AI 4 Belgium (5). Le retour du national?

Hors-cadre
Par · 26/03/2019

Il y a, dans les déclarations des personnes qui constituent le “think tank” AI 4 Belgium, et dans la manière d’envisager l’enjeu de l’IA, un changement de tonalité par rapport à ce qui fait la réalité belgo-belge depuis des décennies. A savoir: le message clairement affiché que toute initiative, toute politique, toute stratégie n’aurait aucun sens si on s’en tient à la fragmentation qui prévaut en nos terres.

L’action doit être “nationale”. Pas fédérale. Pas “centrale + régionale”. “Na-tio-na-le”.

La “plate-forme” AI 4 Belgium, soulignait ainsi Philippe De Backer, actuel ministre fédéral chargé de l’Agenda numérique, doit être l’ambassadeur de la Belgique en matière d’IA. Tant au niveau européen que mondial.

Ferdinand Casier, responsable Digital Industries chez Agoria: “La scène belge est trop fragmentée. AI 4 Belgium est certes une initiative du niveau fédéral mais il faut une interaction forte avec les Régions. Par ailleurs, pour être pertinent au niveau européen, il faut un “label” belge pour exister sur la scène IA internationale.”

Déclaration quasi-copie conforme dans la bouche de Nathanaël Ackerman (AI 4 Belgium, Hub France IA): “Ce qu’il faut concrétiser aujourd’hui, c’est de rassembler tout le monde. C’est important pour la visibilité internationale et pour l’internationalisation des potentiels, notamment pour les start-ups. AI 4 Belgium doit être la voix de la Belgique à l’international, rassembler tous les acteurs autour de thématiques, tant horizontales que verticales.”

L’union de toutes les forces

Voilà pourquoi, dans les recommandations du groupe d’experts, on retrouve également les notions de “hub”, de “plate-forme” où tous – académiques, PME, grands comptes, acteurs publics, start-ups, gouvernements fédérés… – doivent avoir leur place.

L’un des tout premiers chantiers que conseille IA 4 Belgium est de répertorier les ressources, compétences, profils… et ce, de manière centralisée, à l’échelle du pays. “Il n’existe pas de hub national à grande échelle en Belgique, pour concrétiser les efforts et offrir un one stop shop pour toutes les informations sur l’IA belge. Ce hub belge devrait pouvoir réunir les fournisseurs de technologies, les entreprises, les chercheurs universitaires et le gouvernement, être construit en collaboration avec les meilleurs experts belges en IA.

[…] Une telle coopération opérerait également comme interface entre les communautés IA belges et étrangères. […] Le projet de l’Europe d’investir dans les “Digital Innovation Hubs” offre une opportunité à saisir des deux mains.”

La désunion endémique nationale est également un désavantage et un non-sens en termes de masse critique en recherche, estime le rapport. “Pour positionner la Belgique en tant que laboratoire IA de l’Europe [notamment pour des projets-pilote exploitant certaines dispositions liées au RGPD], nous devons augmenter l’échelle et la portée de nos laboratoires de recherche. Nous avons des chercheurs de renommée mondiale et nos universités rayonnent malgré leur petite taille. Cependant, notre manque de coopération et de portée limitent l’attractivité pour les pays étrangers. Nous proposons donc de mettre en place une confédération belge de laboratoires IA et d’encourager davantage la coopération (entre eux eu avec ds partenaires industriels).”

Dans le même ordre d’idées, la création d’un “institut belge d’IA”, éventuellement copié sur le modèle de l’Alan Turing Institute britannique, permettrait de “co-organiser [entre chercheurs et industrie] des projets ambitieux à grande échelle, avec des acteurs publics et privés, résultant dans des applications concrètes et des approches plus expérimentées qui stimulent la capacité d’innover.”

AI 4 Belgium: “Pour obtenir un impact transformatif, il faut développer une vision commune. Cela implique notamment une coopération entre nos régions et le niveau fédéral.”

Autre raison invoquée pour raisonner davantage à l’échelle du pays tout entier: une nécessaire harmonie et cohérence juridique et/ou réglementaire. Au-delà d’une approche trans-sectorielle, le rapport d’AI 4 Belgium souligne que “certains aspects juridiques dépassent les questions sectorielle. Pour cette raison, une approche nationale, trans-sectorielle et multi-disciplinaire est nécessaire.” Avec, bien évidemment, une extrapolation de l’approche à une dimension européenne et internationale “pour que les applications IA développées en Belgique soient facilement exportables.”

Qu’il s’agisse du pool d’experts pouvant accompagner les entreprises, en matière technologique ou métier, la dimension conseil et guidance éthique doit également être prise en compte au niveau national.

La taille critique viendra aussi de la dimension nationale lorsque l’on se place sous l’angle des réservoirs de données (ouvertes) à exploiter. Le groupe de réflexion recommande par exemple la mise en oeuvre d’une “plate-forme belge indépendante de partage des données” ou encore l’établissement de normes communes. Or, on sait combien les approches en termes de licences ou de gratuité/monétisation des open data peuvent être disparates en Belgique.