Validation fédérale des applis m-santé: le cadre d’évaluation se met en place

Interview
Par · 20/02/2019

Récemment, nous vous parlions des quatre premières applis e-santé/m-santé qui, dans le lot des 24 projets qui ont fait l’objet d’un test-pilote, ont été validées par les autorités fédérales et sont donc désormais répertoriées comme applis fiables et recommandées sur le portail mHealth Belgium.

Leur validation “niveau 1” est un premier pas vers une éventuelle homologation comme dispositif santé remboursable par la sécurité sociale.

Signalons au passage qu’entre-temps une cinquième appli a reçu l’homologation de niveau un. En l’occurrence, Syndo, une appli d’origine bruxelloise destinée aux personnes atteintes d’insuffisance cardiaque ou d’un syndrome coronaire aigu qui ont été traitées ou hospitalisées après un événement soudain. L’appli centralise les informations captées au niveau d’une balance, d’un tensiomètre et d’un tracker d’activité physique. Plus d’infos sur le portail mHealth.

Quelle est la suite des opérations pour ces applis et, dans l’ensemble, pour l’exercice de certification initié par les autorités fédérales? Nous avons posé la question auprès du cabinet de Maggie De Block, ministre en charge de la santé publique.

 

Quelles sont les prochaines étapes à franchir pour les applis qui ont été validées?

Tijs Ruysschaert, porte-parole de Maggie De Block: “Un petit mot d’explication, d’abord, pour resituer le projet. L’offre d’applis santé est surabondante. En passant par un processus d’évaluation par les autorités publiques, le but est d’aider les prestataires de soins et les patients/citoyens à choisir une bonne appli. Ils pourront ainsi choisir l’esprit tranquille, parmi le catalogue d’applis validées, une appli qui soit réellement utile.

Les concepteurs des applis pourront solliciter une validation selon trois niveaux. A cette fin, nous avons défini, en collaboration avec l’administration et avec les fédérations sectorielles Agoria et beMedTech, une pyramide de validation qui comporte trois niveaux et qui se présente comme suit:
le label de niveau 1 garantit que les applis fonctionnent conformément à ce qu’elles annoncent et satisfont à tous les critères nécessaires pour décrocher la marque CE, pour se conformer aux dispositions du RGPD (nécessaire d’ailleurs aussi pour le marquage CE) et à la législation en matière de dispositifs médicaux
– le niveau 2 va un cran plus loin: outre les exigences du niveau 1, les applis sont considérées comme compatibles avec les services de base eHealth définis en Belgique. Il s’agit par exemple de l’envoi de données chiffrées, ou du fait que le médecin qui prescrit l’appli est effectivement un médecin reconnu et enregistré dans la base de données CoBHRA (Common Base Registry for HealthCare Actor)
– le niveau 3 est réservé aux applications dont il a été prouvé que leur utilisation représente un avantage médico-économique. Pour ces applis, nous sommes en train de définir un modèle de financement dans le cadre d’un modèle d’intervention élargi.

La majorité des applis validées demanderont une validation de niveau 1 ou 2. Il s’agit d’applications utiles pour le suivi de la santé, qui ont reçu un “sceau de qualité” des autorités publiques.

Pour être validées “niveau 3”, les applis doivent démontrer une plus-value médico-économique. Par exemple, démontrer que leur utilisation se traduit par une diminution des consultations de suivi, par une régression du nombre de complications…

Les prestataires de soins pourront prescrire des applis de niveau 3 à leurs patients.

Pour ce qui est des prochaines étapes à franchir par les applis qui ont obtenu la validation de niveau 1, il faut tout d’abord souligner que cela dépendra en partie de leurs créateurs. Certains ne visent en effet qu’une validation de niveau 1. D’autres applis voudront décrocher la validation de niveau 2 ou 3. Pour ce faire, leurs auteurs devront introduire une demande par le biais de la plate-forme mHealth Belgium.

Où en est-on dans la définition des étapes 2 et 3?

Le scénario et les modalités sont encore en phase de finalisation. Plus d’infos sur la situation en fin d’article .

A quel terme peut-on attendre une décision sur les modalités qui gouverneront le droit à remboursement des applis de niveau 3 par les autorités publiques (INAMI)?

L’élaboration des modèles de financement est encore en cours. Je peux toutefois souligner que l’intention n’est pas de prévoir un remboursement “classique” pour les applis. On ne résout en effet pas un problème de santé en “prescrivant une appli”.

Le recours à une appli de niveau 3 doit être intégré dans une démarche de soins plus large. Voilà pourquoi nous ne parlons d’ailleurs pas de “remboursement” mais de “modèle de financement”.

Ce genre de modèle sera défini en fonction de l’appli et donc aussi des patients auxquels elle est destinée.

Prenons pour exemple l’insertion d’une appli dans une convention de soins. Cette dernière est un système modulable imaginé spécifiquement par les prestataires de soins pour des patients souffrant d’une affection déterminée. Ils se voient collégialement allouer un montant global pour l’offre de soins par patient.

Il s’agit là d’un incitant qui permet d’organiser les soins le mieux possible et qui décourage un comportement de prestations superflues, effectuées dans un but de volume.

Un dispositif connecté de suivi constant de la glycémie, d’ores et déjà remboursé par la sécurité sociale…

A l’heure actuelle, certains dispositifs technologiques sont déjà inclus dans certaines conventions. Par exemple, le traitement du diabète. En cours de législature, il a par exemple été décidé de rembourser, sous certaines conditions, la surveillance constante des taux de glycémie via capteur. La lecture des taux se fait via un dispositif portable, la mini-aiguille connectée demeurant implantée en permanence, maintenue en place par une pastille adhésive [Ndlr: le dispositif a été qualifié de “flash glucose monitoring”]. Une autre version de ce type de capteur envoie directement les taux de glycémie vers le dossier médial, sans dispositif de lecture.

Ce capteur fait désormais partie de nos conventions diabète. Le patient ne doit rien payer pour s’équiper. C’est la chaîne de soins qui bénéficie d’un montant déterminé par patient, incluant donc le coût du capteur.

C’est ce système d’inclusion dans un trajet de soins complet que nous voulons mettre en oeuvre pour les applis médicales de niveau 3.

Cinq applis mobiles ont à ce jour été validées de niveau 1. Où en sont les autres tests-pilote lancés dans le cadre du programme m-Health (pour rappel, 24 applications avaient été sélectionnées)?

Permettez-moi de repréciser les choses. Nous avons organisé ces projets-pilote afin d’élaborer un système efficace d’utilisation d’applis dans le secteur des soins de santé. La Ministre y a alloué un budget total de 3,25 millions d’euros. C’est l’expérience retirée des 24 projets-pilote qui a permis de mettre en place un tel système, en tenant compte des aspects juridiques, pratiques, médicaux ou autres.

Cette phase est aujourd’hui bouclée. Mais cela signifie pas que les applis impliquées dans les 24 projets se retrouvent automatiquement dans la phase de demande de validation. Si les auteurs de ces applis désirent être validés, au niveau 1, 2 ou 3, ils doivent en faire expressément la demande via la plate-forme mHealth Belgium.

Certaines applications ont-elles “abandonné” en cours de route?

La question de l’arrêt de projets-pilote n’est pas réellement pertinente. Tel que cela avait été prévu, les projets ont duré six mois.

Mais il est vrai que certains projets-pilote ont rencontré des problèmes d’ordre pratique. C’était d’ailleurs l’un des buts: nous voulions déterminer, de manière pratique, quels étaient les obstacles, les difficultés afin d’en tenir compte pour l’élaboration d’un modèle générique applicable à des applis santé.

 

Validation de niveau 2 et 3. Le cadre se précise

Les modalités d’obtention d’une validation de niveau 2 et 3 par les applis mobiles d’e-santé et les mécanismes à mettre en oeuvre pour octroyer une telle certification sont encore en phase de finalisation. Mais les choses avancent, nous précise-t-on du côté des acteurs en charge de ce cadre – à savoir Agoria et BeMedTech.

Les applis qui auront obtenu une validation de niveau 1 ont donc la possibilité de postuler pour une certification plus poussée qui, en niveau 3, leur ouvre la voie à un remboursement par la sécurité sociale (ou en tout cas à un “financement” selon le modèle qui sera défini – voir ci-dessus).

Qu’implique ce parcours de validation niveaux 2 et 3?

Pour le niveau 2, les applis seront testées en termes de mécanismes de sécurité appliqués aux données et à l’authentification des utilisateurs. Autrement dit, quelles mesures de sécurisation sont mises en oeuvre pour protéger l’authenticité, la non-altération et les échanges de données? S’agit-il d’une simple authentification à deux facteurs (nom d’utilisateur et mot de passe) ou d’un degré plus élevé de sécurité, garanti par exemple via recours à la carte d’identité électronique ou à une solution telle que Itsme? “Ces tests et vérifications, menés selon des préceptes méthodologiques internationaux, permettront de déterminer le niveau de “risques” des applis et d’évaluer l’architecture mise en oeuvre”, commente Carole Absil, responsable de la cellule Healthcare Technology chez Agoria. 

“Les applis seront ensuite testées pour vérifier qu’elles peuvent efficacement exploiter les services de base de la plate-forme eHealth. Par exemple, authentification du patient, connexion et utilisation de la eHealth Box dans le cas d’envoi de messages, par l’appli, au médecin…

Trois éléments prioritaires seront vérifiés: la sécurité, l’identification et l’authentification.”

La méthode d’évaluation et les critères à respecter ont été définis. Mais les tests ne sont pas encore possibles dans l’état actuel des choses. Les deux prestataires choisis pour ces tests – à savoir, le Cetic et l’Imec – devraient être prêts à entrer en action vers la mi-mars. “D’ici six mois, nous devrions avoir les premiers résultats de cette procédure de “mini-labs” et pouvoir vérifier que la méthode est efficace. A ce moment-là, les deux centres de test devraient être en mesure de tester les applis par rapport à l’ensemble des services de base eHealth.”

Niveau 3? Exercice toujours en cours

Les modalités et critères à respecter pour décrocher une validation de niveau 3, avec possible financement par la sécurité sociale, sont encore en cours d’élaboration. “Les quatre premières applis qui ont obtenu la validation de niveau 1, ainsi qu’une cinquième qui est en attente de marquage CE, nous servent en quelque sorte servi de cobayes pour élaborer le cadre qui sera utilisé”, souligne Carole Absil. “Dans la mesure où le financement de telles applis est une démarche nouvelle, il est probable que ce cadre sera encore modifié à l’avenir, sur base de l’expérience acquise. 

Actuellement, les services de l’INAMI analysent le premier template afin de déterminer si toutes les informations nécessaires sont disponibles. Dans la mesure où il s’agit de prouver, pour autoriser un financement, que l’appli m-santé est utile, en termes médico-économiques et d’“efficience” pour la sécurité sociale, il faudra vérifier, sur base d’un historique de données encore à construire, que le cadre est efficace. Il y aura sans doute ré-éavaluation une fois par an ou tous les deux ans.”