En matière de numérique, les PME ont besoin d’actes, plus que de formations

Hors-cadre
Par · 15/11/2018

Récemment, FCR Media, une agence de marketing digital visant une clientèle de PME et d’indépendants, avait commandité une étude portant notamment sur le degré de connaissance, de maîtrise, voire simplement de compréhension, que les PME et TPE (la société ne devait pas employer plus de 10 personnes) ont de la transformation numérique. Environ 900 personnes, dans les trois Régions du pays, ont été interrogées.

A noter que FCR Media avait choisi de mener cette enquête au moment où une campagne nationale de sensibilisation, elle-même greffée à la promotion de l’eBox, était lancée par le fédéral.

Démunies et délaissées?

D’une manière générale, les PME se sentent désarmées face au rythme d’évolution du marché et des nouvelles technologies. “Ces entrepreneurs redoutent, à juste titre, l’influence des attentes changeantes des consommateurs, de la concurrence sur Internet et de la concurrence des multinationales sur la fidélité des clients”, commente Birgit Peeters, directrice générale de FCR Media.

Beaucoup avouent “des connaissances numériques faibles à moyennes” mais ce constat ne les pousse pas pour autant à prendre le taureau par les cornes: la majorité des PME interrogées ne considèrent en effet pas la transformation numérique comme une priorité.

Birgit Peeters (FCR Media): “65% des entrepreneurs adeptes du marketing en ligne s’y intéressent principalement parce que cela leur apporte de nouveaux clients et non pour pouvoir proposer un meilleur service à leurs clients existants. Cela démontre une méconnaissance inquiétante des opportunités que la numérisation pourrait leur apporter.”

Le fossé entre PME et entreprises de plus grande taille risque donc de se creuser en matière de maîtrise et/ou d’adoption des technologies numériques.

Comment Birgit Peeters explique-t-elle l’existence et la perpétuation de ce fossé numérique? “Le quotidien des petites et micro-entreprises [de 0 à 10 personnes] diffère beaucoup de celui des grandes PME.

La majeure partie du temps d’un petit entrepreneur – un vitrier, par exemple – est consacré à ses rendez-vous, à l’acquisition de clients, à la gestion de son équipe. Quand il a terminé, c’est au tour de l’administration, de la comptabilité etc. Quelque 40% des personnes interrogées disent consacrer plus de 5 heures par semaine aux tâches administratives…

Il est irréaliste d’espérer que l’entrepreneur puisse de surcroît consacrer toute son attention à la remise à niveau de ses connaissances en matière numérique, pour s’adonner par exemple à du marketing digital.

Relire par ailleurs l’article publié suite à l’étude de l’AdN sur la “transformation numérique” des PME et entreprises wallonnes. “Les PME, toujours en quête de formations numériques réellement adaptées”.

Vu sous cet angle, la transformation numérique de petits entrepreneurs reste un concept assez vague et difficile. Ils savent qu’ils doivent se lancer mais ne savent pas comment commencer. Il ne faut pas sous-estimer le fait qu’ils sont souvent seuls devant ce qui est perçu comme un truc en plus.”

Les résultats de l’étude n’ont pas fait émerger de réelle différence de perception, d’attentes ou de connaissances du numérique selon les régions du pays. Une différence toutefois est à relever: “en Belgique francophone, la perception persiste davantage selon laquelle les clients n’attendent pas encore [des entrepreneurs et prestataires PME] des services numériques ou des actions de marketing digital.

En Flandre, 50,81% des personnes interrogées estiment que c’est bel et bien là une attente des clients. A Bruxelles, ce pourcentage n’est que de 28,57%. Et en Wallonie de 16,52%…”

Une aide mal adaptée

Birgit Peeters préconise que les pouvoirs publics changent leur fusil d’épaule en matière de support aux PME et à leur appropriation de solutions numériques. Selon elle, des formations ne suffisent pas et ne trouvent pas réellement de concrétisation au quotidien.

“Des instruments de recyclage ou de formation continue tels que les chèques-formation ou le “KMO-portefeuille” flamand ne sont pas toujours adaptés à ces petites PME.

En Flandre, 48% connaissent par ailleurs mal le système. Et, parmi les 52% qui le connaissent, 40% indiquent qu’il n’est pas adapté à leurs besoins. Une personne interrogée sur trois estime qu’elle n’a pas besoin de formation mais d’une aide concrète, pratique.

L’idée de former les petits entrepreneurs est belle, mais elle apparaît aussi inutile dans de nombreux cas. Même lorsqu’un petit entrepreneur parvient à trouver le temps de suivre une formation, les chiffres indiquent qu’il manque de temps et de moyens pour appliquer immédiatement les connaissances ainsi acquises.

[…] Pour réellement aider nos petites entreprises à combler la fracture numérique, les pouvoirs publics doivent donc investir de toute urgence dans des mesures d’aide pratiques et pas seulement dans les formations.” Rappelons qu’en Wallonie, le concept de “chèque entreprise” est venu compléter celui des “chèques formations”.

Birgit Peeters émet l’idée d’étendre (encore davantage) le principe des chèques-formation à l’assistance pratique. Et à pousser plus loin la simplification administrative. “Le KMO-portefeuille ne porte que sur des formations ou des conseils. Une option serait d’en étendre le catalogue à de l’exécution par des tiers. Cela enlèverait un grand poids des épaules des petits entrepreneurs…”

Birgit Peeters (FCR Media): “L’idée de former les petits entrepreneurs est belle, mais elle apparaît aussi inutile dans de nombreux cas. Même lorsqu’un petit entrepreneur trouve le temps de suivre une formation, le temps et les moyens lui manquent pour appliquer immédiatement les connaissances ainsi acquises.”

Quel rôle pour les pouvoirs publics?

Mais qui peut réellement assumer ce rôle d’assistance pour les petites structures? Les pouvoirs publics? Les fédérations professionnelles?

“Dans le cadre du soutien qu’elles prévoient, les autorités régionales doivent davantage tenir compte des importantes différences qui existent entre PME”, estime Birgit Peeters. “Les besoins et les attentes d’une entreprise individuelle sont différentes de ceux d’une PME de 30 personnes et pourtant les mesures d’aide sont identiques. Il y a là quelque chose qui cloche.

Par ailleurs, les pouvoirs locaux doivent davantage mettre l’accent sur une politique PME. Celles-ci sont l’âme d’une ville, d’une commune. Ils doivent donc organiser des actions et des événements qui braquent les projecteurs sur les commerces locaux. Ils doivent investir davantage dans des communications valables et dans une politique économique locale à la mesure des petits entrepreneurs. En matière de mobilité, de fiscalité locale…

De même, les organisations patronales devraient davantage penser leurs actions en fonction des petits entrepreneurs.”

Mais ces derniers ne doivent pas pour autant rester inactifs. A ses yeux, ils doivent, eux aussi, prendre à leur compte une bonne part de la responsabilité. “Ils ont eux-mêmes un rôle important à jouer. Ils doivent se rendre compte qu’ils peuvent bel et bien faire la différence en procédant à des initiatives numériques relativement modestes. Le marketing digital, par exemple, n’est pas réservé à des acteurs tels que bol.com! Il ne faut pas être un spécialiste du digital pour comprendre ce que recherchent ses clients.

Commencez par être visible et être facile à repérer sur Internet. 65% des petits entrepreneurs ne sont pas présents sur les réseaux sociaux. Bien souvent, les coordonnées de contact ne sont pas à jour. Ou le contenu date de plus d’un an…

Faites en sorte que vos clients puissent prendre rendez-vous en-ligne et communiquer avec vous via Internet. Et n’oubliez pas que les outils adéquats allègent par ailleurs la charge de travail d’un petit entrepreneur.”