CATCh: l’Atelier – et le chantier – digital de Charleroi

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Par · 27/11/2017

Du côté de Charleroi, la stratégie visant à “accélérer la transition de Charleroi vers les métiers de demain”, baptisée du nom CATCh – Catalyst for Charleroi -, commence à aligner les premières briques de la reconstruction et à jeter les bases pour construire du neuf.

Pour rappel, le plan CATCh, conçu à la suite de coup de grisou économico-social de Caterpillar, se décline en 4 axes identifiés comme porteurs d’activités et d’emplois, soit de par la pré-existence d’un tissu économique spécialisé déjà dense, soit en raison des promesses de croissance qu’ils recèlent. A savoir:

– numérique et créativité: développer un hub numérique au centre-ville, concentrer les diverses initiatives existantes, enclencher ou accélérer la transformation numérique des entreprises, déployer une infrastructure apte à relever les défis et besoins du numérique de demain (haut débit, fibre optique davantage généralisé, data centers…)

– santé et biotech: accélérer la croissance du BioPark, développement d’un écosystème (e-)santé autour des grands pôles hospitaliers de Charleroi, exploiter davantage les données e-santé mises à disposition via le Réseau Santé Wallon

advanced manufacturing: développement d’un pôle d’excellence en maintenance évoluée pour l’aviation (tant civile que militaire); mise en oeuvre de méthodologies nouvelles pour favoriser l’innovation (en ce compris en intra- et intersectoriel)

– aéroportuaire et logistique: initiatives visant à attirer de nouveaux acteurs dans le secteur de la manutention de nouvelle génération, avec développement de filières telles que l’e-commerce et le biopharmaceutique et développement de métiers logistiques spécifiques.

Objectif chiffré du Plan CATCh: (re)créer de 8 à 12.000 emplois dans un délai de 10 ans. Emplois qui pourraient se répartir comme suit: de 6 à 8.000 emplois directs créés dans les 4 secteurs identifiés, et de 2 à 4.000 emplois indirects, du côté de sous-traitants et de secteurs connexes.

L’ancien et le nouveau

Mot d’ordre: mutualiser les forces pour créer de nouveaux débouchés, promouvoir les contacts et partenariats inter-sectoriels, se servir d’acteurs confirmés et de réussites ou initiatives récentes comme levier et engrais pour de nouvelles créations.

Les 4 axes ne partent pas à égalité. Loin s’en faut. “Comparé au numérique, où l’on part quasiment de zéro, le biotech a une avance de 15 ans”, souligne Thomas Dermine, responsable de la cellule de gestion du plan CATCh. “Mais cela présente un attrait tout spécial de faire en quelque sorte office de pionnier. Et on a déjà réussi à le prouver; si les initiatives sont bien construites et structurés, il y a un réel appétit pour le numérique à Charleroi.”

La preuve en a d’ailleurs encore été donnée vendredi dernier lors de la journée “Atelier Digital” organisée conjointement par la Ville de Charleroi et Google. Structurée en deux volets d’une demi-journée, l’opération était destinée à fournir à des entrepreneurs, patrons ou employés de PME, commerçants, indépendants voire étudiants de premières clés pour la maîtrise de compétences numériques de base (création de sites Internet, référencement, mesure de performances en-ligne…

Succès au rendez-vous puisque l’événement a enregistré 900 participants, venus en majorité de sociétés traditionnelles en quête d’inspiration numérique. Chacun aura eu l’occasion de participer à divers ateliers gratuits, “de quoi mettre le pied à l’étrier”, mais aussi d’obtenir les conseils personnalisés de coachs Google (dont certains venus en direct de Dublin) ou de sociétés Web ou marketing locales.

Le défi des talents

Le constat est surtout vrai, à Charleroi, dans le domaine du numérique mais il touche aussi le secteur de la fabrication avancée. “On a constaté que dans les industries de pointe carolo, beaucoup de travailleurs ne viennent pas de la ville”, déclare Thomas Dermine. “Tout l’enjeu est donc de faire en sorte que pour ces secteurs et métiers d’avenir, les talents soient locaux. Nous nous sommes donc attelés à dresser l’inventaire des outils? Dispose-t-on des bons outils, des outils nécessaires pour la formation afin de pousser les gens vers les secteurs d’avenir.”

Thomas Dermine: “Le principal problème est le manque de talents numériques. Le fait de recourir à de nouvelles méthodes éducatives, comme le fait BeCode, permet de repêcher notamment les jeunes en décrochage scolaire, mais aussi les “NEETS” [Ndlr: Not in Education, Employment or Training] qui représentent un énorme vivier.” (Source: TéléSambre)Preuve que le terrain, surtout dans le domaine informatique et numérique, est encore largement vierge, l’enseignement et la sensibilisation sont deux des chantiers prioritaires pointés par la Cellule CATCh.

Avec de premières décisions: organisation de séances de formation de base (telle l’Atelier Digital de Google), ouverture d’une école de codage BeCode en janvier, regroupement en un même lieu de tous les acteurs carolo de l’enseignement supérieur et universitaire (HE Condorcet, HE Louvain en Hainaut, Université du Travail…) dans ce que Paul Magnette, bourgmestre de Charleroi, appelle un “campus poly-logique, où se croiseront des profils liés aux technologies, au design, aux arts…” La Cité des Métiers y aura également un rôle à jouer en termes de sensibilisation aux métiers pour les jeunes adolescents.

Pourquoi Charleroi a-t-elle tenu à être la première ville francophone à accueillir une antenne de l’école BeCode? La méthode pédagogique, notamment, a séduit. “BeCode dispose d’un modèle pédagogique qui a déjà fait ses preuve. Elle s’appuie sur le modèle des écoles Simplon et a recours à des méthodes basées sur le coaching individuel, l’enseignement en mode projets et la responsabilisation”, souligne Thomas Thewissen, expert pour l’axe numérique et créativité au sein de l’équipe CATCh. “Cela permet, en 6 mois, de faire germer des soft skills, d’améliorer l’employabilité de l’apprenant qui dispose alors des outils nécessaires pour poursuivre sa formation ou se lancer dans l’entrepreneuriat.”

Qu’enseigne-t-on à BeCode? Le développement front end (HTML, CSS, Javascript…) et back-end (PHP…), l’administration système, la programmation d’objets connectés, la gestion de projet, la conception d’interfaces. Mais on y sensibilise aussi à la création d’entreprises.

A Charleroi, BeCode procèdera en cycles de formation de 6 mois, diplômant de 50 à 100 étudiants par an.

Il n’y a pas que les talents numériques qui soient en déficit et en attente d’outils de formation adaptés. L’axe “advanced manufacturing” sur lequel mise également le plan CATCh est lui aussi demandeur, avide, d’expertises et compétences aptes à rendre les métiers de l’industrie 4.0 possibles. Là aussi, de premières initiatives sont déployées, notamment via Agoria et TechnoCampus.

Battre le rappel

Le rôle de la Cellule CATCh sera aussi d’activer tous les organismes et sources de compétences présents sur le territoire carolo, de les orchestrer au mieux.

“Google n’est qu’un des partenaires que nous solliciterons. Le futur espace de coworking et d’incubation Co.Station en est un autre, tout comme le Switch qui peut offrir de l’accompagnement.”

On peut y ajouter le Quai10, l’espace de créativité dédié au (serious) gaming et au transmédia, ou l’initiative Belgian R/O en matière de BD multimédia.

Côté sessions de sensibilisation, un partenariat se dessinera aussi avec l’école d’informatique Epitech, d’origine française. Cible: les 16-18 ans “chez qui, on tentera de susciter des vocations, de démythifier le numérique…”

Pour être efficace, la Cellule CATCh, dont la durée de mission est de 3 ans, devra aussi veiller à ce que les différents acteurs se complètent et coopèrent sans redondance, sans empiètement de plates bandes et sans trou dans la chaîne. Sambrinvest, en financement, Igretec, en infrastructure, continueront d’agir dans leurs créneaux de compétences respectifs. Un certain réalignement ou optimisation seront à terme effectués du côté de l’“animation économique” où le paysage, répétait encore vendredi Paul Magnette, manque parfois de lisibilité.

Accélérateur Digital Attraxion, Centre d’Entreprise Héraclès, incubateur i-Tech, hub créatif Bubble Hub, espace de coworking Switch, nouvel espace de coworking et d’accompagnement de scale-ups Co.Station… les acteurs abondent.

“De l’animation économique, tout le monde en fait”, soulignait le bourgmestre de Charleroi. “Il n’y a pas de véritable stratégie collective. Cela reste à développer. Ce sera le travail de Charleroi Développement”, qui prendra la relève de la cellule CATCh, au bout de ses 3 ans de mission.

Mais au fait, ce mandat de trois ans ne risque-t-il pas d’être remis en question… pour des raisons de financement?

Lorsque le précédent gouvernement wallon avait dévoilé le plan CATCh, il avait en effet été précisé que ce dernier n’impliquait pas la libération “d’importantes lignes de fonds particulières puisque les lignes de force du plan CATCh sont celles du Plan Marshall et que le financement est donc déjà disponible.”

Qu’en est-il à l’heure où la nouvelle majorité, par la voix des ministres Borsus et Jeholet, a jeté un doute sur l’avenir du Plan Marshall? A cette question, Paul Magnette répond qu’en principe, il n’y a pas péril en la demeure. Même s’il ne peut évidemment présumer des décisions qui seront prises, il déclare toutefois qu’une réunion intervenue avec Pierre-Yves Jeholet, nouveau ministre wallon de l’Economie, a permis de lui présenter les différents dossiers stratégiques de Charleroi, qui auraient été bien accueillis. Le message reçu en retour serait encourageant. “Je n’imagine pas un arrêt du financement avant trois ans. En la matière, nous avons plutôt nos apaisements…”, estime Paul Magnette.