CATch: les premiers projets pour une revitalisation numérique à Charleroi

Article
Par · 13/12/2017

Au printemps, suite à l’onde de choc de la fermeture de Caterpillar, la ville de Charleroi, supportée par le gouvernement wallon, dégainait un plan de reconversion, voire de mutation, économique pour la région. Objectif de ce “plan CATch” (CATalyst for Charleroi): réorienter acteurs et compétences vers les métiers de demain. Quatre domaines-clé ont ainsi été identifiés: créativité et numérique, aéronautique et logistique, santé et bio-sciences, fabrication de pointe. Relire l’article publié lors de l’annonce du plan CATch.

Une équipe a été constituée pour identifier des axes porteurs, initier et coordonner des projets et jouer les facilitateurs afin d’impliquer des partenaires pertinents. De premiers projets prioritaires ont ainsi vu le jour. Dans l’axe “créativité et numérique”, trois axes d’actions prioritaires ont été balisés: formation aux compétences numériques; renforcement de l’infrastructure et attraction d’acteurs de référence; transformation numérique des PME locales.

Former…

Pas de reconversion possible vers le numérique et ses multiples potentiels (métiers, innovation, processus…) sans donner un sérieux coup de pouce du côté des compétences. Et cela, pour toutes les tranches d’âge: les jeunes encore aux études, les chercheurs d’emploi, les personnes actives mais ayant besoin d’étoffer leurs aptitudes…

Cette évidence, l’équipe CATch veut l’attaquer de front en priorité. D’autant plus que le réservoir de ressources humaines locales ayant un tel bagage est sans doute encore plus limité que dans d’autres régions du pays. C’est d’ailleurs là un constat général qui avait été posé suite à la disparition de Caterpillar: une grande proportion de personnes employées dans les industries de pointe de la région de Charleroi ne sont pas originaires de la ville. Pour revivifier le terreau local, c’est donc une véritable guerre des talents qu’il faut mener…

Dans le champ du numérique, l’acquisition de compétences passera par une série d’initiatives visant divers publics. La première à voir le jour sera l’école BeCode.

Tranches d’âge concernées: à partir de 18 ans. Le public visé est en priorité les jeunes en décrochage, non seulement scolaire mais aussi social – ceux que l’on désigne désormais sous l’acronyme “NEET” (Not in Education, Employment or Training) -, ainsi que les demandeurs d’emploi.

Contenu des formations: apprentissage des compétences en programmation et développement Web et mobile, développement de l’esprit d’entreprise et développement personnel.

Durée: 6 mois, selon un cursus à temps plein, ponctué par un stage en entreprise d’une durée minimale d’un mois.

La méthode pédagogique appliquée par BeCode a été développée par Simplon, école de codage française, et est basée sur le principe du coaching individuel, du travail en mode projets et de la responsabilisation de l’apprenant.

Aucun pré-requis (connaissances, diplôme…) n’est nécessaire pour suivre une formation BeCode mais une sélection des candidats apprenants se fait malgré tout en amont et de manière un peu particulière. Pour être retenus, les candidats doivent en fait démontrer leur motivation. Pour ce faire, ils doivent suivre plusieurs tutoriels en-ligne (via le site de la Code Academy). “Ces tutoriels et les badges qui sont à la clé ont un double but”, explique Thomas Thewissen, coordinateur de l’axe numérique et créativité au sein de l’équipe CATCh. “Prouver leur motivation et commencer à programmer pour déterminer si c’est là quelque chose qui leur plaît vraiment.” S’ensuit une rencontre en présentiel d’un ou deux jours pendant lesquels des activités de groupe sont organisées, en présence du jury. “Le but est de constituer une classe de 25 personnes ayant une bonne cohésion et mêlant des backgrounds divers.”

Les candidats non retenus seront quant à eux orientés vers d’autres filières ou acteurs de formation, notamment vers Technofutur TIC.

Démythifier le numérique

Si BeCode a donc trouvé, à Charleroi, un nouveau point de chute (après une première initiative à Bruxelles), c’est parce que l’équipe CATch a jugé la démarche intéressante et potentiellement fructueuse. “Nous ne voulons pas réinventer la roue”, souligne Thomas Thewissen, “mais plutôt nous tourner vers des partenaires qui ont déjà déployé avec succès des initiatives ailleurs.”

Les “coding clubs” Epitech? Une approche ludique et collaborative pour démythifier la programmation.

Cette recherche de partenaires a déjà mené l’équipe CATch vers un autre acteur avec qui un autre projet verra le jour en janvier et février 2018. Il s’agit en l’occurrence de l’école d’informatique Epitech, d’origine française, avec laquelle des sessions de sensibilisation seront organisées à destination des jeunes de 16 à 18 ans. Objectif: susciter des vocations, démythifier le numérique.

Le moyen? Des après-midis de type “coding clubs”, organisées en collaboration avec la cellule gaming du Quai 10, au cours desquelles les jeunes seront sensibilisés et formés à la programmation de jeux vidéo. Originalité: les formations seront données par des étudiants en fin de master d’Epitech.

D’autres partenaires sont recherchés pour d’autres activités de formation et/ou de sensibilisation. Rien n’est encore confirmé mais une source d’inspiration pour Charleroi pourrait être l’initiative bruxelloise Capital Digital qui s’adresse aux plus jeunes (7-9 ans) et vise à leur apprendre à s’initier à la programmation de façon ludique, dans le cadre de camps de vacances. Relire l’article que nous avions écrit au sujet de cette initiative.

Thomas Thewissen (CATch): “Nous voulons densifier l’offre de formations en compétences numériques, favoriser diverses activités avec des partenaires de qualité, implanter des initiatives qui marchent bien ailleurs.”

Si Charleroi reprend l’idée, la tranche d’âge pourrait être étendue jusqu’à 12 ans et le public visé ne serait pas exclusivement celui de quartiers estampillés “difficiles”. Ce qui séduit potentiellement l’équipe CATch, c’est, ici encore, la méthode choisie: ce sont des adolescents, eux-mêmes formés à la programmation, qui donnent cours aux plus jeunes, avec un encadrement par un adulte. Une manière plus conviviale et efficace (potentiellement) de transmettre des connaissances et de captiver les apprenants… Toujours au conditionnel (puisque rien n’est encore conclu), un projet Capital Digital carolo pourrait être organisé en collaboration avec la Maison des Jeunes et/ou des EPN locaux.

Un autre public est également demandeur de compétences numériques: celui des adultes en général. Pour lui, aucune action n’a encore été mise en oeuvre ou planifiée. L’équipe CATch préfère juger de l’impact des formations BeCode avant d’élargir éventuellement le spectre et de multiplier les programmes de formation. “Nous nous adapterons selon le taux de succès rencontré”, souligne Thomas Thewissen. “Ce n’est pas sans raison que nous avons choisi une démarche agile et pas un macro-plan à 10 ans…”

… Attirer …

Autre levier sur lequel le plan CATch veut agir pour relancer la région carolo sur de meilleures pistes: renforcer l’infrastructure – au sens large. Cela inclut notamment l’équipement de la région en moyens de communication haut débit (fibre optique comprise), l’aménagement d’espaces où des acteurs de référence et de nouvelles sociétés puissent venir s’implanter, la création de sites emblématiques en termes de concentration d’activités numériques…

Le site de l’Ecopôle à Farciennes. Source: Igretec

En la matière, le projet prioritaire qui a été décidé est d’attirer à Charleroi un opérateur majeur de data center. Un site a été identifié pour l’accueillir. En l’occurrence, l’Ecopôle de Farciennes, un site de 150 hectares situé à cheval sur les communes d’Aiseau-Presles, de Farciennes et de Sambreville. Le démarchage d’opérateurs potentiellement intéressés (ou intéressables) a commencé, en liaison avec l’AWEX. Arguments que Charleroi peut faire prévaloir: des terrains disponibles à prix intéressant, bien connectés, la proximité d’une voie d’eau (la Sambre) pour les besoins en refroidissement, une soif croissante des entreprises locales (en ce compris à l’échelle régionale ou nationale) pour une infrastructure d’hébergement de données et de solutions sur le sol national, et une dimension “relocalisation” de services pour l’un ou l’autre géant du cloud désireux de jouer davantage la carte de la proximité…

Convaincre des sociétés, qu’il s’agisse de figures de proue du secteur technologique ou de PME lambda, de venir s’implanter à Charleroi, y générer de nouvelles activités et de l’emploi, passera, aux yeux de Thomas Thewisson, par une image plus positive et dynamique. Tant l’école BeCode, avec ses futurs premiers diplômés, que l’arrivée (espérée) de cet opérateur de data center en sont les deux premiers leviers. “Le but est de donner une image numérique à Charleroi, de faire changer les mentalités. Si les premiers projets ne donnent pas suffisamment de visibilité en ce sens, s’il faut renforcer l’image et si les projets supplémentaires s’avèrent économiquement réalisables, nous en lancerons d’autres.”

Parmi ceux qui sont dans les tiroirs: une mise en valeur des potentiels du numérique qui s’adresserait davantage au grand public. Des projets “Digipolis” orientés tourisme ou espace de démonstration pourraient alors voir le jour.

Un autre levier de visibilité, servant en outre de point d’ancrage bien réel, sera le futur Campus Poly-logique qui réunira plusieurs acteurs de la formation, dans des disciplines variées (programmation, design, arts numériques, formation aux métiers…).

… Transformer

Engager ou accélérer le processus de transformation numérique des entreprises carolo, en particulier celle des PME, voilà un discours qui n’étonnera pas à l’heure où ce concept de “transformation digitale” est devenu le nouveau buzz.

Logique que le plan CATch en ait fait une priorité. Parmi les actions envisagées, voici un bref passage du rapport initial du groupe d’experts: “enclencher la transformation numérique des entreprises de la région en lançant un programme-pilote de digitalisation des entreprises à haut potentiel et en créant une structure de recherche avec une masse critique suffisante dans les technologies du numérique.”

Çà, c’est pour l’objectif global, avec des balises qu’il faudra concrétiser au fil du temps. Mais par quel bout l’équipe CATch prend-elle ce défi?

Une fois encore, le pragmatisme est de rigueur. Commençons par identifier des partenaires pertinents, des initiatives et outils existants pour démarrer. C’est dans cet esprit qu’a eu lieu la première journée de sensibilisation des PME et indépendants, organisée récemment avec Google. 

“Pour les participants, ce fut l’occasion à la fois d’une prise de conscience de l’intérêt du numérique pour leur propre fonctionnement et d’une découverte de certains outils. Avec conseils d’experts à la clé”, indique Thomas Thewissen. “La journée a suscité un réel intérêt, avec plus de 1.000 inscrits et quelque 800 participants. C’est la preuve d’un intérêt certain et cela nous conforte dans notre démarche. Nous allons donc continuer.”

Prochaine étape: s’appuyer sur des outils existants dans le cadre du plan Digital Wallonia, tels que les chèques-entreprises dédiés à la transformation numérique (DGO6) et l’outil de diagnostic de maturité numérique (AdN), pour imaginer des sessions d’information d’un genre nouveau. L’un des scénarios envisagés (non encore réellement décidé) serait des sessions d’accompagnement de PME, organisées en petit comité (une vingtaine de sociétés) et par secteur au cours desquelles les PME seraient mises en relation directe et concrète avec des consultants pouvant les guider dans leurs projets.