24 projets m-santé au banc d’essai. En jeu: validation et remboursement

Pratique
Par · 26/01/2017

En décembre, le cabinet de Maggie De Block confirmait une annonce faite dès juin dernier qui prévoit un budget de 3,25 millions d’euros pour le financement des 24 projets-pilote dévoilés peu de temps avant (relire notre article) et qui serviront de tests grandeur nature afin d’évaluer et valider la stabilité, “utilisabilité” et sécurité d’applis mobiles e-santé et, par ailleurs, d’élaborer un cadre réglementaire autorisant la reconnaissance des applis et dispositifs d’e-santé.

Le remboursement d’applis et dispositifs reconnus par les autorités publiques pourrait ainsi devenir réalité dès 2018.

Le financement des 24 projets-pilote (voir ci-dessous) est en effet présenté comme un premier pas vers une reconnaissance légale – avec tout ce que cela implique comme remboursement par la Sécurité sociale – des applis et dispositifs e-santé.


Typologie des 24 projets-pilote

2 projets dans le secteur des soins neurovasculaires (lors d’accidents vasculaires cérébraux)

3 projets dans le secteur des soins diabétiques

2 projets concernant des soins aux patients souffrant de douleurs chroniques

3 projets dans le secteur des soins de santé mentale

8 projets relatifs aux affections cardiovasculaires

3 projets touchant une combinaison de domaines cités ci-dessus

3 projets dans des domaines divers (oncologie, apnée du sommeil, bronchopneumopathie chronique obstructive).


Quels seront les critères qui seront appliqués pour la sélection des (futures) solutions qui bénéficieront de cet imprimatur public? Rien, pour l’heure, n’a encore été décidé en la matière. Le cadre réglementaire et juridique doit encore être balisé, de même que le modèle de financement applicable aux “prestataires” de soins, un concept qui, lui-même, devra sans doute être redéfini. C’est dans cette optique que les 24 projets-pilote ont été sélectionnés, devant servir de test grandeur nature.

Seules indications données à ce jour par la Ministre: à l’avenir, les applications et dispositifs qui pourront entrer en ligne de compte pour un financement/remboursement devront respecter certaines règles, notamment en matière de sécurité et de confidentialité des données, de compatibilité avec les solutions pré-existantes, et de pertinence scientifique des données sur lesquelles les porteurs de projet s’appuient pour développer leur solution.

On retrouve là les grandes lignes des critères de sélection qui avaient été décidés pour l’appel à projet lancé en 2016 (voir en fin d’article). Mais ce ne sont encore que de grandes lignes. Les spécificités, elles, doivent encore être définies.

Si les projets-pilote se déroulent correctement et donnent des résultats probants pouvant servir de socle à des décisions, et si, par ailleurs, les intentions évoquées par la Ministre, au nom du gouvernement, sont respectées, les remboursements d’applications de santé (e-health, m-health…) pourraient devenir une réalité dès 2018.

“Commençons par le plus facile”

Lors d’une session d’information organisée par le cluster bruxellois Lifetech.brussels, Eric Van Der Hulst, conseiller “externe” auprès du cabinet de Maggie De Block et par ailleurs directeur de programme Santé à l’IMEC (fusionné depuis peu avec iMinds) (1), a reprécisé le cadre dans lequel les 24 projets-pilote avaient été sélectionnés.

(1) En tant que directeur de programme Santé à l’IMEC/iMinds, Eric Van Der Hulst a pour mission de “stimuler les technologies santé par le biais de la recherche appliquée, du coaching de start-ups, de projets d’innovation et de prestation de conseils). Notons encore qu’avant d’entrer chez iMinds, il avait travaillé pour Cegeka, en tant que responsable de Cegeka Healthcare.

“Le nombre d’applis mobiles de santé et de dispositifs e-health augmente rapidement. Par contre, peu d’entre eux sont utilisés ou utilisables en Belgique. Nous ne nous y intéresserons donc pas dans un premier temps. Nous voulons plutôt commencer par le plus facile, c’est-à-dire par ce qui est déjà utilisé et qui a été prouvé – glucomètres, téléconsultation, suivi de pression artérielle… -, afin de déterminer comment il est possible de valider ces applis et de progresser à partir de là.”

Les “fondamentaux” par lesquels le SPF désire commencer s’inscrivent dans trois axes: “self-management” par le patient – via des applis et des “wearables” [dispositifs corporels] ; télésurveillance ; et authentification mobile.

Eric Van Der Hulst: “Nous commençons par les fondamentaux. L’espoir est de voir quelques applis mobiles faire partie intégrant du système belge des soins de santé à l’horizon 2018.”

A noter que les solutions de télésurveilance sont sensées être encadrées, accompagnées et/ou supervisées par un hôpital ou professionnel de la santé. Cette restriction a pour effet direct de placer  en dehors du champ d’exploration et de test tout ce qui relève du fitness et de la masse d’applications librement téléchargeables qui pullulent sur les app stores mais qui n’impliquent aucune action ou surveillance par un professionnel de la santé.

L’une des balises que se donne aussi le fédéral est de viser des applis et solutions “qui génèrent plus de bénéfices que de coûts supplémentaires et qui peuvent apporter la preuve qu’elles se rentabiliseront grâce à la valeur ajoutée générée.” Un concept qui, lui-même, doit être défini…

 

Quelle sera la durée de ces projets?

6 mois. Leur démarrage a pris un peu de retard par rapport au planning prévu initialement. Il avait été question d’un lancement en janvier. Ce sera février, mars, voire avril. Ce qui porte l’expérience potentiellement jusqu’à fin août, selon le cabinet de Maggie De Block.

Pour y voir un peu plus clair dans les finalités et modalités qui présideront au déroulé de ces 24 projets-pilote, nous avons posé quelques questions à Eric Van Der Hulst.

Ces questions – et d’autres encore -, nous les avons également posées à des observateurs et acteurs du secteur belge des soins de santé: Azèle Mathieu, directrice du cluster Lifetech.brussels; Vincent Keunen, fondateur et CEO d’A7 Software, start-up liégeoise qui a créé l’appli mobile Andaman7 (gestion de son dossier santé personnel par le patient et partage avec les professionnels de la santé); et Carole Absil, responsable du Medical Technology Club d’Agoria. A lire dans cet autre article.

Régional-IT: Comment seront évalués les projets-pilote?

Eric Van Der Hulst, conseiller auprès de Maggie De Block: “Chaque projet se verra attribué une personne de contact spécifique, en charge d’un suivi régulier. Le suivi et l’évaluation des projets seront assurés par un comité de suivi composé de représentants du SPF, de l’Inami, de l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (Afmps), de la plate-forme eHealth, du cabinet [De Block] et d’observateurs venus du Comité de l’Assurance.

Les critères qui seront pris en compte seront des indicateurs cliniques (principe de preuve), le modèle économique de soins, la sécurité, le respect de la vie privée, l’interopérabilité et la satisfaction du patient.

Comment les projets-pilote seront-ils validés?

Il est encore trop tôt pour le dire dans la mesure où nous commençons seulement, au travers de ces projets, à travailler sur les critères de validation – tant dans le domaine financier que dans une optique d’authentification (sécurité) et d’evidence (preuve de pertinence). Rien, par exemple, n’existe en matière de certification d’applis mobiles e-santé. Nous avons encore beaucoup de choses à apprendre. Le but est de pouvoir le déterminer dans 6 mois.”

Même si tout ne sera pas définitif à l’issue de ces 6 mois de test-pilote. “Six mois, c’est court pour en retirer des preuves formelles de pertinence. Notamment en termes de valeur financière: comment déterminer si une solution de surveillance et d’intervention rapide sur AVC (accident cardio-vasculaire) peut générer une économie d’un milliard d’euros pour l’Etat dans une perspective à 20 ans? En termes d’évaluation, nous viserons donc une certaine flexibilité pour ce qui est de “prouver” que les effets initiaux sont bel et bien au rendez-vous”. Whatever that means, comme disent les Anglo-Saxons…

Une décision a-t-elle déjà été prise en termes de bénéficiaires des remboursements potentiels auxquels donnera droit l’utilisation de solutions (applis et/ou dispositifs) de santé mobile? S’agira-t-il des hôpitaux, des médecins, des utilisateurs des applis et dispositifs?

Ces décisions n’ont pas encore été prises mais, comme c’est le cas avec les autres remboursements, le point de départ sera le coût du traitement.

Ce sera également le cas pour l’utilisation d’applications à distance (télésurveillance, télédiagnostic…). Le traitement sera remboursé sur base de conditions et avec application du ticket modérateur. Les applis ne seront pas mentionnés nommément mais plutôt en tant qu’outil de support (validé).

Un mot sur le budget de 3,25 millions qui a été alloué pour les 24 projets-pilote? Comment sera-t-il réparti, sur quelle base?

Si le budget global alloué est de 3,5 millions, l’ensemble de ces moyens n’ira pas aux porteurs de projet (hôpitaux ou autres).

2,5 millions d’euros leur sont destinés, et seront attribués en fonction de chaque projet – chacun d’eux doit rentrer un budget. Les 750.000 euros restants constituent le budget de fonctionnement, destiné à financer l’accompagnement, le support et l’organisation des projets dans les différents services administratifs concernés [lisez: Inami, SPF, Afmps…]

Les critères appliqués pour l’attribution d’un budget à chaque projet s’appuient sur les propositions de projet proprement dits. Le principe qui sera le plus possible appliqué est celui du “coût global” [Ndlr: “coût” de l’appli, de la licence, du support, du matériel, des médicaments et traitements…]. Il pourra permettre de “simuler” le montant futur de remboursement.


Un cadre encore très général

L’appel à projets qui avait été lancé a l’été 2016 a donc livré son verdict. Cinq thématiques étaient acceptées: soins du diabète, santé mentale, AVC aigus, soins cardiovasculaires, soins pour les patients souffrant de douleur(s) chronique(s). Autres critères de sélection: des spécificités, originalités et/ou innovations en matière de gestion m-santé (santé mobile): “autogestion par le patient, surveillance à distance, utilisation d’appareils portatifs, vidéo-consultations, etc.”

Les applis (numériques, mobiles ou non) devaient en outre répondre aux critères suivants:

  • garanties suffisantes en matière de vie privée et de protection des données
  • intégration des applications mobiles et des dispositifs médicaux à d’autres services d’e-santé. “Par exemple, si une application enregistre la fréquence cardiaque et la tension artérielle d’un patient chronique, ces données doivent alors être rapidement échangées dans le dossier patient électronique de ce patient”
  • existence d’un label européen CE pour tout dispositif médical utilisé dans le cadre du projet
  • fondement scientifique de l’application numérique – “par exemple, une application qui déduit la présence d’un diabète sur base de valeurs sanguines”. [  Retour au texte  ]