Fabrication additive: AnyShape – et la Wallonie – veut saisir sa chance

Portrait
Par · 22/06/2016

Elle ne remplacera jamais totalement les formes plus traditionnelles de fabrication (par techniques de sous-traction, d’usinage…) mais la “3D”, la fabrication additive, par construction – couche par couche – d’objets en tous genres et en toutes matières est considérée comme l’un des instruments stratégiques pour la réindustrialisation de nos régions. Pour la re-localisation d’emplois et pour donner au passage un petit coup de vieux au raisonnement qui veut que l’industrie locale soit désavantagée par rapport aux pays “low cost” – à bas salaires.

Voilà dressé un petit tableau quasi idyllique de ce que certains attendent de l’additive manufacturing.

Sans doute, dans quelques années, serons-nous obligés de réanalyser les points positifs et négatifs (pour cause de stratégies de positionnement, de concurrences inattendues, de modèles économiques qui doivent encore se trouver…) mais, en attendant, certains, chez nous, ne veulent pas – ne veulent plus – laisser passer ce train sans y monter.

“Devenir un leader européen d’ici deux ans”

Du matériel lourd pour une fabrication additive qui mise sur l’optimisation des matériaux.

C’est dans cet esprit que la start-up liégeoise Any-Shape a vu le jour, en bord de Meuse, en décembre dernier.

Elle profitait, cette semaine, de l’inauguration officielle de son bâtiment (juste en face du siège… d’ArcelorMittal Finishing) pour faire un premier mini-bilan après 6 mois d’activités et redire ses ambitions.

Son positionnement? La fabrication additive, à base de matières métalliques et polyamides (plastiques), pour les besoins de quatre secteurs. A savoir, par ordre d’importance:

  • aérospatial et défense
  • automobile et transports
  • outillage et moules
  • secteur pétrolier / énergétique
Lire par ailleurs comment le gouvernement wallon voit dans l’additive manufacturing un instrument de réindustrialisation et de retour d’emplois dans la région.

Any-Shape vise une clientèle professionnelle, industrielle. Les petits comme les grands donneurs d’ordre. Locaux et internationaux. Qui sont ou seront demandeurs non seulement de pièces prototype mais aussi de petites et grandes séries.

Relire le portrait que nous faisions de cette société alors qu’elle était sur le point d’entrer en action. 

Objectif: devenir l’un des leaders européens, sur le terrain de la clientèle industrielle, d’ici 2 ans.

Et ce, en jouant sur l’argument de compétences couvrant “la totalité de la chaîne de valeur”. Depuis la conception et la modélisation jusqu’à la finition des pièces et à l’assurance qualité (contrôle de production). Sans oublier un rôle actif en matière de R&D. Dans ce dernier registre, la société s’est acquis la collaboration des centres de recherche Sirris, Cenaero et CRM (Centre de recherche métallurgique) ainsi que d’acteurs de l’ingénierie et de l’édition de logiciels. A savoir: le bureau d’études GDTech, Siemens-Samtech (Samtech étant devenu le centre européen de compétences de Siemens pour le développement de solutions logicielles – optimisation topologique – pour le secteur de l’additif) et l’usineur haute précision Mockel, spécialisé en aérospatial.

Les moyens de la croissance?

L’ambition est belle mais elle n’est pas chose acquise. Certes, le principe de la collaboration étroite avec des centres de recherche et des expertises et des partenaires industriels est un atout.

Roger Cocle: “L’actionnariat a été construit dans une vision de croissance et de recherche de leadership.”

Mais dans l’effervescence actuelle que suscite l’additive manufacturing, face aux investissements colossaux que de gros acteurs (américains, allemands, britanniques, asiatiques) mettent sur la table, comment une petite pousse wallonne peut-elle espérer émerger?

“La première salve d’investissement a été réalisée”, indique Roger Cocle, l’un des deux co-fondateurs (et ancien directeur adjoint du Pôle de compétitivité Skywin). Investissement direct via constitution de l’actionnariat (voir encadré) et via une aide publique prenant la forme d’une prime à l’investissement (378.000 euros) et d’une aide à la recherche (1,5 million).

“L’actionnariat a été construit dans une vision de croissance et de recherche de leadership. Deux autres salves d’investissement sont d’ores et déjà prévues.”

A quel terme et dans quelles proportions? “Dès que possible et en fonction de l’ampleur que nous prendrons”.

Du proto à la grande série

Any-Shape produira donc à la fois des pièces prototypes et des petites ou grandes séries. Se voit-elle plutôt comme un fabricant 3D ou comme endossant un rôle de démonstrateur, destiné à amener les industriels locaux vers la production additive? “Le rôle que nous jouerons dépendra de la taille du donneur d’ordre et de ses possibilités d’investissement”, indique Roger Cocle. “La volonté d’investir dans des capacités et compétences internes se rencontrera surtout du côté des grands industriels.” [Ndlr: TechSpace Aero, par exemple, s’est déjà engagé dans cette voie].

Bertrand Herry: “Any-Shape fera de la recherche industrielle, plus en aval de ce que fait le Sirris.”

Pour les autres, Any-Shape jouera, dans un premier stade, un rôle de sensibilisation aux avantages de la fabrication additive et opérera, selon le cas, un producteur pur ou un partenaire pour la mise en production et la co-conception de pièces. “Les clients sont les seuls vrais experts pour leurs propres pièces.”

“Pour ces industriels [locaux, de petite à moyenne envergure], le prototype en 3D est souvent le premier pas logique. Histoire de vérifier la pertinence et la robustesse de pièces produites en 3D. Le prototype leur permet de comparer le résultat avec ce qu’ils connaissent en production classique”, explique Roger Cocle. “Dans un deuxième temps, ils évoluent vers de l’amélioration de pièces existantes avant de passer au stade de la conception et production additive de pièces neuves.”

Pour la co-conception, Any-Shape s’appuiera à la fois sur ses propres compétences et sur “un dialogue constant avec le Sirris, par exemple.” Pas question, bien entendu, de remplacer le rôle R&D du Sirris: “Any-Shape fera de la recherche industrielle, plus en aval de ce que fait le Sirris”, indique Bertrand Herry, le deuxième fondateur de la société.

La R&D d’Any-Shape se concentrera sur l’amélioration des logiciels et applications (avec Siemens-Samtech), sur le rétro-conseil (en tant qu’utilisateur) aux fabricants d’imprimantes pour améliorer éventuellement leurs équipements, sur a validation de l’utilisation des poudres sur les machines de production et, potentiellement, sur le développement de nouvelles poudres.

Any-Shape en quelques faits et chiffres

création: 15 décembre 2015

opérationnelle depuis avril 2016

capital: 720.000 euros

actionnariat: 100% wallon (80% privé venant de 4 investisseurs – dont les deux fondateurs; 20% public via la filiale Wespavia de la SRIW)

emploi: 5 personnes actuellement ; espoir de pousser à minimum 12 d’ici 2020

progression envisagé: min. 3 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2020

équipement: 3 imprimantes 3D (une pour la production métallique; une pour le plastique fonctionnel; une pour du plastique à très haute définition)

rentabilité envisagée à l’issue du 2ème exercice

certification: processus de certification EN9100 (l’équivalent aéronautique de l’ISO 9001) engagé, devant être bouclé au printemps 2017

une dizaine de contrats passés avec des industriels wallons (productions de tous types: de la pièce unique à la moyenne série)

2 contrats signés, en OEM, avec “de gros industriels internationaux de la défense et de l’automobile” (qui veulent garder leur nom secret)

participant à 3 projets R&D du Plan Marshall (2 avec Skywin – FaSoft et Fasama; 1 avec Mecatech – GeenCom)

partenaire du projet de recherche CleanSky