Efficy: “le marché européen mérite un ‘champion’ local”

Portrait
Par · 24/05/2018

Début mai, l’éditeur bruxellois de solutions CRM Efficy annonçait l’acquisition de la française E-Deal, positionnée elle aussi sur le créneau des solutions de gestion de relation client. Il s’agissait là, pour Efficy, d’une nouvelle étape dans sa stratégie de croissance. Peser plus lourd, plus vite, sur le marché. Poursuivre dans une politique d’acquisition et de coalition de moyens et de fonctionnalités pour “être un acteur consolidant plutôt qu’un acteur consolidé”, pour reprendre l’expression de Cédric Pierrard, fondateur et directeur d’Efficy.

Un marché toujours trop morcelé

Pour Cédric Pierrard, les différents marchés nationaux européens demeurent trop “morcelés” en termes de parts de marché des acteurs CRM. “Environ la moitié de chaque marché européen est aux mains des cinq grands acteurs – dont quatre américains (Salesforce, Oracle, Microsoft, Amdocs) et un allemand (SAP). Les 50 autres pour-cents [Ndlr: parfois plus dans certains pays] sont partagés entre une myriade de petits acteurs dont les plus importants sont certes de petits champions mais essentiellement locaux, au sein de leurs frontières nationales, avec des présences anecdotiques à l’exportation.”

Cédric Pierrard (Efficy): “Face aux grands concurrents, essentiellement américains, une consolidation européenne a ses mérites. Sous peine de perdre nos meilleures références client au profit de Salesforce, d’Oracle ou d’autres…”

Depuis des années, Efficy rêve donc de favoriser la consolidation de ce marché en jouant les ogres. Pas uniquement par ambition mais pour ne pas se retrouver marginalisé, remisé aux oubliettes par des clients qui, dans la frange des grosses PME et des grands comptes, ont des projets de déploiement internationaux, des ambitions de croissance et qui sont actifs dans plusieurs pays. Leur volonté est dès lors de pouvoir utiliser une seule et même solution qui soit supportée par le même éditeur, dans les différents marchés où ils sont présents. Et si aucun acteur local ne peut le faire, ils risquent de passer aisément dans le répertoire des ténors internationaux du CRM.

Ce raisonnement “croissance pour ne pas être consolidé” ne peut se concrétiser, aux yeux de Cédric Pierrard, qu’au travers d’une stratégie d’acquisitions. Progresser par croissance purement interne et endogène, créer des filiales à partir de zéro, serait trop lent et trop compliqué. “Par contre, procéder par acquisitions représente un risque financier limité, maîtrisé.”

La quête de croissance et d’expansion est par ailleurs motivée par la nécessité de gagner en envergure et moyens. “Les investissements nécessaires en technologie sont importants et le seront encore plus demain. Il s’agit donc de renforcer et de centraliser la R&D. Les investissements dans des domaines tels que l’intelligence artificielle et la “gamification’ sont par exemple assez lourds. Il faut concentrer les forces pour pouvoir assumer la R&D et déployer le résultat dans plusieurs pays…”

Après la France: l’Allemagne et l’Espagne

Deux acquisitions en Belgique, une aux Pays-Bas, cinq en France: Efficy a de l’appétit. Et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. “Nos priorités sont désormais les marchés allemand et espagnol où nous sommes déjà présents mais avec une taille qui n’est pas satisfaisante. Nous allons donc étudier plus spécifiquement d’éventuelles opportunités.” Que ce soit sous la forme d’acquisition(s) ou de fusion(s).

Selon quels critères? Cédric Pierrard cite la taille (“une société d’au minimum 20 personnes mais pouvant aller jusqu’à 200 ou 300 personnes”) et le segment de marché (“il faut une synergie en termes de processus métier couverts et de clientèle visée – de préférence des PME et de moyens à grands comptes.”)

Efficy aura-t-elle besoin de nouveaux moyens financiers pour réaliser ces éventuelles futures opérations? “Le besoin de nouveaux investissements dépendra des cibles.” Par “cibles”, Cédric Pierrard ne désigne pas prioritairement les sociétés visées par un rachat ou leur taille mais plutôt les marchés ou potentiels fonctionnels que la société voudrait satisfaire via le rachat. Selon la nature de l’objectif, les banques accepteront ou non d’accorder les crédits nécessaires. “Si nous voulons accélérer notre processus de build up, il se peut que nous visions des cibles qui soient moins immédiatement ou clairement rentables, auquel cas les banques pourraient être plus réticentes.”

L’arrivée d’un actionnaire important pouvant avancer les fonds est donc une possibilité que les dirigeants d’Efficy envisagent – “mais sans que le besoin s’en fasse sentir aujourd’hui et avec cette précision supplémentaire que nous ne voulons pas nous faire (trop) diluer…”

Jouer les synergies

Dans le cadre de sa stratégie de croissance, les synergies que recherche Efficy s’exprimeront tant en termes de R&D et de processus commerciaux qu’au rayon produits (migration de certains logiciels dépassés, tels celui de Vente Partner, ou complémentarité fonctionnelle, comme c’est largement le cas avec E-Deal, estime Cédric Pierrard).

Les deux équipes de R&D d’Efficy et d’E-Deal (une vingtaine de personnes en tout) sont en voie d’être fusionnées, du moins virtuellement. Bien que restant respectivement basées à Bruxelles et à Toulouse, elles plancheront conjointement sur l’évolution fonctionnelle (mobilité, analytique, Intelligence artificielle, gamification…) des deux gammes. “Dans un horizon à trois ou quatre ans, le but est de créer des synergies entre les différents produits. Des choix seront également fait du côté architecture serveur.”

Cédric Pierrard (Efficy): “Selon le type de projets, nous proposerons soit E-Deal, soit Efficy. La première par exemple lorsque le projet implique pas mal d’automatisation de processus, la seconde s’il y a beaucoup d’intégration ou de personnalisation d’interface, par exemple.

Côté effectifs commerciaux, “le but est que les commerciaux connaissent indistinctement les deux produits – Efficy et E-Deal – d’ici la fin de l’année. Par ailleurs, le fait de mettre nos forces commerciales en commun nous permettra d’augmenter nos dépenses marketing, chose importante dans notre secteur.” 

Au-delà de la “brute force”

Aux yeux de Cédric Pierrard, les principaux défis à relever pour répondre aux attentes et besoins du marché, en termes de CRM, sont à chercher du côté de fonctions qui facilitent l’adoption et l’utilisation des outils. Cela n’étonnera personne de l’entendre pointer la gamification comme argument essentiel – ce fut la raison majeure du rachat de la solution Peak Me Up de RoyalApp Force.

La “gamification”: un levier d’adoption et d’“activation” de l’utilisateur qu’Efficy compte bien encore développer davantage…

Autre outil essentiel: l’automatisation des tâches et l’intelligence artificielle. Comment Efficy voit-elle l’apport de l’IA dans ses solutions?

Terme largement utilisé à toutes les sauces, beaucoup font passer l’IA pour la nouvelle panacée. “C’est un vaste débat”, reconnaît Cédric Pierrard. “Notre responsable R&D, Robert Houdart [rentré au bercail fin 2017 après avoir développé le programme d’échecs Houdini, basé sur l’IA], préfère d’ailleurs parler de “façon intelligente de programmer”.

L’important est de savoir ce qu’on veut mettre derrière l’outil. Notre but sera surtout de doter le logiciel de potentiels qui aideront l’utilisateur à aller plus loin. Le logiciel apprendra des comportements de l’utilisateur, en fonction de son rôle dans l’entreprise, de ses disponibilités, lui proposera de meilleurs manières de travailler, voire effectuera certaines tâches à sa place.”