L’incubateur Co.Station invente sa recette au fil de l’eau

Portrait
Par · 07/12/2016

“Incuber” des start-ups. Il y a belle lurette que cette activité ne peut plus se limiter à leur offrir un espace de travail et quelques conseils et services d’appui logistique. D’une part, en raison d’une multiplication du nombre d’incubateurs et d’accélérateurs qui se font peu ou prou concurrence. D’autre part, parce que certaines leçons ont été tirées du passé.

Désormais, le mot d’ordre est le développement et l’animation d’un “écosystème” qui soit le plus performant, dynamique et nourricier possible.

Il s’agit de réunir, de préférence en un même lieu, des acteurs et activités qui favorisent une certaine autarcie, une fertilisation croisée des compétences.

C’est la carte que jouent par exemple – dans des proportions variables – des acteurs tels que Nest’Up à Mont-Saint-Guibert (et dans les lieux où elle essaime périodiquement), LeanSquare à Liège ou Co.Station à Bruxelles (ces deux derniers ayant des velléités à la fois de collaboration et de dissémination géographique).

La marmite Co.Station

Depuis le rachat de Co.Station par ses nouveaux propriétaires (le “premier” Co.Station, qui se qualifiait de “post-accélérateur”, avait dû avouer son échec en 2014), l’accent a résolument été mis sur le principe de la communauté et d’une convergence d’intérêts et d’actions entre (néo-)entrepreneurs, acteurs économiques (notamment du côté des “corporates”), politiques, associatifs et éducatifs.

Co.Station, à Bruxelles (1), se définit comme un “booster numérique” ayant pour mission de “développer un écosystème local, de stimuler un entrepreneuriat solide, diversifié et durable, et de proposer un ensemble d’outils permettant aux start-ups et scale-ups d’innover et de croître”.

(1) Une version gantoise a vu le jour et 4 autres implantations devraient entrer en action, sans doute dès 2017 (Liège, Charleroi, Anvers, Malines). L’ouverture de ces antennes pourrait être, si nécessaire, accélérée en recourant à des franchisés.

Petit coup d’oeil sur ce “modèle” Co.Station, non pour l’encenser, mais pour souligner quelques recettes qui semblent marcher et qui pourrait éventuellement donner des idées à d’autres…

Co.Station fait coexister et interagir un espace de coworking, un autre reservé à l’“incubation” de start-ups, des programmes de formation tels que Le Wagon ou Start&Code, des événements de sensibilisation et d’information ouverts au grand public, une “Startup Factory” où des porteurs de projets de start-up sont “incubés” reçoivent le soutien financier et les conseils métier des “corporate” partenaires, avec mise à disposition d’un co-fondateur déniché pour palier aux carences de leur profil…

L’espace de coworking – là où tout a commencé – n’est qu’un élément d’un ensemble bien plus riche. “C’est le contenu, les services proposés à la communauté qui font la différence par rapport à un espace de coworking classique.”

L’argument majeur de Co.Station pour attirer de nouveaux locataires, incubés ou partenaires, est la perspective d’un écosystème où chaque participant trouve les compléments de compétences qui lui manquent ou qui peut l’aiguiller vers une solution. Ces compétences disponibles en interne ou sollicitées parmi ceux qui fréquentent Co.Station, même de manière ponctuelle, touchent aussi bien aux ressources humaines qu’au financement et à la recherche de subsides, ou encore à la gestion de contrat, aux conseils juridiques…

L’écosystème a par ailleurs une touche internationale – entre autres via le positionnement pris par Le Wagon.

Prise directe avec le réel

“C’est l’écosystème qui nous a décidé à nous implanter à Co.Station”, souligne Anne Collet, directrice du programme de formation à la programmation Le Wagon. “Nous y trouvons un environnement stimulant de start-ups auprès desquelles, en vertu de l’extrême proximité et des rencontres quotidiennes, en ce compris autour d’un café ou d’une pause-repas, les participants du Wagon peuvent trouver des conseils, un coup de main, des compétences.

Eugenia Forcat (Co.Station): “Nous ne sommes que 5 personnes dans l’équipe Co.Station. Nous n’arriverions à rien sans l’implication de la communauté.”

Qui plus est, nombre de nos alumni trouvent un emploi auprès de ces start-ups. En sens inverse, les start-ups nous procurent des mentors et des profs, parfois même une compétence spécifique qui se met un temps au service du projet d’un participant du Wagon. Nous ne pourrions créer une meilleure proximité avec le marché de l’emploi.”

Anne Collet et Eugenia Forcat, directrice opérationnelle de Co.Station, parlent de concert d’un “sourcing autonome”. “L’environnement des start-ups est très ouvert, très connecté. Il procure ses propres pistes de recrutement. Nous n’avons pas besoin d’en passer par des recruteurs, de dépenser des dizaines de milliers d’euros en mission de recrutement. Il y a toujours quelqu’un qui est preneur du talent qui cherche de l’embauche ou quelqu’un qui connaît quelqu’un qui a besoin de cette compétence. Cette valeur intrinsèque de l’écosystème n’a pas de prix…”

Les responsables du Wagon affirment qu’une grande majorité des personnes formées qui désirent poursuivre dans des métiers liés au développement trouvent du boulot dans les 30 jours qui suivent la fin du programme. Et ce, grâce à l’efficacité du bouche à oreille.

“Co.Station organise notamment pas mal d’événements gratuits qui attirent du monde venu de l’extérieur. C’est là que s’échangent les informations. Tel collègue cherche tel profil… S’y ajoutent les nombreuses interactions au sein d’une communauté qui est très large et pas du tout repliée sur elle-même.”

Au-delà des start-ups

Eugenia Forcat reprend ce dernier argument pour insister sur le fait que Co.Station n’a pas uniquement pour ambition d’aider les start-ups “mais veut jouer son rôle dans l’évolution de la société vers le numérique, permettre à des métiers traditionnels d’évoluer, à des PME et grandes sociétés de trouver les compétences qui leur font défaut.

Nous espérons avoir l’impact le plus large possible sur la société civile. L’innovation n’est pas uniquement une question de nouvelles technologies. C’est aussi une nouvelle façon de travailler, de faire se développer des projets, de vendre des capacités serveur inexploitées…

Nous observons sans cesse quels sont les problèmes d’emploi qui se posent, ici ou à travers le monde. Ce n’est pas le travail qui manque. Le problème vient plutôt d’une pénurie en compétences, un phénomène en forte évolution.”

Rester flexible

Cette machine, pour l’instant, auto-alimente son développement. Chacun vient s’installer autour de la table en apportant dans la marmite ses ingrédients-compétences et en puisant dans celles des autres.

Des exemples?

L’échange de bon procédés entre les start-ups et les apprenants du Wagon, évoqué ci-dessus. Ou les coups de pouce donnés par des start-ups aux participants de hackathons ou d’ateliers de formation ou d’initiation. Comme le fit récemment la start-up Productize, spécialisée dans le conseil et le prototypage de projets IoT, à l’occasion d’un atelier Techies Lab destiné aux enfants, consacré à l’initiation à la robotique.

“Nous avons, autour de nous, une somme de ressources – des expertises dans différents domaines (e-santé, robotique, fintech, réalité augmentée…) venant des start-ups, des conseils juridiques, de la guidance pour l’accompagnement à la croissance à l’étranger…”

Anne Collet avance une autre explication à la dynamique: “Co.Station, elle-même, est gérée à la manière d’une start-up: on agit, on se trompe, on change, on avance.

Ce qui nous a séduit, au Wagon, et a influencé notre décision de nous établir ici, c’est le fait d’avoir senti que nous pourrions influer sur la manière dont le fonctionnement est géré. Si nous désirons lancer un nouveau service, si un nouvel espace est nécessaire, il est facilement mis à disposition.”

Buzz et biz

Co.Station, au travers de ses diverses activités, fait beaucoup parler d’elle et attire donc les regards. En ce compris ceux des responsables politiques qui y voient aussi une belle occasion de se donner une image de dynamisme.

L’une des responsables politiques qui y a vu un intérêt convergent avec ses propres intentions n’est autre que la Secrétaire d’Etat bruxelloise à la Transition numérique, Bianca Debaets. Un premier projet est en cours, permettant à 5 jeunes Bruxellois, au profil “moins favorisé”, de participer à la formation à la programmation, en compagnie d’un panachage de futurs entrepreneurs et fanas de code, tant belges qu’étrangers. Relire notre article.


Petit témoignage d’Ecoyo (1), l’une des start-ups hébergées à Co.Station: “Si nous n’avions pas été basés ici, nous n’aurions pas disposé des bonnes solutions, des partenaires qui nous permettent de démarrer light pour atteindre des résultats rapides. La Startup Factory nous apporte les compétences spécifiques dont nous avons besoin. L’écosystème nous permet de trouver des profils qui peuvent développer certaines choses pour nous – depuis le logo jusqu’à des choses plus pointues. Cela nous confère de la flexibilité. C’est un énorme raccourci par rapport au parcours qu’on aurait dû franchir si nous avions été isolés dans notre coin dans un garage…”, déclare Frank Vermeulen, co-fondateur d’Ecoyo.

(1) Ecoyo est l’auteur d’une plate-forme électronique permettant aux particuliers d’acheter leur électricité verte directement auprès des petits producteurs locaux (ceux qui possèdent des panneaux solaires, des éoliennes…).