Jules Lesmart: coalition de start-ups pro-smart city

Portrait
Par · 20/10/2017

Drôle de zigue, ce Jules Lesmart, à la casquette vissée sur la tête.

Derrière cette figure sympathique se cache un groupement virtuel (mais bel et bien participatif), une coalition de start-ups, emmenées et “coordonnées” par NRB, qui font bloc en matière de solutions “smart city” pour proposer aux communes et villes de Wallonie des solutions qui soient intégrables, voire déjà pré-intégrées.

Le collectif compte actuellement 13 membres. A savoir: LetsGoCity, Wavenet, BetterStreet, NextMoov, CitizenLab, Joyn, Rombit, SmartNodes, Opinum, Be-Mobile, D2D3, le groupe NRB lui-même, Civadis.

Le total pourrait passer à 15 d’ici quelques semaines.

En bonne intelligence…

Comment fonctionne ou, plutôt, que vise cet “écosystème”?

Voici comment Olivier Lefevre, responsable Smart Cities chez NRB, présente les raisons d’être de ce petit club. “Le but est d’aider les communes dans leurs choix de solutions, dans la mesure où elles sont sollicitées de toutes parts, par des acteurs locaux ou internationaux, des start-ups, des développeurs indépendants… et ne s’y retrouvent pas.

Par ailleurs, lorsqu’une start-up vient les trouver, elles s’inquiètent de la robustesse du modèle économique, de la viabilité de la société. Autre inquiétude: l’intégration entre des solutions et modules distincts mais aussi avec leur propre back-end.”

D’où l’idée de déclencher une démarche proactive, avec la garantie (ou en tout cas la promesse) que les solutions proposées sont complémentaires et intégrées.

Quelles sont les conditions d’adhésion?

L’écosystème Jules Lesmart est “ouvert” (de nouvelles adhésions sont donc possibles) mais sous certaines conditions.

Premier critère à respecter: que la solution développée par la start-up puisse s’intégrer avec celles des membres existants du collectif ou s’engager à l’intégrer.

Autre argument qui peut favoriser l’acceptation: proposer un scénario d’intégration (voir ci-dessous), “un use case concret, une manière d’intégrer ou de faire interagir une solution avec d’autres proposées par les membres de l’écosystème.”

Si l’écosystème se dit “ouvert”, on n’y entre pas comme dans un moulin ou par le fait du prince. Tous les membres ont droit au chapitre, à égalité de voix, pour accepter ou refuser un nouvel adhérent. “Nous fonctionnons à l’unanimité”, souligne Olivier Lefevre. Et c’est vrai aussi bien pour une adhésion ou pour planifier par exemple une participation conjointe à un salon professionnel.

Casquette Jules ou casquette NRB?

Ce principe des décisions collégiales à l’unanimité veut être la preuve qu’aucun membre n’a plus de poids qu’un autre. “Jules Lesmart est un écosystème en tant que tel, ce n’est pas celui de NRB. Même s’il faut un animateur…”, déclare Olivier Lefevre. “Et je joue ce rôle-là. Mais je coiffe toujours la casquette Jules Lesmart, pas celle de NRB.”

A ses yeux, l’esprit qui anime l’écosystème SmartCities Jules Lesmart le différencie d’autres regroupements “qui, souvent, ne sont que la juxtaposition de sociétés, sans réelle synergie et collaboration”, une sorte d’alliance opportuniste pour l’image projetée.

Dans le cas de Jules Lesmart, “les fondateurs avaient réellement envie de faire des choses ensemble. C’est un projet où le volet humain domine, avant le projet d’entreprise(s). Les membres échangent entre eux, se voient même en dehors de toute finalité business, et ne coopèrent pas uniquement par pur opportunisme.”

Le rôle de NRB?

NRB joue en quelque sorte les bergers. Son rôle premier est de veiller à l’intégration de toutes les pièces du puzzle Lesmart. “Nous veillons aussi à présenter aux communes une feuille de route fonctionnelle. En fonction de leur budget disponible et de leurs priorités, nous pouvons leur recommander de commencer par telle ou telle brique – celle de Joyn, par exemple, si une solution orientée commerce est privilégiée, avant de déployer une solution citoyenne, telle que Wallonie en Poche.”

Autrement dit, l’approche collégiale favoriserait “une meilleure réflexion sur les besoins et la stratégie de la commune, via emboîtement de pièces de lego…”

Et si on se marche sur les pieds?

13 membres au compteur et des sociétés dont la candidature est encore à l’étude. Deux autres pourraient ainsi rejoindre le collectif dans les semaines à venir.

L’écosystème est-il appelé à grandir, dans quelles proportions?

“Un tel écosystème exige que l’on en gère la croissance et les attentes. L’unanimité à 13 est déjà un petit défi en soi. Qu’en adviendra-t-il si on se retrouve à 20 ou 30? Il y a clairement une question de gouvernance à résoudre. Nous n’en avons pas encore débattu. Y aura-t-il un nombre maximum de membres? Des limites géographiques?

Il est sans doute recommandé de conserver une taille raisonnable. Mais, par ailleurs, j’estime tout aussi important et utile de pouvoir d’interfacer avec d’autres écosystèmes-cousins qui verraient le jour en Flandre, en France…”

Olivier Lefevre: “[L’écosystème] Jules Lesmart n’est pas une finalité en soi. Le tout est de favoriser des intégrations.”

Quid si une start-up se porte candidate mais propose une solution qui est trop similaire ou potentiellement concurrente d’une autre déjà portée par un membre de l’écosystème? “La décision de l’accueillir ou non sera prise à l’unanimité”, rappelle Olivier Lefevre. Ce qui pourrait signifier un veto par l’un des membres. Ou pas?

S’il y a en effet concurrence directe, redondance fonctionnelle, la fin de non-recevoir n’est pas automatique. “Nous avons déjà rencontré ce cas de figure. Une solution est alors de faire se rencontrer les deux start-ups concernées.

On constate en effet que, souvent, même en cas de chevauchement fonctionnel, les deux sociétés ne sont pas forcément de réelles concurrentes.”

Exemple: Civadis et Wavenet pouvaient faire figure de concurrentes directes, chacune proposant une solution d’e-guichet. “Mais, en réalité, leurs deux solutions d’“espace citoyen” étaient complémentaires. L’un était très orienté administratif, l’autre pas.”

Résultat: tous deux se retrouvent aujourd’hui non seulement membres de l’écosystème mais ont donné naissance à une solution intégrée (voir, ci-dessous, le “scénario” espace citoyen).

S’il y a malgré tout une impossibilité de combiner les deux et si une unanimité ne peut se faire sur l’adhésion, la piste de l’intégration plus ponctuelle, avec certaines solutions, sera envisagée. “[L’écosystème] Jules Lesmart n’est pas une finalité en soi”, souligne Olivier Lefevre. “Le tout est de favoriser des intégrations.”

Et si une start-up devait se faire racheter par un grand acteur?

Qu’arriverait-il de l’adhésion d’une jeune pousse qui choisirait, ou accepterait, de se faire racheter par un grand acteur, potentiel rival de NRB ou n’ayant pas les mêmes vues sur les finalités d’un écosystème communautaire?

Là encore pas d’a priori ou d’exclusion immédiate. “Be-Mobile [filiale de Proximus] est membre de Jules Lesmart… La décision dépendra en partie du degré d’autonomie qui est laissé à la start-up par son nouveau propriétaire. Certains privent les fondateurs de toute autonomie [sous-entendu: ce qui pose problème]. D’autres acquisitions sont de nature plus financière, avec davantage de liberté laissée aux fondateurs…”

Briques prioritaires?

Si l’écosystème SmartCities est appelé à grandir, ses animateurs ont-ils des préférences sur les compétences et positionnement des start-ups qui pourraient s’en faire membres? En d’autres termes, y a-t-il des “briques fonctionnelles” que Jules voudrait ajouter, en priorité, à son petit édifice?

“Nous couvrons déjà toute une série de thématiques: énergie, géolocalisation, (e-)commerce, espace public, participation citoyenne…”, énumère Olivier Lefevre. “Il y a sans doute en effet quelques domaines qui nous manquent encore. Je pense a priori à des potentiels orientés financement. Par exemple, un système de crowdfunding qui pourrait servir pour le financement des projets communaux.

Mais je ne vois pas réellement de thème qui soit réellement déficitaire. Toutefois, nous restons attentifs à toute nouvelle application. La condition étant que le tout doit rester cohérent. Nous recevons parfois des propositions ou sollicitations qui sont trop exotiques…”

Un exemple pour d’autres?

Verra-t-on se multiplier ce genre d’écosystème, de club de start-ups, qu’elles soient ou non emmenées par un acteur de plus grande envergure? D’autres acteurs en vue de la scène belge s’en inspireront-ils, y voyant un intérêt à s’acoquiner (si possible vertueusement) à des start-ups pour de l’“outrepreneuriat”? Verra-t-on s’installer une concurrence entre “écosystèmes”?

L’avenir le dira.

Pour l’heure, Olivier Lefevre estime que la question ne se pose pas.

Proximus EnCo ne fait-il pas toutefois déjà figure d’“écosystème” potentiellement concurrent?

Pas vraiment, estime-t-il. Il y voit davantage un groupement autour d’une plate-forme technologique, un ensemble d’acteurs qui s’alignent sur une technologie donnée. “Nous allons plus loin. Et cela fait d’ailleurs du sens que Jules Lesmart développe un partenariat avec un écosystème tel qu’EnCo, de manière non exclusive. La plate-forme d’EnCo est en effet intéressante pour certains use cases. Tout comme d’autres plates-formes.”

Il vise ici notamment le champ des solutions de communications IoT – autrement dit, LoRA, défendue par Proximus. Mais pas question de dédaigner Sigfox, par exemple. “Il faut s’interfacer avec tout le monde, sans se lier à un seul opérateur, une seule technologie, une seule banque…”

Olivier Lefevre estime par ailleurs qu’“entre ce genre d’écosystèmes, il existe quelques sujets transversaux où nos positions se rejoignent.”

Des exemples?

“En matière d’identification forte via mobile, il est préférable d’avoir une réflexion collégiale et une solution commune. Un groupe de travail a dès lors été créé au sein de Jules Lesmart.”

En clair, les membres se penchent sur l’utilité qu’il y aurait à “recommander” une solution telle que Itsme aux membres de Jules Lesmart et aux interlocuteurs externes. “Aucune des sociétés de l’écosystème n’a la solution magique à cette problématique [identification forte via mobile]. Autant partager nos informations au lieu de regarder chacun de notre côté.”

Autre “sujet transversal”: les modes de paiement mobile. ”Les choses bougent beaucoup dans ce domaine. Peut-être serait-ce bon de développer une approche commune…”

Quel impact l’émergence de la charte applicative wallonne aura-t-elle sur Jules Lesmart?

Le but de la Charte Smart Region (Charte pour le Développement d’applications mobiles multi-services), défendue par l’AdN, est de multiplier les “micro-services” citoyens complémentaires. Le premier adhérent de la Charte n’est autre que LetsGoCity, auteur de l’appli mobile Wallonie en Poche, sorte de portail mobile fédérant un ensemble de micro-services: informations sur les services publics, e-guichet, mobilité, infos sur les commerces, les activités culturelles, notification d’incivilités…

En tant que collectif, Jules Lesmart a l’intention de proposer ses “scénarios” en guise de micro-services intégrés au portail mobile Wallonie en Poche. Et, dès lors, de s’inscrire dans le droit fil de la Charte.

A noter que l’écosystème Wallonie en Poche est plus large que celui de Jules Lesmart puisqu’il inclut d’autres acteurs – Joyn, Citie [cette dernière start-ups venant d’ailleurs d’être rachetée par… Joyn], Fluicity [cette start-up française étant une concurrente de CitizenLab, membre de Jules Lesmart]

Scénarios préficelés

Même si chaque ville et commune est libre de choisir ses priorités fonctionnelles dans le catalogue Jules Lesmart, l’écosystème a décidé de proposer des “packages” pré-intégrés, combinant plusieurs solutions de start-ups membres.

Trois de ces “scénarios” ont ainsi été inscrits au catalogue.

Espace citoyen connecté – Ce “scénario” fait intervenir trois solutions: l’appli Wallonie en Poche de LetsGoCity et les solutions e-guichet de Civadis et de Wavenet (commande et paiement de documents administratifs, prise de rendez-vous, suivi des démarche administratives). [ revenir au texte plus haut ]

Compteurs d’eau connectés – Solution de surveillance des index de consommation d’eau sur le territoire de la commune, notamment pour détecter des fuites ou autres anomalies. Elle combine des modules et fonctionnalités venus d’Opinum (collecte d’informations de consommation au dpart de capteurs connectés, tableau de bord central), de Civadis (facturation Onyx) et de LetsGoCity (appli citoyenne Wallonie en Poche).

Les services communaux disposent d’informations plus immédiates sur les consommations, peuvent effectuer les réparations et facturations. Le citoyen est en outre tenu au courant de ses consommations et averti, via une notification sur leur appli Wallonie en Poche, en cas d’émission d’une nouvelle facture.

Cimetière connecté – Solution incluant un volet cartographie numérique du cimetière, une fonction d’actualisation des données back-end sur base des nouvelles informations collectées sur le terrain, le croisement avec les données des concessions. L’étape suivante consistera à donner la possibilité à un citoyen lambda de retrouver, avec géolocalisation, la tombe d’un ancêtre ou d’un ami disparu via son appli Wallonie en Poche. A partir de là, d’autres intégrations sont possibles. Petit exemple cité: utiliser cette même appli pour commander des fleurs pour fleurir la tombe en question, à distance… Le fleuriste pourra “repérer” géographiquement la tombe et la faire fleurir lui-même. Une photo de la tombe fleurie pour éventuellement être envoyée en guise de preuve au citoyen qui aura commandé le service…

Ce scénario est né suite à l’adhésion de la société D2D3 au collectif Jules Lesmart. Ce prestataire de services s’est spécialisé dans le développement de solutions cartographiques métier à destination des administrations publiques.

L’espoir est de multiplier ce genre de scénarios pré-intégrés.

Qui décide de ces “scénarios”? L’idée, comme on l’a vu, peut venir d’une start-up. Ce fut le cas pour la solution “cimetière connecté”. Elle peut aussi être proposée par une commune. Dans ce cas, les responsables de l’écosystème vérifieront si le besoin exprimé correspond aussi à celui d’autres villes et communes en vue d’une mutualisation et diffusion de la solution à plus grande échelle. Le “scénario” compteurs, par exemple, a été concocté suite à une demande de la commune de Musson (province de Luxembourg), cliente d’Opinum.