Mons: de la sécurité à la mobilité

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Par · 25/06/2015

Il est de ces événements déclencheurs qui poussent certaines autorités municipales à prendre des mesures qui, de ponctuelles, se transforment en (début d’)habitude. Mons, par exemple, et plus particulièrement son maïorat, s’était toujours montré réticent à l’installation de caméras “de surveillance” en ville.

Toutefois, à l’occasion du millésime 2015 et du statut de Capitale européenne de la Culture qui l’accompagne, la Ville et, plus spécifiquement, les responsables des services de police ont revu leurs position. Résultat: après une préparation de deux ans, avec comparaison de solutions et scénarios possibles, près d’une vingtaine de caméras ont été déployées pour la grande fête inaugurale du 24 janvier dernier. Toutes n’ont pas été maintenues après ce moment-clé mais les 9 caméras urbaines demeurées en place seront utilisées à diverses finalités. Leur nombre pourrait même augmenter au fil du temps, tandis que d’autres caméras seront également déployées extra muros, dans des zones périphériques du coeur de ville.

Objectifs prioritaires: la sécurité et la préservation de l’intégrité physique des individus en centre-veille, la répression des incivilités dans certaines zones péri-urbaines et, à terme, la mobilité.

Nous vous avions déjà parlé du dispositif de surveillance et de comptabilisation de foule lors du lancement officiel de l’Année Mons 2015. A lire ou relire, ici et ici.

La question qui se posait était de savoir si Mons allait continuer d’exploiter ce genre d’outils de surveillance sur le plus long terme, le mettant au service, en quelque sorte, du concept de “ville intelligente” (sécurité, mobilité…). Nous avons dès lors rencontré Philippe Borza, commissaire de police, affecté à la direction Sécurisation.

Au coeur de la salle de contrôle de la Police de Mons.

La solution retenue pour couvrir les différents événements lors de l’inauguration de Mons 2015 et sécuriser le périmètre intra muros s’est inspiré de divers exemples – et contre-exemples – glanés et étudiés dans d’autres villes où s’étaient déroulés des événements d’ampleur similaire (Lille, Marseille, Umea en Suède). Lors des Doudou 2013 et 2014, des tests grandeur nature avaient été effectués à l’aide de caméras prêtées par des forces de police françaises (CRS). Objectif: surveiller toute circulation suspecte et pouvoir mieux diriger les interventions des services de secours ou forces d’intervention.

“La solution existante ne permettait pas réellement de réaliser un comptage de personnes”, explique Philippe Borza. “Nous nous sommes dès lors tournés vers Multitel et sa spin-off ACIC, spécialisée dans le traitement et l’analyse d’images à des fins de vidéosurveillance (détection d’événements, comptage de passage, reconnaissance de comportements) qui a développé un système d’“intelligence caméra” notamment déployé sur le centre commercial des Grands Prés à des fins de comptabilisation des visiteurs aux entrées et sorties.”

Pas de solution toute faite

Le principe de la comptabilisation, transposé à l’événement Mons 2015, visait à autoriser une gestion de flux efficaces, afin d’éviter qu’une foule trop dense ne se forme à certains endroits, au risque de provoquer une bousculade, et de limiter ou aiguiller l’affluence de telle sorte qu’une évacuation fluide soit possible en toute circonstance.

Mais le principe de comptabilisation par “repérage” et identification d’une personne est insuffisante pour assurer la sécurité d’un espace. Plusieurs problèmes se posaient: “il aurait fallu installer des caméras à tous les points d’accès de la ville. Impossible par ailleurs d’obtenir un décompte précis, en raison de diverses catégories de personnes – habitants du quartier, personnes s’attardant dans un café… Par ailleurs, des éléments masquants, tels qu’un véhicule garé ou de simples parapluies, font obstacle au comptage.”

D’autres techniques furent dès lors envisagées, ayant toutes des avantages et faiblesses. Exemple: l’analyse d’images de foule “pixellisées” pose des problèmes dans certaines conditions météorologiques (l’algorithme perd de son efficacité).

En finale, Mons a opté pour une installation de caméras à certains endroits-clé, doublée d’une analyse des signaux émis par les GSM des visiteurs. Pour les GSM, il a évidemment fallu pondéré les résultats – tout le monde n’a pas de smartphone, le périmètre couvert par une antenne n’est pas hyper-précis, et le partenaire – Mobistar – ne représente pas la totalité du marché (partenaire: pour le volet analyse: IBM).

L’“intelligence caméra”, elle, a été fournie par Accenture (France) et paramétrée pour coller aux spécificités de l’espace montois. Techniques appliquées: comptabilisation, sur les grands axes de pénétration de la ville (technique de la pixelisation); détection d’objets abandonnés; détection de déplacement de véhicules dans les zones déclarées piétonnes.

“Selon les endroits à surveiller, les techniques idéales ont été définies, l’axe de vision de la caméra établi et le périmètre d’analyse délimité”, explique Philippe Borza. “Selon la zone à surveiller et, par exemple, le type de véhicule à y autoriser ou non, le logiciel émettait une alerte si un déplacement de telle forme et de tel cubage était détecté.” A noter que les caméras n’étaient pas munies d’un logiciel de lecture de plaque minéralogique.

Comment s’organisait le “fil” d’analyse? Capture d’image par la caméra, relais vers le véhicule de régie, transfert vers Accenture, analyse (quasi) temps réel, et, pour l’opération comptage/gestion de flux, mise en corrélation avec les données GSM de Mobistar (avec un délai d’environ 15 minutes).

10 + 9 pour commencer

Lors de la soirée inaugurale de Mons 2015, 29 caméras étaient ainsi à l’oeuvre au centre-ville: 10 caméras urbaines amovibles (avec transmission sans-fil) prêtées par les CRS français et 9 caméras appartenant en propre à la ville.

Contrairement à leurs homologues françaises qui ont regagné leurs pénates après l’événement, les 9 montoises sont restées en place, installées (par SAIT) à quelques endroits “sensibles”: à savoir, “l’hyper-centre, à des fins de dissuasion de faits portant à l’intégrité physique des personnes, et une artère commerciale, pour de la dissuasion de vols à l’étalage.”

Ces caméras sont “passives”, en ce sens que la surveillance passe encore par la présence d’un policier derrière les écrans de contrôle (les transmissions se font en mode hertzien, en relais de point à point et transfert vers le commissariat central). Aucun logiciel embarqué ne les rend “intelligentes”. Du moins pas encore. “Nous réfléchissons à un système intégré, avec insertion d’une intelligence embarquée qui servira d’aide au visionnage”, indique Philippe Borza.

Divers scénarios sont envisagés et pourraient être cumulés: repérage d’atteinte à l’intégrité physique, franchissement de zone, déplacement anormalement rapide de personne(s), rassemblement atypique, détection de cris, incivilités (en ce compris, par exemple, le placement illégal de poubelles)…

“La philosophie que nous appliquerons dépendra des endroits mais aussi des potentiels technologiques.”

Mais, à terme, la mobilité urbaine pourrait également être un objectif: “Nous ne voulons pas réduire l’utilité des caméras à un seul domaine. La mobilité est clairement une problématique qu’il serait possible de réguler à l’aide de caméras. On peut également imaginer des applications plus spécifiques, telles que la lecture de plaques pour identifier des parkings irréguliers, des véhicules ventouse…”

Outre l’ajout progressif de nouvelles caméras urbaines propres à la ville, la Zone de Police Mons-Quévy a par ailleurs postulé pour recevoir 8 caméras urbaines amovibles supplémentaires dans le cadre du marché public que lancera prochainement la Police fédérale. Le cahier de charges prévoit que le prestataire couvrir les aspects matériels, intégration, transmission et… en option, l’intelligence embarquée (détection, reconnaissance de plaque, comptage…)