Education et numérique: il est temps d’agir

Hors-cadre
Par · 02/03/2018

En conclusion de son étude “Infrastructure, ressources et usages du numérique dans l’éducation en Wallonie et à Bruxelles”, l’AdN formule une série de recommandations ou propositions – “sans préjuger des orientations et politiques menées par les différentes entités [publiques et/ou politiques] concernées”. Pour sa part, Pierre Rion, président du Conseil du Numérique, émet un jugement mitigé sur les progrès réalisés à ce jour…

Des recommandations qui n’ont guère varié et évolué par rapport aux précédentes éditions du Baromètre Education (datant de 2009 et de 2013). Signe que, malgré tout, la situation bien qu’en légère amélioration n’a pas été fondamentalement dynamisée. Seul changement dans l’ordre des recommandations: une inversion – volontaire – entre les deux premières citées, histoire de mieux souligner qu’il ne faut désormais plus tergiverser (trop longtemps) sur ce qui est perçu comme la priorité absolue, et urgente: l’acquisition de compétences numériques par les enseignants.

On verra d’ailleurs en deuxième partie de cet article que Pierre Rion, président du Conseil du Numérique, insiste lui aussi – et lourdement – sur la nécessité des autorités publiques de prendre leurs responsabilités et… le taureau par les cornes.

Les recommandations formulées par l’AdN, elles, se classent en cinq catégories:

  • formation initiale et continue des enseignants
  • infrastructure numérique dans les écoles
  • support technique et logistique
  • accompagnement pédagogique des initiatives
  • collaborations et échanges entre les acteurs de l’éducation

Formation initiale. La formation initiale et continue des enseignants constitue la priorité la plus urgente, soulignent les auteurs du Baromètre. Tout simplement parce que “le sentiment de compétence numérique, tant au niveau des manipulations techniques que des exploitations pédagogiques, reste faible pour une majorité d’enseignants.”

D’où la nécessité d’une adaptation des cursus “de manière disciplinaire et transversale” et de prévoir des mécanismes d’évaluation.

Les formations devraient porter non seulement sur des pratiques pédagogiques davantage axées sur le numérique mais aussi sur un apprentissage des caractéristiques de la littératie numérique et sur une acclimatation à la logique algorithmique.

Infrastructure. L’AdN recommande de poursuivre l’équipement des écoles – en matériels, logiciels, ressources numériques partagées et connexions – et de favoriser la mise en oeuvre de solutions cloud “pour faciliter le partage des ressources créées” (contenus et outils), que ce soit en classe ou en dehors.

Support technique. Les personnes-ressources ne pouvant suffire (et leur nombre ou heures disponibles étant en recul, comme on l’a vu (voir l’article “Education: où en est-le numérique en Fédé Wallonie-Bruxelles?”), l’idée serait d’imaginer un dispositif de services IT mutualisé et de prévoir un helpdesk technique “centralisé et disponible en tout temps.”

Accompagnement pédagogique. “Il est indispensable de mettre à disposition du personnel enseignant des conseillers techno-pédagogiques qui pourront les aider à découvrir les ressources les plus appropriées à leurs disciplines, ainsi que les méthodologies qui permettent d’en tirer le meilleur profit dans leur contexte particulier afin de les épauler dans la conception de leurs dispositifs d’enseignement.”

Collaborations et échanges. Il faut, selon les auteurs du Baromètre, dynamiser davantage les échanges (d’expériences, de conseils, de bonnes pratiques) entre les divers acteurs de l’enseignement, à commencer par les enseignants. Que ce soit en “présentiel” ou via des plates-formes de partage en-ligne “consacrées au numérique éducatif.” Sans oublier – c’est même fondamental – un outil et des pratiques de veille numérique, “vecteur essentiel d’innovation”.

Pierre Rion: “l’urgence d’engagements fermes”

Sans nier les progrès et les signes encourageants qui transparaissent dans les chiffres et constats pointés dans le “Baromètre” Education, Pierre Rion, président du Conseil du Numérique, n’hésite pas à remuer le fer dans la plaie. “Le constat est implacable: les chiffres montrent que tant Bruxelles que la Wallonie sont à la traîne, dans tous les indicateurs. Les outils les plus évolués sont encore largement absents, par exemple les petits robots permettant de s’initier à la programmation. Le codage demeure le parent pauvre.

Quant à l’infrastructure en général, c’est encore la foire à la débrouille avec des établissements qui ont dû financer 50% de leurs matériels pour pallier au manque d’action des Régions.

Du côté des enseignants, l’ordinateur est encore surtout utilisé pour préparer les cours, pas pour l’utiliser en classe.

La formation initiale et continuée des enseignants est encore largement absente des programmes de l’IFC (Institut de la Formation en cours de Carrière).

Pierre Rion: “C’est encore trop souvent la foire à la débrouille.”

La Région wallonne a certes fait des efforts pour l’équipement numérique des écoles et continue de le faire, avec de nouveaux appels à projets mais le problème demeure le budget. La Wallonie consacre 9 millions d’euros par an à l’équipement en matériels, auxquels s’ajoutent 3 millions pour l’encadrement, les installations… Comparé à ce que fait la France avec son programme Collèges connectés [pour le secondaire inférieur], nous consacrons 4 fois moins de moyens.”

Voilà qui l’amène sur un sujet sensible – mais aussi ce qu’il considère comme un souci majeur et une explication malheureuse de la situation actuelle: la dichotomie entre Région et Communauté française. “C’est la Fédération Wallonie-Bruxelles qui est responsable de l’organisation de l’enseignement. La Région wallonne a suppléé à l’action en assurant certains financements mais ce ne peut être un rôle à long terme. On attend par exemple toujours de la Fédération qu’elle désigne des conseillers technico-pédagogiques. On nous les promet maintenant pour septembre. Mais pourquoi cette longue attente?”

Il va plus loin: “Il est temps de refonder l’accord de coopération, qui n’a pas été réactualisé depuis de longues années. Il faut qu’enfin, des engagements fermes, chiffrés, accompagnés de KPI, soient pris par la Fédération Wallonie-Bruxelles et que la Wallonie suive en les déployant.”