces 10 dernières années, hormis un creux en 2012 dû à la crise, a impacté tous les processus de l’entreprise et a entraîné une nécessaire adaptation”, explique-t-il. “D’autant plus que nos effectifs (ouvriers, employés, personnel d’encadrement) ont progressé dans le même temps.”

Il était donc temps de réactualiser les outils de gestion et, surtout, de veiller à ce que l’ensemble fonctionne à l’unisson. Ce qui, en d’autres termes, rimait avec ERP. “Même si nous n’avions pas pensé d’emblée à évoluer vers un ERP. Au départ, nous voulions plutôt revoir les procédures. Pour ce faire, nous avons confié une mission d’audit et de recommandation à Vectis [Ndlr: société luxembourgeoise spécialisée dans les architectures d’entreprise et le “management par les processus]. Ce sont eux qui nous ont conseillé de mettre en oeuvre un ERP. A la fois pour nos besoins en gestion financière et gestion des achats. Et pour d’autres chapitres, si nécessaire.”

Première étape: les achats

L’appel d’offres a été lancé début 2012. Le choix du prestataire, lui, est intervenu en juillet 2012. Solution sélectionnée? SAP All-in-One, proposé et implémenté par NRB. Voir notre encadré pour les raisons du choix.

Les trois premiers modules SAP déployés, en ce début 2013, furent ceux destinés à la gestion des achats, à la gestion des stocks et à la comptabilité et gestion financière.

“La priorité était clairement le service Achats dont la solution avait le moins évolué au fil du temps. La solution de gestion des demandes d’achats et des bons de commande, développée en interne sur base de Microsoft Access, avait atteint ses limites. Nous devions soit en changer, soit allouer davantage de personnes pour traiter les factures d’achat. De même, la solution de comptabilité existante ne nous permettait pas de procéder à de la consolidation financière et arrivait en fin de vie dans la mesure où son fournisseur [NSI] ne nous en garantissait pas le suivi et l’évolution future.”

Willy Delflys: “L’ERP est appelé à devenir l’ossature du système d’information de l’entreprise et à s’imbriquer avec les logiciels métier spécifiques.”

A l’heure actuelle, une quarantaine de collaborateurs utilisent le module gestion des achats à des fins d’encodage des demandes, de gestion comptable ou de contrôle interne. “Ce nombre d’utilisateurs est appelé à augmenter dans les années à venir dans la mesure où nous allons restructurer certains services afin de décloisonner par exemple les services Achats et Exploitation. Le service Achats travaille 5 jours par semaine, 8 heures par jour mais un aéroport ne s’arrête jamais, surtout s’il autorise les vols de nuit. Nos services d’intervention sont à pied d’oeuvre en mode 24×7.

Il s’agit donc de gérer les stocks et les sorties de magasin à toute heure. Pour fonctionner, les services techniques ont besoin de petits stocks afin de pouvoir utiliser les équipements et pièces dont ils peuvent avoir besoin. Ces stocks en circulation ne sont pas maintenus, actuellement, avec toute la rigueur voulue. Ils restent parfois inexploités pendant longtemps. C’est par exemple le cas d’équipements permettant de réparer les pompes du système d’approvisionnement en carburant. Ce sont des pièces de grande valeur, qui peuvent très bien ne pas être utilisées pendant un an, qu’on ne peut pas se permettre de ne pas avoir sous la main, qui requièrent des délais de livraison importants et qu’il convient de mieux gérer. Le décloisonnement des services Achats et Exploitation et l’utilisation de la solution ERP permettront de mieux les faire travailler ensemble, en responsabilisant les services opérationnels en termes de gestion des stocks.”

Rationaliser les procédures

L’implémentation de l’ERP- un exercice toujours long et lourd à assumer- se justifiait par le souci de mieux intégrer les différents outils de gestion, d’avoir une vision plus précise et actuelle de la situation, et de faire l’économie de manipulations, saisies et traitements redondants.

Comme souvent, l’arrivée d’un ERP fut aussi l’occasion de revoir et d’optimiser les processus. Notamment, pour la logique de validation et d’approbation des demandes d’achat. L’informatisation fera gagner un temps précieux aux équipes: flux automatisés, suivi automatique des rappels de factures…

Mais cette rationalisation ne va pas sans une nécessaire formation et adaptation des personnes concernées. “Certaines ont dû changer leurs habitudes, leur mode de fonctionnement. Il n’est plus possible, désormais, pour un acheteur d’introduire une demande d’achat pour compte d’un employé d’un autre service. L’objectif est que celui qui a besoin d’un produit ou d’un service soit celui qui génère la demande et en prenne la responsabilité. Le service Achats, pour sa part, a la responsabilité de choisir le fournisseur adéquat et de négocier avec lui les meilleures conditions pour Liège Airport. Par le passé, les Achats portaient les demandes de tous les services sans que la responsabilité du service demandeur soit nécessairement définie.”

Le déploiement de l’ERP a donc été l’occasion de revoir certaines règles. Les services opérationnels (électromécanique, maintenance) n’ont plus de contact direct avec les fournisseurs. C’est All-in-One qui est désormais à la manoeuvre. Les listes de prix sont préparamétrées. Toute négociation éventuelle est du seul ressort du service Achats. “C’est beaucoup plus sain en termes de gestion et de gouvernance”, souligne Willy Delflys.

Evolutions futures

La gestion des stocks repose encore sur des procédures manuelles dans la mesure où les équipements, pièces et leurs mouvements continuent d’être encodés. Une analyse est toutefois en cours pour optimiser cette gestion. Une solution d’identification automatique (par codes-barres ou technologies analogues) devrait être déployée en 2014.

La facturation devrait également connaître une évolution à terme. Si le papier règne encore en maître, Liège Airport désirerait généraliser le principe de la facturation électronique. En commençant sans doute par l’automatisation des factures d’achats qui se chiffrent entre 4 et 5.000 unités par an. “L’ERP était une étape nécessaire pour passer à la facturation électronique”, indique Willy Delflys. “Nous sommes en train d’étudier la manière de procéder. Notamment du côté de la facturation des ventes. La majorité de nos clients sont en effet étrangers, souvent extra-européens.” L’Aéroport pourrait donc décider de dissocier les deux chantiers, commençant par le passage aux factures électroniques d’achats dans la mesure où quelque 80% des fournisseurs de l’Aéroport sont des sociétés locales.

Une aide à la décision plus proactive

L’arrivée de l’ERP sera aussi pour l’Aéroport l’occasion de revoir ses processus de reporting et d’aide à la décision. En la matière, l’intégration avec l’existant ne sera pas trop compliquée puisque la solution BI (business intelligence) utilisée était… BusinessObjects. Toutefois, l’utilisation du décisionnel devra évoluer. “Le reporting actuel est assez classique”, indique Willy Delflys. “Il est destiné à notre conseil d’administration. L’arrivée des potentiels SAP va permettre d’automatiser le reporting et de transformer un potentiel décisionnel qui n’est encore que réactif. Nous l’utilisons par exemple pour connaître la situation en termes de tonnes de fret, de volumes, de fuel consommé, de passagers, etc. Une fois par mois, nous produisons un rapport financier: chiffre d’affaires, niveau d’endettement… D’autres rapports sont produits à la demande, au cas par cas. A terme, notre intention et de systématiser le reporting et d’en faire un outil d’aide à la décision pour tous les décideurs.”

Des exemples? “L’état de la balance des paiements pour le service commercial afin que chacun de nos commerciaux connaisse la situation de chaque client, son niveau d’impayés, par exemple, quand il le rencontre. Le décisionnel servira également à des fins de suivi budgétaire. Le rythme est actuellement trimestriel. Il s’accélérera afin de pouvoir identifier rapidement tout dépassement éventuel. Cela nous permettra d’anticiper au lieu de simplement constater un dépassement après coup. Nous pourrons ainsi mieux piloter notre croissance…”

Willy Delflys: “Notre intention et de systématiser le reporting et d’en faire un outil d’aide à la décision pour tous les décideurs.”

L’outil décisionnel devrait donc donner une vue davantage temps réel de la situation (stocks, finances…). “Jusqu’ici, lorsque le directeur d’exploitation devait approuver un bon de commande, il ne savait pas avec certitude s’il pouvait le signer. Pour approuver une demande d’achat, il doit connaître la situation au moment présent. Grâce au reporting systématisé, nous pourrons par exemple savoir, en cas d’hier rude et prolongé comme cette année, de combien nous risquons de dépasser le budget prévu en produits de déneigement.”

La chose est d’autant plus importante que l’Aéroport fonctionne en flux tendus pour ses achats et approvisionnements (hormis pour les biens et services associés à de long délais de livraison). “Grâce à l’ERP, nous aurons une vue plus précise, nous pourrons mieux anticiper.” A cet égard, une future évolution (intégration d’un potentiel de GMAO- gestion de maintenance assistée par ordinateur) permettra de mieux intégrer et aligner achats et planification. Un exercice qui continue d’être effectué, aujourd’hui, à l’aide de simples fichiers Excel.

Module après module…

Outre les projets futurs déjà cités (facturation électronique, GMAO…), Liège Airport devrait, à court ou moyen terme, se doter de nouveaux potentiels, assumés par l’ERP All-in-One ou par des solutions qui lui seraient étroitement intégrées.

Le premier module SAP supplémentaire qui rejoindra le trio déjà déployé sera probablement un module de gestion immobilière, permettant de gérer plus efficacement le parc de bâtiments. “La solution existante a 12 ans d’âge et est saturée. Et n’est en outre pas intégrable avec la solution SAP.”

Deuxième étape: la gestion des ressources humaines. “Nos équipes doivent pour l’instant se contenter d’une solution développée en interne, sur base de fichiers Excel, et de la solution fournie par le secrétariat social. Notre nouveau directeur RH désire mettre en oeuvre une solution plus intégrée, notamment avec l’outil comptable, afin d’éviter les réencodages et réplications de données, avec les risques d’erreur que cela implique. ”

Troisième projet inscrit sur les tablettes: du CRM. La solution actuelle (Efficy) semble atteindre ses limites, estime Willy Delflys. “Les données ne sont pas toujours exploitées à bon escient. Et la situation actuelle implique, là aussi, d’inutiles réplications de données. Voire des différences entre les données figurant dans la compatibilité et dans le CRM et qui, pourtant, concernent un même client…”

Enfin, un projet Mobilité pourrait voir le jour. Membres de la direction et commerciaux utilisent en effet divers équipements mobiles pour assumer leurs tâches respectives (validation de factures, de bons de commande, contrôle financier…). Les fonctions et données accessibles actuellement sont toutefois limitées. Liège Airport pourrait donc devenir, à très court terme, l’un des “POC” (sites-pilote) testant la solution Managed Mobility Platform récemment développée par NRB. Il s’agit, en l’occurrence, d’un service d’hébergement et de commercialisation d’applications mobiles (SAP ou venant d’éditeurs tiers) en mode SaaS. Passer par le “cloud” permettrait à l’Aéroport de palier à la complexité qu’implique la coexistence de divers équipements mobiles (iPhone et Blackberry pour les smartphones; Samsung pour les tablettes). La solution pourrait dès lors passer par le développement d’une application mobile, hébergée dans le cloud, exploitable sur divers équipements et environnements applicatifs.


Pourquoi SAP?

Sur la bonne demi-douzaine d’offres réceptionnées, l’Aéroport de Liège en avait retenu deux pour sa short-list: celle de NRB qui proposait la solution SAP All-in-One et celle de NSI qui préconisait Microsoft Dynamics AX (ex-Axapta).

Aux yeux des responsables de Liège Airport, les deux propositions étaient fort proches “qualitativement”. A savoir que leurs fonctionnalités, facilité d’utilisation et potentiels d’évolutions futures étaient fort semblables. Ce qui a emporté la décision en faveur de l’offre SAP fut surtout le volet “quantitatif”, à savoir les conditions financières proposées pour les phases d’implémentation, de formation et de maintenance.

Toutefois, l’offre SAP se démarquait par divers critères qui apparaissaient comme autant d’éléments positifs aux yeux de l’équipe de l’aéroport. “La solution SAP garantit une rigueur des flux et des processus, au niveau organisationnel, ce à quoi nous sommes très attentifs. Un exemple: la stricte séparation dans les niveaux d’autorisation pour l’utilisation des différentes fonctions par les divers profils d’utilisateurs. Par ailleurs, SAP est fort présent dans le monde des aéroports. L’un de nos actionnaires, à savoir les Aéroports de Paris, utilise SAP, ce qui facilite le reporting.”