Traçabilité pharmaceutique: de nouvelles solutions pour alléger le processus anti-contrefaçon

Pratique
Par · 17/02/2020

Adoptée en février 2019, la directive FMD (Falsified Medicine Directive) vise à lutter contre la commercialisation et la distribution de médicaments contrefaits. Que prévoit-elle? Notamment l’apposition sur l’ensemble des conditionnements de médicaments vendus sous prescription “d’un code unique et d’un dispositif anti-effraction (anti-tampering device, ATD)”.

Le but est à la fois de faciliter le suivi de la chaîne logistique et la vérification d’authenticité du médicament et d’intégrité de la chaîne, et ce en divers points de cette chaîne. Tous les fabricants sont obligés d’insérer quatre éléments d’information sur les emballages: l’identifiant du produit, son numéro de série, le numéro de lot et la date de péremption, le tout enregistré dans un code GS1 DataMatrix bi-dimensionnel. De manière optionnelle, chaque Etat de l’Union a la possibilité d’imposer également l’insertion du numéro de remboursement national afin de faciliter le remboursement des médicaments par la sécurité sociale.

L’importance du trafic de médicaments donne le tournis. Des chiffres publiés par Ernst & Young évaluent la valeur de la contrefaçon à près de 200 milliards de dollars à l’échelle mondiale, soit près de 10% du marché global. En Europe, la perte pour l’industrie pharmaceutique représenterait 1% de son chiffre d’affaires.

Le code GTIN (Global Trade Item Number) vise donc à identifier, individuellement, chaque conditionnement. Il se compose de 14 chiffres et fait partie du code-barres bi-dimensionnel apposé sur l’emballage du médicament.

Les codes sont enregistrés dans un répertoire central européen (système européen de vérification des médicaments, ou EMVS), qui transmet l’information aux différentes bases de données nationales (NMVS). Cela permet aux différents acteurs de la chaîne logistique pharmaceutique, en ce compris les pharmacies (hospitalières ou aux officines desservant la population, de vérifier la légitimité et l’authenticité du médicament avant toute utilisation ou mise en vente.

Zetes, société basée à Bruxelles, spécialisée dans les solutions d’identification et de traçage de biens et de personnes, a développé une solution pouvant permettre aux acteurs de la chaîne de distribution de médicaments – fabricants, distributeurs, destinataires finaux – de respecter les dispositions sécuritaires de cette directive.

Simplifier un processus lourd

Avant toute délivrance mais aussi avant tout exportation en dehors des frontières de l’Europe, chaque boîte doit être “décommissionnée” (vérification et radiation ou désactivation du code unique) via lecture du code par un dispositif de scanning qui transmet l’information à la base de données centrale, où la boîte en question sera dès lors considérée comme radiée et ne pourra plus être réinsérée dans la boucle de commercialisation.

Cette opération de décommissionnement est effectuée, selon le cas, par les hôpitaux ou par les distributeurs ou répartiteurs (lorsque les destinataires sont par exemple les vétérinaires ou des organismes habilités à délivrer des médicaments en leur sein – exemple: l’armée).

Ces dispositions impliquent bien évidemment un nombre non négligeable d’actions et de manipulations, que ce soit par les distributeurs ou les dispensateurs finaux. Décommissionner chaque emballage ou conditionnement peut s’avérer plus que fastidieux. Voilà pourquoi, un processus d’agrégation a été autorisé. Désormais, un lot de médicaments (par exemple, une palette complète de boîtes) peut se voir attribuer un code “parent” unique, dont relèvent de manière agrégée les articles “enfants” constituant le lot.

Source: Zetes

C’est là qu’arrive Zetes et une solution de décommissionnement agrégé. La société propose en fait trois produits: Atlas, destiné aux fabricants ; Medea, solution de terminal mobile embarquant une application pour scanning, authentification et décommissionnement des envois ; et Olympus, logiciel qui se charge de l’opération de transfert de données vers la base de données nationale NMVS (placée, en Belgique, sous la responsabilité de MeMVO – Belgian Medicines Vérification Organisation).

La solution Medea se compose en fait de deux éléments. D’une part, un terminal mobile mais aussi un système fixe permettant le scanning des boîtes et lots (Zetes se fournit en terminaux auprès de plusieurs fournisseurs) et, d’autre part, un volet back end, chargé notamment de générer des rapports FMD.

Lors de la constitution d’une palette, expédiée à un distributeur ou à un hôpital destinataire, le fabricant communique à ce dernier le code-“parent” qui agrège la totalité des codes des boîtes constituant la palette. Seule restriction: la composition du “lot-parent” doit être homogène (pas de  “mix & match” de plusieurs types de médicaments).

“Le contrôle est en réalité triple”, souligne Edouard Dumortier, responsable du développement commercial pour la division Solutions logistiques de Zetes. “On vérifie si le nombre de boîtes correspond. L’intégrité de la palette est par ailleurs contrôlée, afin de détecter tout dégât ou tentative de manipulation. Enfin, un contrôle statistique est effectué. Mais ce principe de décommissionnement agrégé représente un gain de temps sensible.”

Argument n°1: gagner du temps

Dès l’entrée en vigueur de la directive, distributeurs, répartiteurs et dispensateurs finaux de médicaments ont bien évidemment dû se mettre en règle par rapport aux dispositions FMD. Les logiciels de gestion de pharmacie (hospitalière), tels ceux proposés par Xperthis et InfoHos ont proposé une solution. Côté équipements de suivi et de décommissionnement, des fournisseurs tels que Zetes ou Phi Data ont eux aussi lancé des solutions de scanning, de suivi et de transfert.

Les solutions Atlas, Medea et Olympus de Zetes n’ont rien de nouveau à cet égard. Là où Zetes espère reprendre une longueur d’avance, c’est dans l’offre de cette fonctionnalité de décommissionnement groupé.

Source: Zetes

 

Pour l’heure, aucun distributeur ou hôpital belge, client (ou prospect) de Zetes, n’a encore sauté le pas mais des discussions sont en cours, assure Zetes. “Nous n’en sommes encore qu’au début de notre démarchage commercial pour ce type de solution”.

La société souligne, au passage, que les hôpitaux “qui ont déjà développé leur propre solution en interne ou qui se sont tournés vers un tiers ont la possibilité peuvent intégrer notre solution avec les logiciels existants grâce à nos API standard. Les hôpitaux peuvent très bien avoir une solution d’exécution autre que celle que nous proposons pour le décommissionnement (Medea) et quand même avoir besoin de notre solution Olympus pour l’échange de données avec BeMVO.”

Qu’en dit-on par exemple chez InfoHos, concepteur d’une solution de gestion pour pharmacie d’hôpital (et actuellement engagé dans des négociations pour un rapprochement stratégique avec Xperthis)? “En Belgique, nous ne travaillons pas encore avec des codes-barres agrégés, contrairement à la France, par exemple, où cette manière de travailler existe déjà. Ils utilisent une tierce partie qui effectue l’agrégation des conditionnements individuels pour les hôpitaux.”

Mais d’ajouter: “si les hôpitaux (belges) désirent travailler avec des codes-barres agrégés, il va de soi que nous prendrons immédiatement les mesures nécessaires pour intégrer ce processus dans Infohos Pharmacie. Cela pourrait leur permettre de réaliser un gain d’efficience considérable puisqu’ils n’auraient plus à traiter les conditionnements individuels.”

Source: Zetes

La société estime toutefois que le principe du décommissionnement groupé, via code-barres agrégé, n’est pas la seule solution possible pour simplifier le processus: “si les fournisseurs étaient en mesure de fournir, lors de la livraison, un fichier électronique comprenant toute l’information code-barres, cette information pourrait déjà être téléchargée sans problèmes, aujourd’hui, dans Infohos Pharmacie.”

Chez Xperthis, qui a développé une solution conforme FMD en collaboration avec Phi Data, le discours est encore plus prudent par rapport au décommissionnement groupé, la société alléguant que le marché, en Belgique, n’est pas encore prêt: “Le décommissionnement groupé de médicaments (par lots ou palettes de médicaments)  sur base d’un code-barres agrégé n’est pas encore en place. C’était une demande des hôpitaux depuis le début de la directive européenne FMD.

En ce moment, le secteur pharmaceutique ne dispose pas encore cette fonctionnalité. Le BeMVO nous a confirmé que le code-barres agrégé est à l’étude. Le BeMVO parle d’une mise en place au plus tôt à partir de 2022 mais ce n’est pas encore confirmé.”

La pratique du décommissionnement par emballage individuel demeure donc la norme pour l’instant. En précisant toutefois qu’“un groupe de travail avec les hôpitaux est en place et a pour objectif de suivre et de formuler des propositions, en fonction des évolutions en matière de besoins, d’outils, de nouvelles technologies et d’innovation pouvant apporter une valeur ajoutée.”