Jean-Jacques Quisquater: “la vigilance est plus que jamais de mise”

Hors-cadre
Par · 17/05/2018

En préambule à l’inauguration du département Digital Security Center (DSC) de TechnocITé, lancé en partenariat avec l’Eurometropolitan eCampus, Jean-Jacques Quisquater, expert belge bien connu en matière de cryptographie (1), n’a pas manqué de souligner ô combien il est important pour tout un chacun – simple citoyen, professionnel ou expert – de s’intéresser plus que jamais de près aux cyber-risques qui envahissent notre quotidien.

“La cyber-sécurité concerne chacun, à son niveau. Nous sommes tous concernés. Il n’est plus possible de se contenter de la cyber-sécurité IT telle qu’on l’enseignait voici 10 ans.

Les objets connectés, devenus fort familiers (brosse à dents, montre, pèse-personne, éclairage…), peuvent être l’occasion d’un piratage et d’une prise de contrôle extérieure malfaisante.

Jean-Jacques Quisquater: “La cyber-sécurité ne doit pas être vue comme un obstacle mais bien comme une garantie d’existence continue d’une société dans un contexte opérationnel.”

Nous sommes par ailleurs entourés de faux comptes Facebook, de fake news… Pendant les trois premiers mois de cette année, Facebook a supprimé pas moins de 500.000 faux comptes, soit environ un-quart du total. Voilà notre contexte actuel. Nous sommes entourés de faux…

Le simple volume des comptes supprimés doit nous amener à nous rendre compte à quel point cet outil n’est pas fiable – sans compter qu’il nous espionne.

A titre personnel, j’estime par exemple scandaleux que certains médias ne proposent désormais plus qu’un compte Facebook comme unique possibilité de s’identifier.

La question se pose dès lors de promouvoir d’autres outils, plus fiables, plus soucieux de nos intérêts personnels.

Pour en revenir à la cyber-sécurité, dans son ensemble, il faut renforcer la vigilance, veiller à une sensibilisation de bonne qualité, à jour et mobilisante. Les besoins en formation sont bel et bien immenses.”

Appel au citoyen mais aussi aux entreprises

L’appel à la vigilance et à la formation, lancé par Jean-Jacques Quisquater, ne se limitait évidemment pas au citoyen lambda. “Une série de précautions élémentaires peuvent réduire les problèmes que connaissent les sociétés privées et les institutions publiques suite à des attaques: importantes conséquences financières, atteinte grave à la réputation, problèmes juridiques en cas de faute ou de négligence. Ces problèmes peuvent être réduits si le personnel y est bien sensibilisé. Par conséquent, avoir un personnel IT bien formé à la cyber-sécurité et une bonne stratégie globale de protection sont des éléments nécessaires dans toute entreprise ou institution publique.

La cyber-sécurité ne doit donc pas être vue comme un obstacle mais bien comme une garantie d’existence continue d’une société dans un contexte opérationnel.”

Quelques chiffres éloquents

A l’occasion de l’inauguration du département Digital Security Center, Joyce Proot, directrice du centre de compétences TechnocITé, rappelait pour sa part quelques chiffres et statistiques, plutôt éloquents:

  • 46,2% des employés belges utilisent un mot de passe comportant moins de 8 caractères
  • un Belge sur trois communique son mot de passe à d’autres personnes
  • un Belge sur quatre utilise le même mot de passe dans sa vie privée et professionnelle
  • le nombre d’attaques informatiques a augmenté de 68%, dans les entreprises, en 2016
  • 38% des organisations publiques et académiques, en Belgique, ont déjà été victimes d’un incident de sécurité
  • le coût estimé de la cyber-criminalité en Belgique et de 3,5 milliards d’euros, soit plus de 1% du PIB
  • dans le monde, près de 400 milliards d’euros sont dépensés chaque année pour lutter contre les cyber-attaques ou réparer les dégâts qu’elles provoquent.

______________

(1) Jean-Jacques Quisquater est professeur émérite de l’UCL et fut adjoint de recherche au MIT (Massachussetts Institute of Technology). Ingénieur civil de formation (en mathématiques appliquées) et docteur en science informatique, il fut à l’origine de la protection cryptographique de nos passeports et cartes de paiement, de la signature électronique qui est désormais embarquée sur nos cartes d’identité. Il coordonne par ailleurs plusieurs cycles de formation en cyber-sécurité, destinés aux entreprises et institutions publiques, qu’organise l’Eurometropolitan eCampus en collaboration avec le centre de recherche Multitel. Il est aussi actuellement le commissaire de l’exposition “Top Secret”, dédiée à la cryptographie à travers les âges, au Mundaneum de Mons.