Le numérique dans le plan “CATalyst 4 Charleroi“

Article
Par · 03/04/2017

Faire de l’électrochoc du dossier Caterpillar une opportunité de relance pour la région de Charleroi en impulsant une nouvelle dynamique économique basée sur 4 piliers déjà plus ou moins présents dans le paysage local. Tel est le but (l’ambition) du plan CATCh. “Catch”, comme CATalyst 4 Charleroi), comme allusion à CATerpillar, et comme volonté de jouer au “catch up”, à rattraper la moyenne de progression économique de la Wallonie. Une moyenne que Charleroi depuis une décennie, voire plus, a vu s’éloigner de plus en plus de sa ligne de mire. Voir le volet Statistiques d’emploi en fin d’article.

Le plan CATCh se définit comme une “stratégie d’accélération de croissance” pour la zone de Gosselies, une stratégie “devant accélérer la transition de Charleroi vers les métiers de demain.”

Le numérique y occupe une place non négligeable puisque les 4 axes de (re)développement identifiés sont: la santé et les biotechnologies, le numérique et l’économie créative, l’“industrie 4.0” et la logistique (en ce compris les filières qu’elle favorise, en amont et en aval).

Dans les intentions dévoilées fin de semaine dernière, on trouve dans chacun de ces axes des projets et orientations marqués du sceau du numérique.

Voyez plutôt…

santé et biotech: développement d’un écosystème (e-)santé autour des deux grands pôles hospitaliers de Charleroi, initiatives visant à exploiter davantage les données e-santé mises à disposition via le Réseau Santé Wallon (dont l’un des animateurs est le Dr André Vandenberghe du CHU de Charleroi)

– numérique et créativité: concentration des diverses initiatives existantes (hubs créatifs et numériques) qui seront logées dans un même espace au centre-ville (DigiPolis), coup d’accélérateur pour la transformation numérique des entreprises (via des actions placées sous la bannière de Digital Wallonia), déploiement d’une infrastructure haut débit (fibre optique plus largement déployée dans les zonings et vers les data centers)

advanced manufacturing: développement d’un pôle d’excellence en maintenance évoluée pour l’aviation (tant civile que militaire); mise en oeuvre de méthodologies nouvelles pour favoriser l’innovation (en ce compris en intra- et intersectoriel)

– aéroportuaire et logistique: initiatives visant à attirer de nouveaux acteurs dans le secteur de la manutention de nouvelle génération, avec développement de filières telles que l’e-commerce et le biopharmaceutique et développement de métiers logistiques spécifiques.

Partir de l’existant

Le choix de ces thématiques n’a pas été fait au hasard. Première justification: on s’appuie sur des écosystèmes plus ou moins matures qui, pour certains, se sont développés autour d’acteurs établis de longue date dans la région (on pense notamment à l’aéronautique ou, plus récemment, aux sciences du vivant). “Le but est de susciter et de dynamiser l’écosystème autour des “champions” locaux”, indique Thomas Dermine, l’un des 4 membres du groupe d’experts qui est à l’origine du plan CATCh (1). “Le but est de permettre de créer rapidement une dynamique positive et de la soutenir à long terme, en prenant des initiatives progressives, dont certaines peuvent démarrer à très court terme (un an ou deux). Et cela permet de conforter l’ancrage durable et la croissance locale des acteurs déjà présents sur le territoire.”

_____________________________________

(1) Le groupe d’experts fut composé de Jean-Pierre Hansen, président du Forem; Thomas Dermine, jeune entrepreneur carolo (Kamet); Dominique Demonté, directeur du BioPark et du Comité de développement stratégique de Charleroi Sud-Hainaut; et Benoît Moritz, architecte-urbaniste et professeur à l’ULB. Avec intervention également de Renaud Moens, directeur général d’Igretec.

Autre raison du choix de thèmes: les 4 axes coïncident avec quelques-unes des orientations du Plan Marshall et impliquent des pistes d’action du plan Digital Wallonia. Inutile donc d’aménager les plans, de créer de nouvelle structure ou… de prévoir de nouvelles lignes budgétaires, comme le précisait Jean-Claude Marcourt lors de la présentation du programme Catch. “Pas d’importantes lignes de fonds particulières puisque les lignes de force du plan CATCh sont celles du Plan Marshall et que le financement est donc déjà disponible.”

Pour “dynamiser” les activités, un volet non négligeable sera consacré aux perspectives à l’exportation, avec l’AWEX.

Mieux coordonner

Deux acteurs de la mise en oeuvre de ce plan seront Sambrinvest, côté investissements, et Igretec, côté activation de l’infrastructure. Ça c’est pour ce qu’on pourrait appeler la logistique.

Reste le volet – primordial – de l’animation économique, de ceux et celles qui devront réellement faire en sorte que les pièces du puzzle se mettent en place et que tous les acteurs actuels ou futurs s’alignent le plus possible dans un même objectif. A savoir, dynamiser les éléments et atouts déjà existants, attirer et développer de nouvelles activités.

Proximité d’autoroutes et d’un aéroport, terrains disponibles, parc d’activités thématiques existants… Tout pour réussir?

En la matière, le constat était une évidence: “pour des raisons historiques, le nombre d’acteurs de l’activation économique est particulièrement importante dans la Région de Charleroi”, soulignait Dominique Demonté, autre membre du groupe d’experts CATCh.

Petite énumération? Hainaut Développement, intercommunale Igretec, accélérateur numérique Digital Attraxion (voir l’article que nous y avons récemment consacré), Centre d’Entreprise Héraclès, incubateur i-Tech, hub créatif Bubble Hub, espace de coworking Switch. Sans parler de l’action des clusters (tels Infopole et Twist) et des Pôles de compétitivité.

Ça fait en effet beaucoup et “cela ne procure pas aux entreprises une lisibilité aisée de ce qui existe et ne permet pas de mobiliser au mieux les ressources. La volonté est désormais de mettre en oeuvre un “levier d’exécution” unique qui fédère tous les acteurs, privés et publics, pour la mise en chantier du plan. Une “delivery unit” qui agisse selon des principes opérationnels stricts, avec obligation de suivi, de déclaration de résultats.”

Cette unité aura pour nom Charleroi Développement et devra être opérationnelle “au plus tard” d’ici la fin de l’année. Une équipe virtuelle “de 5 à 10 personnes, des profils de très haut niveau” sera constituée pour une durée de 3 ans. Avec “un degré important d’autonomie et de flexibilité pour mobiliser des moyens, avec budget de fonctionnement annuel.”

C’est le CEI Héraclès qui sera à la manoeuvre, en tant que responsable de la gouvernance et de la bonne intégration des différentes structures participantes. Un conseil d’administration devra, lui aussi, être créé, où siégeront les représentants des différents acteurs impliqués (Igretec, Sambrinvest, acteurs de l’animation économique, Ville de Charleroi, Awex, Pôles de compétitivité). “Sa présidence devra être assurée par un patron d’entreprise ou un représentant du monde industriel.”

Environ 10.000 emplois en 8 ans?

Les activités nouvelles créées ces dernières années, en biotech, numérique, logistique…, ont su “compenser” la destruction du tissu industriel et les pertes d’emploi afférentes (à nouveau, nous vous renvoyons aux données statistiques en fin d’article) mais sans que cela relance réellement la région carolo.

1.000 emplois nets gagnés en 10 ans. L’ambition du plan Catch est de décupler, au minimum, ce score en créant “de 8 à 12.000 emplois d’ici 2025”, souligne Thomas Dermine. Un total qui, selon le scénario imaginé, se déclinerait comme suit: “de 6 à 8.000 emplois directs créés dans les 4 secteurs identifiés, et de 2 à 4.000 emplois indirects, du côté de sous-traitants et de secteurs connexes.”

Aménagement du territoire

Au-delà du renforcement des infrastructures télécoms (haut débit) déjà évoquées, d’autres infrastructures seront renforcées ou repensées. Objectif: améliorer l’accessibilité de la zone et la rendre plus attractive. Au programme notamment:

  • L’extension de l’Aéropôle en bordure d’autoroute E42 ressemblera-t-elle à cela?

    une densification de l’occupation d’une bande de terrains en bordure de l’autoroute E42 qui sera réservée à des sociétés orientées santé, numérique et créativité

  • l’ouverture d’un nouvel accès (échangeur routier) à l’aéroport et à l’Aéropôle
  • l’extension de l’aéroport de Charleroi pour y nicher le pôle d’excellence en maintenance évoluée pour l’aviation (dans le prolongement des terrains de la Sonaca)
  • la création d’une liaison (prolongement du tram) du Centre-Ville jusqu’à l’aéroport, afin de desservir aussi l’Aéropôle
  • la transformation de l’aménagement de ce parc Aéropole “pour lui donner davantage l’apparence d’un campus”
  • l’ouverture du site de Caterpillar à de nouveaux locataires: l’entreprise américaine en occupera encore une partie pendant 18 mois mais le dialogue sera engagé afin de permettre à des repreneurs de venir s’y installer avant cette échéance.

Statistiques d’emploi

Entre 2005 et 2015:

  • 10.000 emplois perdus
    • essentiellement dans les secteurs primaire (agriculture) et surtout secondaire (industrie)
    • faible progression dans le tertiaire: services, commerce de détail
    • stabilité relative de l’emploi dans le quaternaire: administration, enseignement, santé
  • 11.000 nouveaux emplois créés, dont:
    • 8.000 en économie interne, aux alentours de l’aéroport
    • 3.000 dans des secteurs “externes”: transports, technologies de précision…

Le delta net est donc légèrement positif: boni d’un millier d’emploi par rapport à une masse globale de 126.400 emplois. Mais si l’on prend l’année 2008 comme référence, là où Charleroi passe du point référence de 100 à 101, les progressions en termes d’emploi dans les économies wallonne et belge sont nettement plus marquées puisque la Wallonie termine 2015 sur un score de 109 et la Belgique à 108.