DIH Industrie 4.0 wallon? Le dossier attend le feu vert de l’Europe

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Par · 16/03/2021

Source: Made Different, Digital Wallonia.

Commençons par un petit rappel: les DIH – (European) Digital Innovation Hubs – tels qu’imaginés à l’échelle de l’Europe (chaque pays ou région aura un ou plusieurs DIH appelé(s) à tisser si possible des liens avec d’autres DIH) seront des centres de compétences opérant comme structures d’aide et de soutien aux entreprises, en particulier aux PME, afin de les assister et guider dans l’amélioration de leurs processus d’entreprise et de production et celle de leurs produits et services grâce aux technologies numériques.

Nous vous avons déjà parlé, dans un précédent article, de l’autre projet de DIH wallon, dédié au monde de la construction. Tournons-nous ici vers le projet visant l’industrie manufacturière.

Quel est le fil rouge ou, plus exactement, quelles sont les spécificités et arguments que le projet de DIH Industrie 4.0 wallon met sur la table pour espérer être retenu – et co-financé (à hauteur de 50%) – par l’Europe? Etant entendu que le thème de l’“industrie 4.0” est particulièrement populaire et se retrouve au coeur d’autres propositions?

Le consortium d’acteurs qui s’est formé autour de ce projet (voir notre encadré ci-dessous) parie sur le scénario suivant: favoriser, voire accélérer, la transformation numérique des entreprises manufacturières wallonnes, en particulier donc les petites structures, via l’appropriation de quatre technologies-clé. A savoir, l’Intelligence Artificielle, l’Internet des Objets (IoT), la cyber-sécurité, l’informatique hautes performances (HPC), auxquelles vient s’ajouter – et c’est là l’un des éléments différenciateurs dont se prévalent les partenaires – la dimension logistique. Leur raisonnement: “La transformation numérique ne s’arrête en effet pas aux murs d’une entreprise, à ses processus de production mais englobe également ses flux entrants et sortants et la chaîne logistique proprement dite.”

Pour Anthony Van Putte, directeur général du pôle Mecatech, c’est aussi l’opportunité d’établir une connexion plus forte entre projets et opportunités industrie 4.0 / chaîne logistique 4.0 “et procurer un accompagnement complet aux entreprises de la région, le DIH servant de point d’entrée unique. Le but est de s’en servir pour créer une plus forte synergie entre centres de recherche afin qu’ils mettent davantage en commun leur expertise, notamment dans le cadre des démonstrateurs.”

Les partenaires du projet DIH Industrie

Les pôles de compétences Mecatech et Logistics in Wallonia.
Idelux, via son partenariat avec l’Agence Spatiale européenne pour la mise en oeuvre du centre d’excellence Space Cyber Security de Redu qui se profile comme un centre d’expertise et de prestation de services, à l’échelon européen, dans le domaine de la cybersécurité spatiale. Quelle relation, direz-vous, entre espace et industrie? Hormis le fait que l’espace est – aussi – une composante de l’industrie, “les problématiques de cybersécurité sont largement transversales aux deux secteurs”, estime Jean-François Delaigle (Sirris).
Les centres de recherche Multitel, Cetic, Cenaero et Sirris, avec leurs compétences à la fois spécifiques, complémentaires et chevauchantes. Multitel: traitement de l’image, AI, cyber-sécurité. Cetic: IoT, simulation, cyber-sécurité, digital twin. Cenaero: HPC, simulation, digital twin. Sirris: industrie 4.0, AI, cyber-sécurité.
L’AdN et Agoria, ce dernier opérant comme coordonnateur du projet et du consortium et assurant également le relais vers les centres de compétence afin de satisfaire au volet Formations qu’implique tout projet DIH. 

 

Catalogue de services

Les Digital Innovation Hubs ont plusieurs missions: sensibilisation et accompagnement [des entreprises], démonstration concrète de la pertinence des technologies numériques, formation et développement de compétences, maillage ou formalisation d’un écosystème d’innovation, aide à la recherche de financements pour les projets de transformation numérique.

Il reviendra notamment au Sirris, en tant que coordinateur des quatre centres de compétences impliqués dans le projet, de faire à la fois office de relais et d’activateur de formations pour les entreprises et de relais de bonnes pratiques déjà développées et mises en pratique au sein de “hubs” similaires, existant déjà dans le paysage belge, notamment en Flandre du côté de l’IMEC.

“Le catalogue de services sera évolutif dans la mesure où les compétences nécessaires en matière d’industrie 4.0 évoluent ou émergent rapidement. Nous devons par ailleurs nous concentrer sur nos points forts – simulation et HPC au Cenaero, cybersécurité au centre ESA.… D’où l’intérêt de collaborer étroitement avec d’autres DIH européens”, souligne Jean-François Delaigle, responsable Business Development au Sirris.

Au-delà du processus de “maturation” en appropriation de technologies et en renforcement des compétences et capacité d’innovation intra-wallonnes, le but que cherchera à concrétiser le DIH wallon Industrie 4.0 sera donc “de structurer les acteurs et de les connecter au niveau international, via les interconnexions qui se concrétiseront avec d’autres DIH”.

 

Anthony Van Putte (Pôle Mecatech): “La clé, c’est de pouvoir combiner offre, demande et compétences. Or, nous avons chez nous clairement des compétences dans le secteur industriel, avec les centres de recherche mais aussi avec des acteurs tels que i-care, Technord…”

 

Une position que confirme Anthony Van Putte: “Le défi est d’être pertinent [dans ce que proposera le DIH] tout d’abord au niveau régional, pour nos entreprises manufacturières et le degré de maturité numérique qui est le leur et que l’on sait trop faible, afin de les amener à un niveau supérieur. La pertinence, ensuite, se définira dans une optique internationale, avec recherche de compétences auprès d’autres régions.

Comme nous ne sommes pas et ne pouvons pas être compétents dans tous les domaines, il nous faut nous spécialiser dans certains domaines, choisir quelques technologies, afin de faire progresser nos compétences. Il ne s’agit pas forcément d’être hyper-pointus dans telle ou telle technologie mais d’être en mesure de répondre aux besoins des entreprises.”

La crainte, au départ, était d’apparaître comme redondant, aux yeux de l’Europe, en proposant un DIH Industrie 4.0 dans la mesure où cette thématique a été choisie par de nombreux autres pays. “Mais nous nous sommes rendu compte en préparant le dossier que l’un des éléments importants était de s’imbriquer dans un maillage, de jouer la complémentarité et les échanges avec d’autres DIH. Le fait que d’autres hubs Industrie 4.0 soient proposés et existent dans plusieurs pays voisins (France, Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg) ou encore en Flandre, est une opportunité de pouvoir proposer un catalogue de services complet aux entreprises… si l’on réussit à bien cartographier tous les besoins”.

Ce maillage, cette collaboration potentielle avec d’autres DIH européens, sera d’ailleurs sans doute l’un des critères de sélection qu’appliquera l’Europe. Et une chose sur laquelle l’AdN a insisté dans le cadre du montage du dossier: “Il est par exemple important de pouvoir ajouter au dossier de candidature des lettres de soutien venant de potentiels partenaires européens qui s’engageraient à utiliser les services de notre DIH”, déclare par exemple Jessica Miclotte, chef de projet Industrie du Futur à l’AdN.

“Et ce, pour montrer que le DIH wallon s’intègre dans un réseau, qu’il collabore avec d’autres agences de développement économique et centres de recherche ou de compétences dans les régions limitrophes. Avec leur appui, nous serons en effet en mesure d’organiser des ateliers, des démonstrateurs utilisables par des entreprises d’autres pays, d’organiser des événements croisés entre DIH…”

Chaîne logistique, chaîne de valeur

Et une fois encore, les “petits Wallons” espèrent que la carte qu’ils jouent en ajoutant la dimension Chaîne logistique à la proposition sera une carte gagnante… “La crise sanitaire a clairement démontré à quel point il est important pour les entreprises, et en particulier les PME, de pouvoir maîtriser leur chaîne de valeur”, souligne Anthony Van Putte. “Il y a un important travail à livrer pour aider nos entreprises en la matière, afin qu’elles puissent plus facilement “rebondir”, être plus agiles, échanger davantage avec leurs sous-traitants pour en faire de réel partenaires et non plus de simples sous-traitants au sens habituel du terme.

Il n’est désormais plus possible de définir une stratégie sans s’intéresser à cette chaîne de valeur et sans travailler sur les goulots d’étranglement et les faiblesses. A cet égard, l’Intelligence Artificielle a aussi un rôle à jouer pour la résilience.”

 

Il n’est désormais plus possible de définir une stratégie sans s’intéresser à la chaîne de valeur et sans travailler sur les goulots d’étranglement et les faiblesses.”

 

Autres atouts que les membres du consortium espèrent convaincants: l’existence de plusieurs démonstrateurs industriels (chez Technifutur, Technocampus, A6K-E6K), la création récente de l’Institut TrAIL (Trusted AI Labs) et les interactions qui seront orchestrées avec lui, ou encore d’autres initiatives et projets récents qui viennent utilement compléter le puzzle – tels que la future Digital Twin Academy