Education: où en est-le numérique en Fédé Wallonie-Bruxelles? (2ème partie)

Pratique
Par · 01/03/2018

Au-delà l’équipement en numérique, où en sont les usages (élèves et enseignants) et la stratégie des établissements? Voici quelques odagonstats posés par l’étude “Infrastructure, ressources et usages du numérique dans l’éducation en Wallonie et à Bruxelles” publiée par Digital Wallonia.

– 40% des enseignants disent avoir déjà utilisé le numérique en classe.

– Les plus avancés ou assidus dans leur utilisation sont les enseignants du secondaire ordinaire et de promotion sociale.

– “Dans les écoles, la gestion des équipements numériques est régulièrement laissée aux bons soins des enseignants utilisateurs avec, dans certains cas, l’aide de “personnes-ressources TIC” dotées de compétences techniques plus pointues et chargées de façon officielle ou simplement informelle de la gestion des équipements.”

Mais cette présence de “personnes-ressource” est loin d’être généralisée. Le Baromètre relève ainsi que deux-tiers des établissements “n’affectent aucun crédit temps officiel à une telle personne-ressource pour lui permettre d’assister ses collègues.”

Pire… “La comparaison avec les observations effectuées en Wallonie en 2013 montre que la présence de ces personnes-ressources TIC s’est réduite globalement, passant de 40% à 34%, et ce, pratiquement à tous les niveaux.”

La raison? Pour André Delacharlerie, co-auteur de l’étude pour l’AdN, il ne faut pas en conclure qu’un support technique deviendrait moins nécessaire mais plutôt le signe que les heures que les directions d’école octroient pour ce genre d’activités de support se font plus rares. “Il y a clairement un resserrement des disponibilités d’heures. Tellement de choses sont nécessaires au sein des écoles que les heures disponibles restantes, pouvant être affectées à du support technique numérique, sont de moins en moins nombreuses.”

Notons par contre que, parallèlement à ce profil de “personne-ressource”, plutôt technique, 25% des établissements ont désigné un animateur TICE, “responsable de faciliter et de guider les usages pédagogiques du numérique par les enseignants.” Et, dans ce domaine, les indicateurs (en Wallonie) sont légèrement en hausse, estime le rapport.

“48% des personnes chargées de l’animation TICE ont reçu une formation spécifique pour cette tâche.”

Les établissements scolaires ont-ils élaboré une “stratégie” numérique?

La question n’est pas anodine, dans la mesure où “le Pacte pour un Enseignement d’Excellence prévoit que chaque établissement constitue un plan de pilotage définissant sa stratégie dans différents domaines, dont celui du numérique.”

Résultat constaté dans les réponses données lors de l’enquête? “40% des établissements ont inclus une mention explicite du numérique dans les méthodes pédagogiques préconisées dans leur projet d’établissement.”

Une “mention explicite”, c’est-à-dire? Il semble que l’on soit encore loin d’une réelle formalisation et mise en oeuvre. “Les processus d’élaboration de la stratégie numérique ne sont encore guère avancés, avec 15% d’établissements qui se disaient déjà prêts au cours de l’été 2017 et 43% qui comptent terminer ce travail avant fin 2018. Il n’en restera pas moins que 41% ne semblent pas encore avoir pris de dispositions en ce sens.”

Un point-clé sera bien entendu l’assimilation de compétences numériques. Face à un monde en mutation profonde, aux manières nouvelles de se confronter et de manier l’information, aux profils professionnels sans cesse changeants, l’apprentissage de nouvelles compétences et attitudes est indispensable. Les établissements d’enseignement y sont-ils préparés, sont-ils prêts à évoluer dans leurs méthodes?

Réponse de l’étude: “Un cinquième des établissements avaient, à l’été 2017, inscrit explicitement l’éducation aux compétences numériques dans le projet d’établissement. En Wallonie, cette proportion atteint pratiquement le quart des établissements, tandis qu’à Bruxelles, elle excède à peine le dixième des institutions. En Communauté germanophone, par contre, ces compétences sont d’ores et déjà référencées par près des deux tiers des écoles.”

Quelles compétences numériques sont enseignées au cours (cours général ou spécifique)?

“Le niveau global d’intégration des compétences dans les cursus suivis par les élèves dans nos deux régions est encore très limité”, lit-on dans le rapport.

“Comprendre et exploiter Internet” est la compétence la plus diffusée (54% des écoles au total), suivie à peu près à égalité par “Maîtriser les applications bureautiques” (42%) et “Protéger sa vie privée sur le Web” (45%).

Les compétences axées sur la créativité, telles que “Produire du contenu sur le Web” (23%) et “Créer des programmes (codage)” (10%) sont, aujourd’hui encore, fort peu enseignées dans nos écoles.”

Les cinq compétences-clé à acquérir pour une maîtrise du numérique.

Ressources en ligne mises à disposition

Les établissements scolaires disposent-ils ou ont-ils développé par exemple des plates-formes ENT (espaces numériques de travail) ou LMS (learning management systems)? Et quel usage en font-ils (gestion des données administratives ou partage de ressources pédagogiques)?

Trouve-t-on beaucoup d’implémentations de Claroline, Menteos, Fronter ou autres Moodle?

“Ces plates-formes sont surtout d’usage en promotion sociale [notamment les LMS Claroline et Moodle]. Ils sont aussi présents de façon grandissante dans les écoles secondaires. Ils sont par contre encore fort peu présents dans les écoles fondamentales et spécialisées.”

82% des établissements du fondamental n’utilisent aucun ENT ou LMS. Le chiffre est de 67% pour l’enseignement spécialisé, de 36% en promotion sociale et de 33% au secondaire.

Défis et perspectives

Quel est le hit-parade des défis (perçus ou réels), des difficultés et obstacles relevés par les établissements et les enseignants?

Côté technique, le manque de compétences pour gérer les équipements arrive largement en tête, avec une moyenne trans-régionale ou trans-communautaire de 66% (ceux qui s’en plaignent le plus sont les établissements de la Communauté germanophone, avec 83% des réponses).

Suit, en deuxième position, le manque d’équipements – ordinateurs ou tablettes (moyenne de 51%). La mauvaise qualité ou la mauvaise performance des connexions Internet se classe 5ème avec une moyenne de 29%. Preuve en creux, sans doute, que les usages ne sont pas encore réellement intensifs ou gourmands…

 

Côté pédagogique, c’est le manque de formation des enseignants aux usages (pédagogiques) du numérique qui est surtout pointé du doigt: pas moins de 83% de signalement dans les réponses.

Suivent dans l’ordre:

  • manque de ressources numériques accessibles, adaptées aux programmes: 53%
  • manque d’applications conçues pour l’usage en classe: 33%
  • faiblesse ou inexistence des plus-values pédagogiques du numérique: 14%
  • manque de respect de la charte des usages par les élèves: 9%
  • parcellisation des savoirs: 8%
  • autres: 12%.

Parmi ces “autres” freins et difficultés, ceux cités assez régulièrement – et spontanément – par les enseignants sont “un manque d’utilité” perçue et une déficience des connexions Internet et Wi-Fi.

Usages pédagogiques

Le Baromètre Education consacre aussi un large chapitre pédagogiques. Tant ceux des enseignants que ceux des élèves. A l’école et en dehors de l’école (pour les profs, pour préparer leurs cours, par exemple). Quels outils (logiciels, matériels, réseaux sociaux, ressources diverses…) sont utilisés, à quelles fins…

Parmi les constats que nous pointerons ici (mais, une fois de plus, nous vous renvoyons aux détails de l’étude publiés en ligne sur le site de Digital Wallonia):

  • “l’usage de l’ordinateur et d’Internet par l’enseignant s’est renforcé depuis 2013: quatre enseignants sur cinq utilisent chaque semaine Internet pour la préparation des leçons”
  • “les usages en classe, par contre, montrent peu d’évolutions significatives, hormis l’exploitation des ressources en ligne qui passe de 13 à 18%”
  • “la communication avec les élèves s’est aussi renforcée, passant de 6 à 10%.”
  • les plus adeptes d’applis numériques en classe sont les enseignants opérant en promotion sociale, devançant leurs homologues du secondaire et, plus loin dans le classement, ceux du fondamental.

De quels outils, ressources ou applis parle-t-on?

“Il apparaît assez clairement que les applications les plus utilisées en classe (ressources en ligne, logiciels de présentation et de traitement de texte) sont largement orientées vers la consommation de contenus par le groupe de la classe en entier, tandis que les outils propres à impliquer chaque élève dans la construction des savoirs et dans la collaboration (logiciels de mind mapping, ENT/LMS, logiciels spécifiques pour l’éducation, outils collaboratifs, réseaux sociaux orientés éducation, etc) restent (nettement) moins souvent utilisés.”

Pour un commentaire de l’AdN par rapport à ce constat, nous vous renvoyons à cet autre article.

 

Qu’en pensent les enseignants?

Quels avantages les enseignants voient-ils dans le recours au numérique en classe et dans les pratiques pédagogiques. L’enquête menée par l’AdN leur a proposé de piocher parmi 18 avantages prédéfinis. L’illustration ci-dessous en donne la synthèse.

 

Quelles sont les indications les plus manifestes qu’en retirent les auteurs du Baromètre?

  • Plus des trois-quarts des enseignants (79%) estiment que “le numérique ne permettra pas de réduire le nombre d’élèves en échec”.
  • Les enseignants ne sont par ailleurs guère convaincus que le numérique rende l’appropriation  plus durable ou favorise le développement de l’esprit critique des élèves. Sur ce dernier point, les pour et les contra sont quasiment à égalité mais – autre indication importante -, 56% des enseignants disent regretter le manque d’esprit critique de élèves face aux informations puisées sur Internet.
  • Par contre, ils sont 68% à considérer que le numérique permet de mieux comprendre concepts et matières.
  • Autres bénéfices assez largement reconnus: une plus grande motivation et implication des élèves et du gain du temps en classe. Par contre, les enseignants qui ont recours au numérique font le constat qu’il ne leur permet pas de gagner du temps en préparation alors que c’est justement là l’un des grands espoirs de ceux qui ne s’y sont pas encore lancés (mais l’envisagent).

 

Si vous désirez en apprendre plus sur les constats, voire recommandations, du “Baromètre Education”, tous les chiffres (par niveau et type d’enseignement) et observations des auteurs de l’étude sont disponibles via le site de Digital Wallonia.

__________________

Méthodologie de l’enquête “Baromètre Education”

Récolte des réponses, via Internet et téléphone: septembre 2017.

Pour les besoins de son Baromètre, l’AdN a sollicité l’ensemble des établissements scolaires (fondamental, secondaire, spécialisé et promotion sociale) de la Fédération Wallonie-Bruxelles. 2.066, soit près de 72% du total des établissements scolaires des deux systèmes éducatifs, ont répondu; 3.166 inventaires d’implantations (70% du parc total) ont été réalisés.

Les informations qui ont été sollicitées de la part des directions d’établissement ont porté à la fois sur “la vision de la Direction relative au numérique, aux formations organisées, au site web, aux outils globaux mis en place, [ainsi que] sur l’inventaire des équipements numériques disponibles, la description de la connexion Internet.”

Côté enseignants (maternel, primaire et secondaire; enseignement ordinaire, spécialisé et de promotion sociale), l’étude a récolté des informations auprès de 2.585 personnes (60% des réponses étant encodées en ligne directement par les enseignants et 40% obtenues par téléphone).

Répartition: 1.804 réponses d’enseignants travaillant dans la partie francophone de la Wallonie, 564 travaillant à Bruxelles (soit 2,6% de la “population” enseignante en Fédération Wallonie-Bruxelles), et 216 d’enseignants germanophones (11% de la Communauté germanophone).