Télétravail cherche modèle rentable

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Par · 13/05/2013

Quelle formule (économique) gagnante imaginer pour ces “tiers lieux de travail” que les professionnels appellent de leurs voeux, histoire de trouver, à tout moment de la journée, à distance raisonnable, un espace de travail doté de toutes les facilités technologiques modernes et gagner ainsi du temps, éviter les embouteillages, optimiser leur temps entre deux rendez-vous?

Peut-on – doit-on – espérer découvrir une recette-miracle, un modèle standard?

“La rentabilité, actuellement, n’est possible que si on considère le concept de smart work center comme un élément venant compléter et s’intégrer à une structure existante. Des smart work centers purs ne sont pas rentables dans l’état actuel des choses.”

Cette déclaration vient de la bouche d’Henri Fischgrund, président du conseil d’administration de la SCRL Smart Work Centers. Voir notre article.

Mobispot, de son côté, a renoncé à créer ses propres lieux de travail. Préférant s’appuyer sur des sites (business centers, coworking spaces…) existants, qui touchent ainsi une nouvelle clientèle… sans forcément adapter ou faire évoluer leur catalogue de services et de ressources technologiques. L’accord passé avec la SCRL Smart Work Centers s’inscrit dans cette volonté de densifier son réseau.

La société espère en outre identifier et s’allier à court terme à un plus grand nombre de “prescripteurs”, opérant dans divers pans de marché, afin de diffuser davantage le concept de workplaces et de voir adhérer davantage de “tiers lieux” existants à son réseau.

ALD Automotive est le premier. D’autres devraient suivre.

Multiples scénarios

En principe, nombre de sites, de natures très variées, positionnés en des endroits géographiquement ou démographiquement stratégiques, peuvent devenir des “tiers lieux de travail”. Tout dépend du degré de sophistication des ressources mises à disposition. Si le télétravailleur n’a besoin que d’un accès WiFi non sécurisé et pas forcément hyper-performant, il peut se contenter d’un environnement “limite” en termes de confort et/ou de confidentialité. Une station-service peut par exemple suffire…

S’il est par contre plus exigeant (lui ou son employeur d’ailleurs), le site où “crécher” devra répondre à d’autres critères.

Si l’on inverse la perspective, on peut s’attendre à ce que ces offres d’espaces ponctuels, opportunistes, de travail se multiplient et proviennent d’une foultitude d’acteurs qui espéreront ainsi rentabiliser leur espace, se trouver des sources de revenus supplémentaires… Stations-service, médiathèques, entreprises à l’espace immobilier sous-utilisé, immeubles administratifs, complexes de conférence, parties “événementiel” de stades de football, “hôtels d’entreprises” et autres incubateurs, etc. etc.

Sans doute ne faudrait-il donc pas parler de “tiers lieux de travail” mais de lieux ouverts à des tiers. Autrement dit des sites qui adaptent leurs finalités premières.

S’évertuer à imaginer un nouvel espace-type, dédié au télétravail, est sans doute faire fausse route. Mieux vaudrait réfléchir à la manière d’adapter les lieux existants, à en faire des lieux multi-usages adaptatifs et, bien entendu, à permettre une réelle “flexibilisation” du travail.

C’est dans ce sens qu’Alain Leroy, qui planche sur l’idée de “smart work center mini”, orientera le rapport qu’il remettra d’ici la fin de l’année. “Je suis convaincu que de nombreuses entreprises disposeront à l’avenir de locaux qu’elles accepteront de partager. A mesure que le télétravail gagnera en popularité, les collaborateurs seront moins présents au bureau, libérant donc des places utiles. La proposition que je vais rédiger pour le concept de smart work center mini ira dans ce sens. Il permettra à toute PME de s’équiper à coût réduit et d’entrer dans des modes de fonctionnement et de collaboration qui seront enfin ouverts et basés sur les nouvelles technologies.”

D’autant plus que le concept “mini” pourra être appliqué que le site qui l’implémente fasse ou non partie d’un groupement ou d’un réseau. Faisant ainsi l’impasse sur des coûts d’adhésion, de membership et d’équipement supplémentaire (administratif, notamment – de type check-in, facturation intégrée…) qui peuvent peser lourd sur les budgets.

Les scénarios de “télé-bureaux” ou de “relais-travail” sont, comme on le voit, potentiellement nombreux. Chacun aura ses propres paramètres et contraintes de rentabilité. Depuis celui dont le ROI dépendra de la seule rentabilisation de l’investissement technologique jusqu’à celui qui proposera un ensemble plus diffus et moins objectivable de services complémentaires.

L’entreprise ouverte

Ouvrir l’espace d’une entreprise, de manière plus ou moins privative, à des hôtes de passage, est une petite révolution en soi, un changement profond du principe de “périmètre” d’une société, voire une aberration aux yeux de certains.

A Anvers, Aurelium a profité de la construction d’un nouveau QG pour ouvrir ses locaux à des télétravailleurs. Expérience intéressante dans l’optique de cette proximité qui se crée entre le personnel d’une entreprise et des individus totalement extérieurs à sa raison d’être.

Les mentalités évolueront-elles jusqu’à gommer toute réticence de type risques pour la sécurité, en ce compris pour la confidentialité des données mais aussi pour la confidentialité des simples propos échangés par des employés?

Jean-Pierre Marcelle (Région wallonne): “Le principe de spots virtuels de travail est un concept encore nouveau. Il requiert une modification de la sociologie du travail.”

Certains s’y sont déjà cassé les dents, tels Sébastien Arbogast dont le projet Kodesk n’a pas réussi, pour reprendre ses propres termes, à faire suffisamment évoluer la culture de gestion profondément ancrée chez nombre de sociétés. Dans son cas, ouvrir l’espace de l’entreprise au principe de coworking semble avoir achoppé contre des problèmes de sécurité et de confidentialité.

La technologie n’est pas tout

Pour Jean-Pierre Marcelle, membre du conseil d’administration de la SCRL (il y siège en tant que représentant de FuturoCité/ex-EuroGreen IT), l’un des éléments-clé sera le contexte-même du lieu proposé. “Au-delà de la technologie, l’un des facteurs-clé de succès du concept de smart work center est l’animation créée dans et autour de chaque centre. Je ne suis pas sûr qu’un million de pixels supplémentaire pour la définition d’une vidéoconférence fasse la différence. Par contre, le fait de pouvoir trouver sur un site des services supplémentaires tels que support technique, services de traduction, séances de formation sur la gestion d’entreprise… sont de réelles valeurs ajoutées. Je crois aussi que le succès des smart work centers résidera dans la multidisciplinarité des personnes qui s’y retrouveront. Par exemple, un public de navetteurs, le matin, qui s’y rendent pour échapper aux bouchons. Suivis, l’après-midi par des indépendants ou des classes d’étudiants qui viennent y exploiter les potentiels de vidéoconférence. Et, le soir, des coworkers qui utilisent l’infrastructure…”