Jean-Pol Boone: le nouveau Mr Numérique de BeAngels dévoile ses projets

Interview
Par · 27/02/2015

Récemment, le réseau francophone de business angels BeAngels annonçait son espoir de convaincre davantage ses membres, voire d’en convaincre de nouveaux, d’investir dans des projets orientés IT et/ou numérique. Relire notre récent article à ce propos. 

Le problème que BeAngels dit avoir identifié concernerait un désintérêt mais aussi un manque de capacité de ces investisseurs privés à jauger la valeur d’un dossier. Le mal, diront d’autres acteurs du monde de l’investissement, est peut-être ailleurs. Notamment du côté de la “valeur ajoutée” que peut ou non représenter un tel réseau pour les porteurs de projets. Ou encore du côté du profil des business angels eux-mêmes et de leur “comportement” d’investissement.

Quoi qu’il en soit, nous avons voulu savoir comment Jean-Pol Boone, récemment désigné Monsieur Numérique au sein de BeAngels, envisage son rôle en tant que pilote et animateur du “pôle ICT/Digital” qui sera chargé de “qualifier” en quelque sorte les dossiers orientés IT/numérique et d’aider ainsi l’ensemble des investisseurs potentiels à mieux en identifier les opportunités.

Le constat posé par BeAngels était celui d’un manque d’intérêt des business angels pour les dossiers IT/numériques. Comment voyez-vous, personnellement, à la fois la situation et le rôle que vous aurez à jouer?

Jean-Pol Boone: BeAngels reçoit en effet de nombreux dossiers à orientation numérique mais il y a un mismatch entre les entrepreneurs et les investisseurs. Mon rôle consistera donc à réconcilier porteurs de projets et investisseurs. Des démarches proactives seront engagées vis-à-vis de certains business angels – qui ne doivent d’ailleurs pas être basés en Belgique – afin d’identifier des personnes qui ont non seulement des capacités d’investisseurs mais aussi la faculté de comprendre le langage des porteurs de projet. Mon rôle est à la fois de consolider le sourcing, en termes de qualité des projets, et de rechercher proactivement des investisseurs prêts à investir dans des projets belges.

Pour renforcer la qualité de projets, nous sommes en train d’envisager une collaboration avec Impulse ou avec d’autres acteurs.

Quelle forme pourrait prendre cette collaboration avec Impulse?

Impulse n’est qu’un exemple mais l’idée est que le flux de leads soit apporté par Impulse. Son rôle consisterait dès lors à garantir une certaine qualité de projet. Une fois les projets arrivés à maturité grâce à ce genre d’incubateur, ils seront présentés en priorité à BeAngels qui mettra les porteurs de projets en contact avec les investisseurs.

Vous parlez de présentation “en priorité”. Un accord en ce sens a-t-il déjà été passé ou envisagé?

On en est plutôt, actuellement, au stade de la discussion mais le but est de pouvoir créer un comité de sélection pour garantir la qualité des projets présentés. Un accord avec Impulse est important pour les deux parties, à la fois pour garantir une certaine qualité, cautionnée par un incubateur du type d’Impulse, et pour garantir un pool d’investisseurs qui corresponde aux projets présentés.

En dehors d’Impulse, pouvez-vous citer d’autres “sources” possibles que vous pourriez solliciter?

Par exemple, le WSL, en Wallonie. Mais aussi d’autres types d’interlocuteurs, tels CoStation à Bruxelles qui est un endroit intéressant pour identifier des projets. Tous les incubateurs au sens large du terme sont potentiellement concernés. Par exemple, La Factory à Liège, iMinds en Flandre…

”Un accord avec les incubateurs est important pour les deux parties, pour garantir à la fois une certaine qualité des projets et un pool d’investisseurs qui corresponde aux projets présentés.”

La composition du comité de sélection est-elle déjà établie? 

Non, il en est encore au stade de la création. Le Conseil d’administration vient d’en prendre la décision. Il devrait être mis en place d’ici trois mois.

Sa composition sera-t-elle équilibrée? Quels en seront les principaux “profils”?

Ce n’est pas encore décidé en interne mais cela me semblerait logique d’avoir trois catégories: des personnes venant du monde de l’incubation, des investisseurs mais aussi des experts de différents domaines (technique, digital marketing…) qui ne sont pas forcément des entrepreneurs eux-mêmes mais qui peuvent juger de projets qui sont parfois très pointus.

Comment expliquez-vous le “mismatch” entre le nombre de dossier et l’aptitude des business angels à s’intéresser à ce genre de projets?

Le problème ne touche pas uniquement BeAngels. L’un des premiers facteurs est le fait que la Belgique soit un petit pays. Par ailleurs, la fiscalité n’est pas avantageuse pour les investissements: le gain est taxé et la perte sur un investissement n’est pas déductible, contrairement au tax break et au mécanisme d’incitation fiscale qui existent par exemple au Royaume-Uni. Les gens préfèrent donc investir dans des choses plus sécurisantes: les obligations, l’immobilier… Le fait qu’il y ait 250 milliards d’euros dans les comptes en banque des Belges est éloquent.

Jean-Pol Boone (BeAngels): Rechercher des business angels chevronnés, aux capacités financières suffisantes…”

C’est d’ailleurs aussi la raison pour laquelle nous voulons nous tourner davantage vers l’international. Si on va chercher des investisseurs sur les grands marchés (Allemagne, USA, Chine…), cela permettra à la fois d’avoir des gens qui ont fait des exists, qui ont un bagage et des capacités d’investissement plus importants, et de procurer aux entrepreneurs belges des relais locaux pour lancer leur business là-bas.

Jusqu’où voyez-vous cette ouverture à des investisseurs étrangers? Quid du risque de voir les capitaux être majoritairement étrangers?

Ça peut aussi être des Belges qui sont à l’étranger… C’est d’ailleurs dans ce domaine qu’on va travailler dans un premier temps. Nous pourrions par exemple solliciter des organismes tels que l’Awex qui ont des réseaux, par exemple dans la Silicon Valley. Nous nous appuierons aussi sur le réseau de chaque business angel.

Mais rien n’a été imaginé pour limiter par exemple le ratio de capitaux étrangers?

On n’y a pas encore pensé. Personnellement, je préfère une société qui crée de l’emploi en Belgique et qui a des capitaux partiels venus de l’étranger qui fonctionne que pas de start-up.

Par rapport aux business angels aujourd’hui membres de BeAngels, envisagez-vous une opération de sensibilisation aux spécificités des projets IT/numériques? 

Tous les business angels sont évidemment les bienvenus. Les projets seront d’ailleurs présentés en forum classique. A chacun de souscrire ou de suivre les dossiers, mais en pouvant s’appuyer sur la caution qu’auront donnée les experts et le pôle (IT) d’investisseurs. Et oui, l’objectif est en effet de procéder à une campagne de sensibilisation.

A quel rythme travaillera ce “pool” IT?

Le comité de sélection se réunira une fois par mois et il y aura aussi présentation des dossiers en forum étendu une fois par mois.

A suivre, dès ce lundi 2 mars, dans la deuxième partie de cette interview, un appel de Jean-Pol Boone à revoir certains “fondamentaux” pour tenter de résoudre le déficit en investissements privés dont souffrent à ses yeux les projets IT/numériques belges.