Wallimage Entreprises: des dossiers de plus en plus empreints de numérique

Portrait
Par · 12/01/2018

Voici près d’une décennie, le gouvernement wallon décidait d’ouvrir un nouveau front dans les activités de Wallimage: là où son axe Wallimage Coproductions s’adressait et continue de s’adresser aux producteurs de séries et de longs métrages, la création de Wallimage Entreprises, en 2008, a eu pour but d’ouvrir des perspectives de soutien financier à des entreprises wallonnes d’audiovisuel (au sens large) dont ont besoin les producteurs et, ce faisant, de contribuer à structurer ce secteur.

En 2008, il s’agissait essentiellement de sociétés de tournage et de postproduction (son, animation, effets spéciaux…). Au fil du temps, le catalogue s’est diversifié: nouvelles technologies audiovisuelles, contenus interactifs et/ou immersifs, transmédia…

Créer un mécanisme d’investissement spécifique fut en effet jugé nécessaire en raison des spécificités de l’audiovisuel, “un domaine difficile, générant généralement peu de marges, mal et peu compris par les investisseurs traditionnels et qui implique une importante prise de risque”, souligne Virginie Nouvelle, directrice de Wallimage Entreprises.

En 10 ans, ces justifications n’ont en rien disparu, plus particulièrement en raison de l’influence croissante du numérique et des nouveaux métiers qu’il suscite. Le champ d’action s’est ainsi élargi aux acteurs multimédia, aux agences de création de jeux vidéos ou contenus virtuels, aux créateurs d’applications mobiles…

C’est ainsi que figurent notamment au portefeuille de Wallimage Entreprises des acteurs tels que KeyWall (studios de tournage réels et virtuels pour productions TV, cinématographiques et Web), Fishing Castus (jeux vidéo, jeux sérieux et applications mobiles), Tapptic, Big Bad Wolf et DogStudio (agences numériques), Dame Blanche (post-production pour cinéma numérique et TV), MotionTribe (plate-forme Web dédiée à la location de matériel audiovisuel par les professionnels) ou encore Vigo Universal (studio de photogrammétrie 3D BodyScan)…

Un fonds spécialisé

“Nous avons commencé à investir dans des agences digitales voici quelques années, à une époque où un acteur tel que le fonds WING n’existait pas encore”, rappelle Virigine Nouvelle. L’arrivée de WING dans le paysage wallon de l’investissement rebat légèrement les cartes mais sans renvoyer une partie des activités de Wallimage Entreprises aux oubliettes. “Dans certains pans du numérique appliqué à l’audiovisuel, l’objectif recherché sera sans doute moins la structuration du secteur dans la mesure où d’autres acteurs, désormais, peuvent jouer ce rôle.” Elle ajoute d’emblée que l’arrivée de WING est “une bonne chose. Les métiers des applications numériques sont en effet un domaine très vaste où il n’est pas possible [pour un seul acteur] de tout couvrir, sans parfois savoir où placer certaines limites.”

Virginie Nouvelle (Wallimage Entreprises): “Dans certains pans du numérique appliqué à l’audiovisuel, l’objectif recherché sera sans doute moins la structuration du secteur dans la mesure où d’autres acteurs, désormais, peuvent jouer ce rôle.”

Dès lors, comment Wallimage Entreprises se positionne-t-il désormais? “Nous collaborons étroitement avec les autres acteurs, du genre WING ou Digital Attraxion [dont elle est membre du conseil d’administration]. Nous nous communiquons les dossiers qui peuvent être mieux suivis par l’un ou l’autre. Cela permet aussi de réduire les risques.

Nous nous reconcentrons simplement sur les dossiers où la composante Image est importante. Cela explique par exemple la participation que nous avons prise dans DogStudio, lorsque cette agence s’est engagée dans sa stratégie de croissance à l’international via l’ouverture d’un bureau à Chicago, après avoir décroché son premier gros contrat américain [Musée des sciences et de l’industrie de Chicago]. L’investissement de Wallimage a contribuer à financer cette étape et se justifie en outre par le fait que l’agence s’est transformée d’une société créatrice de sites Internet en une agence produisant davantage de contenus artistiques, à forte composante de storytelling.”

Le raisonnement est similaire dans le cas de Contentinuum, le studio audiovisuel et interactif qui est à l’origine de la série My Dream Job (70 épisodes de 3 minutes, tournés en stop motion), diffusée via des chaînes TV traditionnelles mais déclinées également pour visionnement sur tablette, smartphone ou TV connectée.

Fishing Cactus, pour sa part, a eu droit, en 2017, à un investissement de 350.000 euros, afin de co-financer son “évolution stratégique, reposant sur le souhait de modifier son positionnement par le développement de projets dont elle détiendra la propriété intellectuelle” [au lieu de procéder sur base d’appel à propositions de commanditaires].

Extension thématique

Outre les sociétés de production ayant franchi le pas du numérique, les sociétés audiovisuelles et les agences digitales, Wallimage Entreprises s’intéresse également, depuis peu, à un nouveau créneau de marché.

La suite de l’article est réservée à nos abonnés Premium. A découvrir: les nouveaux secteurs où investit Wallimage Entreprises (notamment en réalité virtuelle et music tech) et sa politique d’investissement en partenariat avec d’autres intervenants. 

A savoir, les music tech, autrement dit les nouvelles innovations numériques dans le champ sonore et musical, cette autre dimension de la réalité audiovisuelle.

Une première “expérience” eu lieu, l’été dernier, à l’occasion de l’événement Wallifornia MusicTech organisé par LeanSquare à Liège. “Ce fut l’occasion d’identifier quelques jeunes pousses présentant un bon potentiel et, dès lors, quelques dossiers sur lesquels intervenir en liaison avec Meusinvest.

Le principe, de notre côté, reste le même”, souligne Virginie Nouvelle, “à savoir, tenter de structurer un secteur qui implique une prise de risque plus importante pour faire émerger un acteur.”

Un autre domaine dans lequel s’aventure Wallimage Entreprises, via le programme Wallimage Creative, est celui de la réalité virtuelle, augmentée et hybride. Nous évoquions les projets 2018 de cet axe dans l’article paru hier.

“Le département Wallimage Creative, dirigé par Domenico La Porta, nous sert d’outil prospectif dans ce domaine et va nous aider à identifier les bons interlocuteurs.” Lisez, les projets et acteurs qui justifient un investissement, qui peuvent contribuer à faire émerger et à structurer le secteur, et dont les compétences ou les réalisations sont à même de percer et de s’imposer de manière pertinente sur la scène locale et internationale. “En effet, dans le monde de la réalité virtuelle ou augmentée, seuls les vrais spécialistes auront une réelle valeur ajoutée par rapport au foisonnement d’acteurs que l’on constate à travers le monde.”

Des investissements concertés

Le mode de financement choisi (voir note en fin d’article) – capital ou prêt – dépend de plusieurs paramètres tels que les souhaits et besoins du demandeur ou le degré de risque que représente l’investissement. “Dans le cas d’une start-up, par exemple, l’un des éléments de notre raisonnement est le suivant: consentir un prêt équivaut, à terme, à plafonner le rendement et, si la société échoue, on perd de toute façon la mise. La préférence va donc théoriquement à une entrée au capital.”

Wallimage Entreprises investit aussi bien dans les premières levées de fonds qu’à l’occasion dans les tours suivants ou dans des sociétés dont la phase de croissance est déjà entamée et le modèle économique validé.

La démarche se fait soit en solo, soit en partenariat, par exemple avec une invest. “Si l’investissement est inférieur à 50.000 euros, on estime qu’on peut investir seul”, déclare Virginie Nouvelle, “mais cela arrive rarement. Nous partons en effet du principe qu’il est judicieux que le porteur de projets s’investisse également et prenne des risques.

Au-delà de 50.000 euros, l’investissement devient mixte et équilibré entre investisseurs public et privés. Côté public, Wallimage Entreprises intervient alors parfois en duo avec une invest. Comme ce fut le cas chez MotionTribe (avec Sambrinvest) ou sur le terrain des music tech (avec Meusinvest pour l’instant). “Cela a pour avantage de répartir les risques et de nous donner plus de poids au conseil d’administration.” Condition sine qua non toutefois: que la levée de fonds soit totalement bouclée.

Une autre collaboration potentielle a été évoquée récemment. Elle concerne une éventuelle fusion avec le fonds St’Art, instrument d’investissement dédié u développement de l’“économie créative”. L’idée en avait été esquissée, voici quelques mois, par Pierre-Yves Jeholet, nouveau ministre wallon de l’économie et du numérique. Si le but est de concentrer les moyens et de simplifier le paysage, l’idée n’est pas mauvaise en soi mais elle achoppe toutefois sur certaines réalités.

Le fonds St’Art opère en effet au niveau de la Communauté française tandis que Wallimage Entreprises a pour champ d’action la Wallonie. Par ailleurs, il avait imaginé, à l’origine, que St’Art couvrait justement des domaines où Wallimage Entreprises n’intervenait pas. Toutefois, chemin faisant, les limites se sont estompées, le fonds St’Art investissant lui aussi par exemple dans des projets de jeux vidéo.

Mais, si fusion, il devait y avoir, ne serait-ce pas pour voir se constituer malgré tout deux nouvelles entités dans le domaine des industries culturelles et créatives (ICC): l’une à Bruxelles, l’autre en Wallonie?

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Le fonds Wallimage Entreprises intervient sous trois formes: prise de participation au capital, emprunt obligataire convertible en actions ou prêt subordonné.

En raison du poids croissant des défis, métiers et acteurs numériques, l’éventail des critères pris en considération pour une décision d’investissement s’est quelque peu modifié. Si les critères économiques demeurent une importante clé de décision (effet structurant sur le secteur audiovisuel en Wallonie, viabilité du projet, possibilités de retour sur investissement), le critère technologique (pertinence et plus-value technologiques, degré d’innovation…) devient primordial, souligne Virginie Nouvelle.

Le plus petit investissement consenti par Wallimage Entreprises à ce jour: 10.000 euros dans une société unipersonnelle spécialisée dans le sous-titrage.

Son plus gros investissement: un total de 2,5 millions d’euros, opéré en plusieurs étapes, dans le Pôle Image de Liège.

Investissement moyen: de 200 à 300.000 euros.

En 2017, le fonds a décidé d’engager plus de 3 millions d’euros sur un total de 15 dossiers, dont 3 sociétés qui étaient déjà en portefeuille. 2017 fut par ailleurs l’année d’une nouvelle augmentation de capital pour le fonds Wallimage Entreprises (hauteur: 4 millions) portant sont capital à 15,7 millions d’euros. Deux ou trois nouveaux dossiers sont étudiés lors de chaque réunion, tous les deux mois, du conseil d’administration.  [ Retour au texte