CIRB: “ce qui manque à Bruxelles, c’est une stratégie globale”

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Par · 28/03/2014

Cet article, suite d’une première partie publiée hier (en accès libre), est réservé à nos abonnés. Les responsables du CIRB (Centre Informatique pour la Région bruxelloise) y évoquent notamment la nécessité pour Bruxelles et la Région-Capitale de se doter d’une stratégie globale en matière de projets et de déploiement de solutions – qu’il s’agisse par exemple de communications ou de mobilité. Autre sujet abordé: le rôle qu’ils estiment être celui des organismes publics dans l’offre de solutions (notamment informatisées) au public face à des initiatives qui ont de plus en plus tendance de venir de citoyens et de (jeunes) entrepreneurs.

“Ce qui manque encore à Bruxelles, c’est une volonté d’intégrer des éléments disparates (caméras de surveillance, gestion des places de parking…) dans une stratégie, dans une perspective globale”, déclare Hervé Feuillien, directeur général du CIRB. “D’autres villes l’utilisent pour leur branding. Il s’agit là d’une démarche proactive que nous voulons suivre. En définissant des buts précis. Nous avons dès lors identifié une série d’axes, assortis d’objectifs mesurables et d’un reporting permanent permettant d’évaluer les progrès que l’on enregistrera dans cette évolution vers l’intégration. Notre espoir est que le prochain gouvernement s’engage dans cette voie d’une approche globale et se donne les possibilités de déployer une stratégie IT cohérente.”

Hervé Feuillien évoque, à titre d’exemple, la situation et le potentiel du réseau WiFi. “Le but est de couvrir l’ensemble du territoire de Bruxelles avec un réseau intelligent. Pour ce faire, il faut rassembler de nombreux acteurs pour donner naissance à une solution globale. On commence par exemple à déployer des points d’accès dans les communes. Nous avons également prévu, pour les points Villo [vélo partagé], des possibilités de connexion et d’ajout d’une antenne WiFi. De telle sorte que, demain, si la volonté politique se fait jour, il soit possible d’activer ce potentiel à moindre coût.

(source: PCImpact)

Côté mobilité, nous disposons d’un réseau de métro efficace mais qui n’est pas couvert en WiFi alors que la fibre passe par toutes les stations de métro! Autre chose illogique et inacceptable: il faut aujourd’hui payer, acheter une carte, pour avoir un accès WiFi dans les gares ou même à l’aéroport de Zaventem. C’est un véritable scandale pour une ville internationale comme Bruxelles.”

Si une telle stratégie globale a évidemment du sens, encore faut-il convaincre tous les acteurs – en ce compris les opérateurs privés – de “jouer le jeu”. “Nous avons un pouvoir d’action direct vis-à-vis des acteurs publics, vis-à-vis de la Stib. Pour le reste”, estime Hervé Feuillien, “le privé y trouvera son compte.”

Pure question de volonté politique à ses yeux. Et de prendre l’exemple des compagnies (privées) de taxis. Le politique ne leur a-t-il pas imposé un même tarif et… un même habillage? “Si, demain, on met en oeuvre, sous l’impulsion publique, une application qui permet de faire des réservations de taxi, en ligne, via un portail commun, la valeur ajoutée sera manifeste pour les citoyens…”

Mais lorsque cette volonté politique fait défaut, le seul recours pour les citoyens et/ou entreprises n’est-elle pas d’agir, de combler – voire d’exploiter – le vide, la lacune? Résultat – pour rester sur le terrain de la mobilité et des applications nouvelles -, c’est Uber qui a mis le pied dans la porte.

“Tout est question de volonté politique. Si on veut, on peut. Il faut pouvoir dire les choses comme elles sont. Dire: voilà mon projet, voilà ce qu’il implique… Aux acteurs qui ne voudraient pas s’y associer d’expliquer [à la population] quelles sont leurs raisons…”

Initiatives citoyennes et fonctions régaliennes

Le CIRB semble donc être demandeur d’un plus grand volontarisme public en matière d’initiatives et de projets d’informatisation. Jusqu’où, dès lors, les acteurs publics peuvent-ils s’arroger l’offre de solutions? Si Uber a décidé de s’implanter à Bruxelles – ou si la start-up locale Djengo a lancé son application Djump -, c’est parce qu’il y avait un besoin (pressenti) non assouvi par l’offre des acteurs publics.

Hervé Feuillien: “Si l’innovation technologique est du ressort du marché, sa mise en oeuvre, en matière de gestion d’une ville au sens large, est du ressort des pouvoirs publics.”

Idem, dans un autre domaine, avec les applis signalant des faits d’incivisme ou des dégâts de voirie. L’initiative est venue de citoyens qui se sont improvisés jeunes entrepreneurs. Avant de voir la Région, via un certain… CIRB, tenter de reprendre la main avec sa solution Fix My Street. Une application jugée plus lourde, moins riche en termes de fonctionnalités, par les développeurs privés.

Réaction du CIRB? “Si le secteur public n’agit pas, il invite les initiatives citoyennes à s’installer.”

Ce qui, en soi, n’est pas une mauvaise chose, reconnaît bien volontiers le Centre. Mais… ‘“Diverses initiatives citoyennes ont avorté en raison de la masse de travail qu’implique le projet et du nombre d’organismes qu’il faut coordonner ou dont il faut tenir compte. A notre niveau, nous avons davantage la possibilité de créer des synergies entre gestionnaires de voiries régionales, communales etc.

L’échec de ces initiatives citoyennes est la preuve que l’on ne peut pas toujours tout laisser faire par le marché. Il est certaines fonctions régaliennes qui requièrent une implication des pouvoirs publics afin de garantir la pérennité, le respect des aspects légaux, etc. Si l’innovation technologique est du ressort du marché, sa mise en oeuvre, en matière de gestion d’une ville au sens large, est du ressort des pouvoirs publics. Et ce, afin de garantir sa durabilité dans le temps et d’éviter les dysfonctionnements.”

Ce sur quoi Patrick Van Vooren rebondit: “la participation citoyenne est un phénomène nouveau et croissant dont il faut tenir compte. Face à cela, les pouvoirs publics ont pour rôle d’organiser la vie en société, l’interaction entre citoyens, dans un cadre cohérent, en veillant à ce que la légalité soit sauvegardée, en ce compris en termes de respect des personnes.”