Opinum passe sous pavillon Itineris: “Synergie oui, dépendance non”

Interview
Par · 24/11/2021

Voici quelques jours, Opinum, spécialisée dans les solutions de mesure, de gestion et d’optimisation de dépenses et politiques énergétiques, annonçait avoir lié son avenir à Itineris, une société gantoise spécialisée dans le développement et la commercialisation de solutions de gestion destinées à une clientèle d’opérateurs et de fournisseurs d’énergie (électricité, gaz, eau…). A son catalogue, des logiciels de gestion clientèle CRM et CIS), de gestion d’actifs et de services techniques, déployés sur site ou dans le cloud (via la plate-forme UMax, reposant sur des technologies Microsoft Dynamics 365). Parmi ses clients, De Watergroep, Engie, Eneco, Siplec (groupe français Leclerc), Gazprom Energy, Boston Water and Sewer Commission, la ville de Tallahassee (Floride)…

Qu’implique cette acquisition pour la société de Mont-Saint-Guibert qui, elle-même, est le résultat de la fusion, en 2014, de la start-up The Smart Company, fondée par Loïc Bar, avec Décision Expert? Nous avons posé la question, parmi d’autres, à Loïc Bar, toujours à la tête de la société qui, assure-t-il, conservera son autonomie au sein d’Itineris.

Regional-IT: Quels furent les arguments dont Itineris a usé pour vous convaincre de les choisir plutôt qu’un autre candidat acquéreur?

Loïc Bar: Cela n’a pas été facile, nous avons en effet reçu plusieurs offres non sollicitées. La première décision a été de ne pas continuer en stand-alone alors que tout nous le permettait. On avait atteint un palier de croissance: les fameux un million d’euros de revenu récurrent, ce qui permet de réaliser une très belle levée de fonds. Mais le marché est engagé dans un processus de consolidation. La raison est que le secteur de l’énergie commence à rentrer dans un pic de digitalisation et donc est en voie de devenir un secteur mature dans les années qui viennent. On ne croit pas qu’on peut accéder à la grosse part du gâteau sans faire partie de cette consolidation.

Quels étaient concrètement les projets de développement (technologique, commercial) qui impliquaient pour vous la recherche de nouveaux capitaux? Et à quelle hauteur?

Au niveau technologique, nous avons fait un grand pas ces dernières années. Cela nous a permis de remporter de très gros marchés – qui vont d’ailleurs largement contribuer à notre croissance sur 2022 et au-delà. Comme expliqué précédemment, on voit que le secteur de l’énergie et de l’eau gagne en maturité sur le sujet du digital avec les compteurs intelligents, les objectifs de neutralité carbone, etc.

La fenêtre de tir pour devenir un acteur majeur de la transformation numérique du secteur n’est que de quelques années. C’est maintenant qu’il faut faire l’effort et si on regarde ce que font les concurrents, ils rachètent pour former des sociétés avec plus d’impact !

Vos actionnaires/investisseurs existants vous ont-ils, d’une manière ou d’une autre, poussé à rechercher et/ou à accepter un repreneur ? Avaient-ils déjà donné des signes de vouloir se retirer, réaliser une exit? Ou une prise de contrôle total était-elle une exigence d’Itineris?

Rappelons qu’Opinum comptait, avec son acquisition, plusieurs actionnaires: la SRIW, Sambrinvest, le fonds Inventures et des business Angels indépendants. Les deux premiers “profitent” de l’opération de rachat pour exécuter une exit.

Je pense que c’est plutôt le contraire ! Certains voulaient continuer à faire grandir la société. Chaque mois qui passait, la société prenait de la valeur et on aurait pu attendre plus longtemps. Mais les offres étaient sur la table, le train était là: montait-on à bord ou est-ce qu’on le laissait passer? 

La direction était pour une montée à bord dans la mesure où cela cadrait avec nos ambitions. A savoir, devenir un acteur majeur international basé en Belgique. Avec Itineris, on ouvre la porte du marché américain qu’on aurait eu du mal à atteindre.

Pourquoi, si la piste de l’acquisition vous semblait la meilleure, ne pas avoir recherché d’autres candidats-repreneurs, n’ayant pas fait offre spontanée mais peut-être tout aussi intéressants qu’Itineris?

On n’a jamais vraiment pensé à l’acquisition. Comme indiqué, on était sur une belle tendance. A dater du mois de juin, on avait déjà réalisé le chiffre d’affaires de l’année précédente. Nos licences devenaient conséquentes, avec un taux de croissance encore supérieur. Lorsqu’on a été sollicité, nous avons pris le temps de nous poser et de regarder ce qui se passait. Nous avions nous-mêmes regardé pour acheter des boîtes. Pour être honnête, c’est assez difficile. L’expérience du rachat par Itineris a d’ailleurs été très enrichissante professionnellement…

Quel impact l’intégration dans Itineris aura-t-il pour le positionnement et la stratégie de présence sur le marché telle que vous l’aviez encore exposée récemment pour Opinum?

Très peu d’impact ! Itineris veut booster Opinum sans casser la dynamique de notre croissance. On demeure une société indépendante et Itineris est vraiment là pour nous aider dans les challenges de la croissance: recrutement, financement, structuration, accès plus rapide à certains marchés, en l’occurrence le marché américains [Itineris y dispose d’un filiale], etc.

Quelles cibles ou quels profils de clientèle allez-vous désormais viser et/ou privilégier? Des changements seront-ils opérés à cet égard?

Aucun changement! Nous avons, ces dernières années, travaillé énormément sur nos offres pour les gestionnaires de réseaux d’électricité, de gaz et d’eau, en plus des fournisseurs et des ESCO. Nous continuons dans cette logique.

Y a-t-il dans le catalogue d’Itineris des solutions, des potentiels, des technologies complémentaires intéressantes avec lesquels “hybrider” votre propre solution?

Itineris développe un CIS (Customer Information System) pour les utilities. C’est très souvent une de nos sources de données dans les projets. On peut imaginer des synergies mais sans tomber dans l’exclusivité. C’est pour cela que nous restons indépendant. Synergie oui, dépendance non.

De quelle marge de manoeuvre ou d’indépendance disposerez-vous au sein d’Itineris? Quelles garanties (à court, moyen et long terme) avez-vous reçues à cet égard?

Le message est clair: Itineris s’occupe des solutions autour de tout ce qui est transactionnel (la facturation, les processus client) et Opinum s’occupe du (big) data. La confiance est là. A nous de prouver que nous la méritons en continuant à développer Opinum.

Quels sont les prochaines étapes, décisions à court terme qui se profilent à l’horizon – en termes de fonctionnalités, de développement, d’extension commerciale et/ou géographique?

Au niveau produit, notre feuille de route ne change pas. On continue sur la base de ce que nous avons communiqué lors de notre conférence utilisateurs de septembre. La stratégie commerciale s’accélère d’un point de vue géographique mais pas réellement dans son contenu. On change pas une équipe qui gagne…