Birdee: aide robotisée pour l’épargnant

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Par · 16/03/2017

Birdee est un logiciel de conseil automatisé en placement. Le projet a vu le jour en 2015 à Liège au sein de la start-up Gambit Financial Solutions, éditeur de solutions de conseils financiers pour institutions bancaires qui est une émanation de recherches conduites au sein de HEC Liège.

A l’origine, Birdee a été conçu à destination des conseillers bancaires pour de l’assistance au profilage des portefeuilles et à la définition de profils de risque (voir “La genèse de Gambit/Birde” en fin d’article).

Dès 2014, une première évolution est intervenue, en raison-même de la nature de la solution (logiciel reposant sur l’“intelligence” des algorithmes) qui la destinait tout naturellement aux “pure players” de la banque par Internet puisqu’elle leur permet de mettre en-ligne un mécanisme qui guide leurs clients dans leurs choix d’épargne et/ou d’investissement. Plusieurs de ces pure players ont acheté et utilisé en marque blanche la solution de l’éditeur liégeois. Parmi eux: Keytrade Bank pour sa solution KeyPrivate.

Une nouvelle évolution de l’offre est en préparation depuis quelques mois et se concrétisera avant la fin de l’année par le lancement d’une nouvelle entité à orientation B2C.

Un robot pour le particulier

Jusqu’ici destiné aux professionnels de la finance, Birdee veut aujourd’hui étendre sa clientèle au client lambda, qu’il ait ou non des connaissances en placement, afin de lui permettre d’investir par ses propres moyens, sans plus passer par un intermédiaire bancaire, fut-il en-ligne.

Pour franchir cette étape et devenir un prestataire de désintermédiation, Gambit a décidé de créer une nouvelle entité, entière indépendante, qui proposera le “robot-conseiller” Birdee Money Expert en mode B2C. Ce dernier vise à permettre à tout un chacun de définir son profil de risque et ses objectifs d’investissement (financer l’éducation des enfants, achat d’une maison, constitution d’une retraite…) afin de pouvoir sélectionner les produits qui l’intéressent parmi les portefeuilles qui lui seront proposés par l’outil.

La création de cette nouvelle fintech, baptisée Birdee International, est en cours. Les dirigeants de Gambit ayant choisi d’en faire une société de droit luxembourgeois (1), son lancement effectif n’attend plus que le feu vert de la CSSF (Commission de Surveillance du Secteur Financier) grand-ducale.

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(1) A l’époque de la prise de décision, la piste luxembourgeoise s’avérait la plus aisée en termes de “facilité et de clarté du processus d’agrément”, via guichet unique. Entre-temps, ce genre de facilité a fait son apparition en Belgique…

La nouvelle start-up sera détenue à 100% par Gambit qui, de son côté, continuera de commercialiser la solution  Birdee B2B à destination des professionnels de la finance.

D’emblée, Birdee International se lancera sur plusieurs marchés: la Belgique, le Grand-Duché et la France, pour commencer, avant une extension à l’Allemagne mais aussi aux pays d’Europe centrale et du Moyen-Orient (mais cette phase nécessitera un nouveau tour de financement).

Un conseiller “robotisé” mais sous surveillance

Birdee Money Experts est un exemple de ce qu’on appelle des robots-conseillers. Les algorithmes de la fintech se chargent de déterminer l’attitude de chaque client face au risque, la perception qu’il en a, son degré de connaissances en matière financière, ses objectifs et raisons d’investir…

Ils en déduisent le schéma d’investissement idéal et, au fil du temps, rééquilibrent le portefeuille en fonction des conditions du marché.

Geoffroy de Schrevel: “Comprendre la définition que donne chaque individu de l’investissement à risque. Le risque est-ce celui de perdre le capital investi? L’épargnant compte-t-il sur cet investissement pour en vivre? La perception et l’appétit au risque sont des choses très variables. Les portefeuilles proposés doivent donc l’être également.”

La recommandation automatisée n’a pas pour autant les mains libres. L’intelligence artificielle sera en permanence surveillée et adaptée, si besoin est, par un comité d’investissement qui “valide les décisions, passe au crible les nouveaux produits financiers introduits dans les portefeuilles, vérifie la pertinence des algorithmes”, insiste Geoffroy de Schrevel.

Le tableau de bord de Birdee

La “mode” des bots, en ce compris dans le domaine financier, n’en est encore qu’à ses tout débuts. Comment Birdee compte-t-elle se différencier?

L’un des premiers arguments qu’elle avance est le fait que ses algorithmes sont issus de la recherche universitaire et qu’ils “ont déjà été utilisés, testés, “stressés” depuis 7 ans, par des institutions financières, et ont fait leurs preuves lors de diverses crises”, souligne Geoffroy de Schrevel. “Nos théories financières ont été systématiquement réactualisées et le comité d’investissement veille en permanence à la pertinence des routines de calcul.”

Autre caractéristique du robot Birdee: l’utilisateur peut se familiariser à l’investissement en utilisant l’outil “à  blanc”. Il peut ainsi simuler des investissements aussi longtemps qu’il le veut, dans tous les portefeuilles proposés, avant de se lancer réellement à l’eau… “Il peut tester Birdee une semaine, un an… Il n’achète donc pas un chat dans un sac”, déclare Geoffroy de Schrevel.

Prochains défis

La concurrence s’annonçant rude et nombreuse, Birdee ne pourra évidemment pas se reposer sur ses jeunes lauriers. Geoffroy de Schrevel identifie d’ores et déjà trois pistes d’évolution:

  • proposer une solution qui laisse une certaine marge, voire une marge certaine, de flexibilité aux individus ayant des connaissances en placement afin qu’ils puissent influencer et modifier les portefeuilles qui leur sont proposés ; “l’algorithme pourrait alors intervenir en tant que superviseur, veillant à ce que les investissements faits ne dévient pas des objectifs fixés”
  • développer des algorithmes à orientation plus fiscale, qui tiennent compte d’éléments et paramètres fiscaux
  • évoluer vers du prédictif pour chaque client individuel “mais cela nécessitera de réaliser des progrès en intelligence artificielle et de bien stresser les modèles afin de voir comment ils réagissent.”

Un Birdee prénommé Calimero?

La société ne risque-t-elle pas de fâcher les clients traditionnels de Gambit, à savoir les banques, en s’adressant au client final et en entrant ainsi en concurrence avec elles pour tout ce qui est investissement, les privant d’une clientèle soucieuse d’obtenir conseils et guidance?

Geoffroy de Schrevel se dit confiant: “Nous démarrons avec une marque pour laquelle il faut créer de la visibilité à partir de zéro. Nous ne jouons donc pas dans le même registre que les banques institutionnelles. Par ailleurs, nous sommes loin d’avoir leur puissance marketing. Je ne considère donc pas que nous soyons concurrents, d’autant plus que le marché est énorme.

Par ailleurs, il est intéressant pour nos clients bancaires d’avoir une société qui soit en contact direct avec les clients, qui ait l’avantage de l’agilité et du potentiel d’adaptation pour moduler la solution selon ce qui marche ou non sur le marché. De voir comment le marché s’approprie ou non une application, s’il comprend ou non les offres d’investissement… Ce sont là toutes des choses que nous pouvons “remonter” vers nos clients institutionnels et dont nous nous servirons pour enrichir la solution qui leur est destinée.”

Birdee International ne couvrira par ailleurs pas tout l’éventail des produits d’investissement, se concentrant essentiellement sur les ETF (Exchange Traded Funds, ou fonds de placement cotés en Bourse). “Nous proposerons uniquement des instruments financiers bon marché, répercutés tel quel sans ajout d’“intelligence” de notre part,  ainsi que des produits très liquides, garantissant à l’épargnant une disponibilité rapide de ses fonds, fort proche du carnet d’épargne.” Autrement dit, un catalogue beaucoup moins fourni et diversifié qu’une banque.

Autre caractéristique des produits dans lesquels il sera possible d’investir via Birdee Money Expert: les portefeuilles à thème (économie verte, fonds à connotation socialement responsable…)


La genèse de Gambit/Birdee

Gambit Financial Services, spin-off de HEC Liège, a été constituée en 2007.

“Entre 2007 et 2010, nous avons poursuivi les travaux de R&D autour de la problématique des conseils en investissement. Nous avons donc développé un modèle de calcul et des algorithmes dans trois domaines: la connaissance client (profil de l’investisseur, ses objectifs et motivations, l’horizon temporel de ses investissements…); la construction et la gestion d’un portefeuille client; l’analyse – constante – des risques et des performances d’un portefeuille d’investissement afin de garantir qu’il soit toujours en adéquation avec le profil de l’investisseur et ses objectifs”, explique Geoffroy de Schrevel, CEO de la société.

Geoffroy de Schrevel: “une solution d’investissement que les particuliers puissent utiliser en totale autonomie, sans qu’un conseiller doive intervenir dans la boucle.”

La première clientèle de Gambit, dès 2010, fut celle des banques de réseau et des banques privées, en mode B2B. Et ce, dans 4 pays: Belgique, France, Grand-Duché et Suisse.

En 2014, la société se tournait vers les “pure players” de la banque par Internet. “Ils nous ont demandé de leur concevoir une solution d’investissement que leurs clients puissent utiliser en totale autonomie, sans qu’un conseiller doive intervenir dans la boucle”, indique Geoffroy de Schrevel. “Nous avons alors redéveloppé nos algorithmes afin de créer un “parcours client” autorisant une expérience de conseil totalement autonome” – ou automatique. “Nous avons retravaillé l’ergonomie, la simplicité, veillé à ce que les termes, le langage utilisé, soient simples. Et nous avons interconnecté les différents algorithmes que nous avions développés [pour rappel: connaissance client, gestion de portefeuille, analyse de risque et de performances] pour garantir un parcours fluide.”

Demain, cet outil, via la nouvelle fintech Birdee International (en cours de création), sera mis entre les mains du citoyen lambda, sans plus d’“intermédiation” bancaire, que ce soit en agence ou en-ligne. Retour au texte ]

Gambit/Birdee en quelques faits et chiffres

2007: création de Gambit, spin-off de HEC Liège

L’équipe de Birdee, lauréate au hackathon de BNP Paribas Fortis (2016)

45 personnes dont 7 seront transférées vers Birdee International

Sièges à Liège, Paris et Luxembourg

Capital: détenu pour moitié par les fondateurs et des 3F (famille, amis), à hauteur de 25% par Meusinvest (via le fond SpinVenture) et de 25% par des fonds privés (belges et britanniques.

Birdee a d’ores et déjà remporté quelques distinctions: premier prix, dans la catégorie Intelligence artificielle et robots conseillers du hackathon international organisé, l’année dernière, par BNP Paribas Fortis ; et, récemment (début mars), Prix Disruptive innovation of the Year lors du Tech Startup Day organisé par startups.be.

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