Zonings wallons: le Très Haut Débit est annoncé avec un retard de… (2è partie)

Hors-cadre
Par · 10/08/2017

Dans cette deuxième partie de notre article consacré au Très Haut Débit pour zones d’activités économiques, nous nous concentrons plus spécifiquement sur la question de son financement et des critères de décision que retiennent les opérateurs pour se lancer ou non, dans l’état actuel des choses, dans l’extension de leur desserte en fibre. Coup d’oeil aussi sur le rôle de la Région wallonne.

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En attendant les détails du plan d’aménagement et d’équipement du territoire en THD en préparation du côté de la Région wallonne et la concrétisation de nouveaux engagements de la part des opérateurs, quelle est la situation telle que vécue et perçue aujourd’hui sur le terrain. Qui pour financer la fibre? Et à quelles conditions?

Une certaine désillusion semble s’être installée chez certains opérateurs de développement économique. C’est que les promesses d’investissement ne sont pas toujours suivies d’effets réels ou déçoivent une fois les ajustements stratégiques effectués.

 


Relire le premier volet de notre article consacré au Très Haut Débit pour zones d’activités économiques.


 

Exemple, le programme de 3 milliards d’investissement annoncé par Proximus. Dans la province de Luxembourg, Marche-en-Famenne était apparue comme devant être une commune-pilote. Idelux avait donc cru y voir, au départ, une bonne nouvelle pour les différents parcs d’activités de la région. Mais voilà, certains calculs financiers sont passés par là et, désormais, tous les parcs ne sont plus concernés. L’explication donnée à l’intercommunale par Proximus? “Pas assez de clients potentiels ou déjà clients de la concurrence.”

Résultat: seul le WEX bénéficiera d’une extension de sa connectique (nouvel équipement en fibre optique, venant compléter les connexions ADSL/VDSL) tandis qu’une partie du parc de la Pirire (parc d’activité à thématique commerciale) sera lui aussi équipé. En principe, les parcs d’Aubange et de Libramont le seront, mais plus tard, à l’issue d’une réflexion dont les contours doivent encore se préciser. Les zonings d’Aye et Marloie sont aussi demandeurs, mais… Proximus leur oppose pour l’instant une fin de non-recevoir et les communes concernées devront, selon toute vraisemblance, puiser dans leurs caisses.

Que vous soyez petit ou grand, jeune ou vieux…

Quelle est la position de Proximus? Quelle explication l’opérateur donne-t-il pour ses choix et, notamment, le recul d’intention qui a déçu Marche-en-Famenne? “Nous nous sommes engagés dans un programme d’accélération du déploiement de la fibre [en mode connexion partagée] partout en Belgique”, souligne Damien Mary, manager Déploiement réseau fixe pour Proximus. “D’ici 10 ans, 85% des entreprises seront connectées.”

Impossible, par contre, de faire dire à Proximus, dans l’état actuel des choses, si un équilibre régional, prenant en compte les divers paramètres spécifiques de chaque zone, sera garanti. “Nous n’avons pas de mesure en termes régional, pas de planning à 5 ans. Nous opérons au fil de l’eau…”

Ce que l’opérateur affirme par contre, c’est que les zonings figurent parmi les priorités. Selon un schéma d’équipement et de déploiement qui, lui, a été priorisé. “Fin 2018, tous les grands et moyens zonings seront couverts. Nous sommes en discussion avec les gestionnaires de ces PAE, au sujet des entreprises qui y sont présentes, des projets d’extension et de développement du parc…”

Les zonings de plus petite taille seront “peut-être” couverts en 2019.

“Il s’agit d’étudier le zoning en détail, de déterminer si une société a vraiment besoin de la fibre. On fera du cas par cas. A nos yeux, il est par exemple préférable d’avoir affaire à 10 sociétés hi-tech qu’à 100 entreprises parmi lesquelles seulement 10 utiliseront peut-être le produit. C’est une question de fiber appetite. Cela joue aussi dans le choix des zonings [que l’opérateur décide d’équiper].”

Revenons-en, du coup, à ce qui s’est passé pour Marche-en-Famenne, jugé prioritaire dans un premier temps mais relégué dans la file d’attente, après réflexion. “Selon un point de vue purement géographique, le Luxembourg n’est pas le sud de la Province de Namur. Anvers n’est pas la périphérie de Liège. Le critère majeur est celui du coût.

Pour certains zonings, après examen, il s’avère parfois très cher de couvrir le site. Du coup, le zoning descend dans notre liste de priorités.”

Les paramètres de coûts retenus par Proximus? Le coût de la connexion proprement dit (impacté par le volume de travaux à prévoir), la superficie du zoning, le nombre de sociétés présentes [clientes? pas clientes?], la configuration du zoning.

Et le diable se trouve parfois dans le détail. “L’analyse préliminaire, sur base d’un plan peu détaillé, ne permet pas de déterminer par exemple le type de revêtement choisi pour les aménagements de la voirie ou des accès.”

Et à ce petit jeu-là, les anciens zonings sont défavorisés parce que… pavés ! “Les nouveaux zonings sont généralement en mode terre-plein, moins coûteux lors de travaux.”

Résultat? Un ancien zoning, même de taille moyenne, même accueillant de nombreuses sociétés, peut fort bien devenir moins prioritaire qu’un autre plus modeste, plus récent, mais impliquant moins de coûts “en dur”.

Autre question: jusqu’où va ou ira cette couverture fibre (couleur Proximus) dans les zonings ou la prise en charge des frais d’aménagement? “On se limite à 50 mètres de travaux sur domaine privé.” Au-delà, toute pose de gaine et tous les travaux nécessaires seront à charge des sociétés.

La stratégie de la Région

Que fait la Région? A partir de quand et dans quelles situations suppléera-t-elle éventuellement aux opérateurs? Qu’exigera-t-elle d’eux? Quelle mesure de “rétorsion” peut-elle les menacer de prendre s’ils ne se montrent pas suffisamment “entreprenants”?

Les négociations menées dans le cadre de la fameuse Taxe Pylône et de son retrait moyennant “geste” et engagements de la part des opérateurs (en tous cas les opérateurs mobiles) ont inclus ce volet équipement THD des parcs d’activités. Et ce, dans le cadre général de la stratégie “Parcs 4.0”. Voir note en fin d’article.

La carotte? Une majoration des subsides octroyés si le parc d’activités répond à certains critères. Mais ce sont toujours les intercommunales qui devront jouer les intermédiaires vers les opérateurs et obtenir leur dose de THD.

Le THD, bien présent dans le Plan numérique wallon…

Qui bénéficiera de ces subsides ? Les intercommunales ? Les opérateurs ? Sur base de simples promesses ou lors de la concrétisation THD ?

Ces questions n’avaient pas encore de réponse – avant que le gouvernement tombe. Patience, donc, pour déterminer de quoi sera fait l’avenir…

En parallèle, des projets sont “subventionnables” dans le cadre du Plan du numérique…

Dans ce registre, on en était (toujours avant la crise) dans la phase de réflexion/propositions. La Région attendait le dépôt de projets, notamment dans le cadre de la future politique “smart cities / smart territories” (incluant des communes-pilote rurales).

Le nouveau gouvernement appliquera-t-il une nouvelle politique, une approche différente? Wait and see…

Quoi qu’il en soit, d’autres sources de financement du THD doivent et devront, à l’avenir, être activées. Exemple sur le parc Galaxia (orienté applications spatiales et haute technologie) à Transinne. La fibre a été tirée entre le centre d’entreprises et la station de l’ESA à Redu. Via un cofinancement Région wallonne-Union européenne. Partenaire côté wallon: la Sofico.

Une extension du parc Galaxia (20 ha supplémentaires) est prévue. Il s’agira là de convaincre les opérateurs…

On peut toujours demander…

Sur quels critères se base l’équipement en (T)HD d’un parc d’activités? On a vu plus haut le type de critères qu’applique Proximus pour décider du degré de priorité d’un zoning.

Côté demande, plusieurs facteurs influencent le déploiement de la fibre optique: la superficie du zoning, sa capacité d’accueil (nombre d’entreprises attendues), la thématique (type d’activités des entreprises), la distance le séparant de l’infrastructure télécom dorsale la plus proche.

En principe, tous les nouveaux zonings sont d’office équipés en THD. C’est d’ailleurs là l’une des promesses du Plan Marshall 4.0, au chapitre “Parcs 4.0”. Voir en fin d’article ce que prévoit ce projet “Parcs 4.0”.

Les extensions sont également l’occasion de le faire (mais c’est moins systématique). Dans un cas comme dans l’autre, le principe désormais établi est qu’il faut profiter le plus possible de tous nouveaux travaux et ouverture de tranchée par l’un ou l’autre impétrant pour “inviter” le ou les opérateurs télécoms à venir tirer le haut débit ou, à tout le moins, poser leurs gaines. Histoire de minimiser les frais (sans parler des désagréments).

Geneviève Finet (IDEA): “La fibre, c’est bien mais, selon leurs activités, les entreprises peuvent se contenter du VDSL, avec un débit de 30 ou 70 Mbps. Les entreprises ne sont pas forcément les premières à demander à être raccordées à la fibre optique en raison de son coût.”

Geneviève Finet (IDEA): “L’un des paramètres est le type d’entreprises à accueillir dans le zoning. Un parc scientifique [tel qu’Initialis à Mons] a d’office droit à la fibre optique. Idem pour des entreprises logistiques qui doivent pouvoir passer des commandes rapidement et être connectées au monde entier.” Un argument qu’on pourrait toutefois étendre à tout type d’entreprise. Mais le déclic ne semble pas encore s’être fait. Résultat: les zonings dits “généralistes” doivent encore se contenter du VDSL.

Et Geneviève Finet d’ajouter: “La fibre, c’est bien mais, selon leurs activités, les entreprises peuvent se contenter du VDSL, avec un débit de 30 ou 70 Mbps [contre du 1 Gbps, avec la fibre]. Les entreprises, par exemple dans le secteur de la construction, ne sont pas les premières à demander à être raccordées à la fibre optique en raison de son coût. Le VDSL a donc pour elles la préférence. Bien entendu, les débits alors assurés sont insuffisants pour des applications telles que de la surveillance vidéo.”

Côté offre, les opérateurs, on l’a vu, raisonnent très largement en termes de rentabilité. Les paramètres, à cet égard, sont à la fois le nombre d’entreprises à desservir qui deviendront éventuellement clientes de leurs offres respectives et la distance à couvrir entre le réseau dorsal et le lieu d’implantation du parc.

Si la distance est souvent considérée comme rédhibitoire, le seul nombre de sociétés implantées (ou devant l’être) n’est pas un critère suffisant. Pourquoi “tirer” en effet la fibre vers un parc où les sociétés opteront pour un autre opérateur pour leurs services au quotidien?

Autre aspect des choses: la grosse “nuance” qui existe entre “ce parc est connecté à la fibre” et “toutes les sociétés implantées peuvent activer des connexions fibre.” On l’a vu plus haut, le calcul de rentabilité pour la “capillarisation” de la fibre jusqu’à chaque bâtiment dépend aussi du potentiel de monétisation des services et de l’importance des travaux. Du coup, les “bouts de rue” et zones écartées des points d’entrée demeurent privés de (T)HD.

Détection des besoins

Comment les intercommunales s’y prennent-elles pour recueillir les attentes des entreprises établies dans les parcs d’activités dont elles ont le contrôle?

Chez IDEA, cela se fait par le biais des réunions des “clubs zoning”, organisées à l’initiative de l’intercommunale sur des sujets mis sur la table par les sociétés: mobilité, équipement en éoliennes, fibre optique…

Idem du côté d’Idelux où des rencontres en mode “clubs entreprise” sont organisées “une ou deux fois par an” pour identifier les besoins “en ressources humaines, mobilité, connectivité…”. L’initiative vient du parc d’activités ou d’une commune.


Parcs 4.0

En octobre 2015, le gouvernement wallon annonçait ceci: “Afin de garantir une haute qualité des équipements, le Gouvernement a décidé de mettre en place les conditions infrastructurelles afin que les entreprises puissent être connectées directement aux réseaux de fibre optique permettant un débit allant jusqu’à 1.000 Mbps en lieu et place du réseau câblé ADSL ou VDSL. Il s’agit de favoriser l’accès au domaine public de la voirie pour les différents opérateurs de réseau de fibre optique, de gaz, de distribution d’eau et d’électricité, permettant in fine le raccordement et l’alimentation de chaque entreprise installée.”

Voici quelques mois, le logo officiel des Parcs d’Activités Economiques avait été remis au goût du jour...

Une circulaire, envoyée à tous les opérateurs de développement économique, préconisait notamment une “accélération du déploiement de l’équipement en fibres optiques pour un accès à très haut débit aux réseaux de communication électronique.”

Lors de tout projet d’aménagement d’un nouveau parc d’activités économiques, les opérateurs de développement économique ont l’obligation de “mettre à disposition des impétrants des tranchées communes en voirie pour leur permettre d’y placer, à moindre coût, leurs propres infrastructures de réseau.”

Et de conclure: “En parfaite cohérence avec les objectifs fixés dans le Plan Marshall 4.0, le Gouvernement entend donc placer les gestionnaires de réseau comme partenaires des projets de développement des zones d’activités économiques et créer ensemble de nouveaux “Parcs 4.0” intégrant les nouvelles technologies de l’information et de la communication.” [ Retour au texte ]