Eura Nova: ‘big data’ n’est pas forcément synonyme de ‘big bang’

Pratique
Par · 27/04/2016

L’expression, à elle seule, commence sans doute à rebuter, tant elle est omniprésente dans les discours, les argumentaires – jusqu’à la nausée, voire jusqu’à l’excès (facile de la mettre à toutes les sauces…). De quoi parle-t-on ? Du “big data”, des “mégadonnées” et de leur indispensable acolyte qu’est l’analytique. Tantôt solution salvatrice, incontournable. Tantôt phénomène inaccessible. Tantôt encore notion nébuleuse et rébarbative ou considérée comme n’intéressant que les toute grandes entreprises.

Le fait est que les mégadonnées sont ou seront une réalité. Même pour les sociétés les plus modestes. Données et informations opérationnelles, statistiques, informations à traiter générées par des systèmes informatiques, des capteurs en tous genres, analyse des contenus déversés sur les réseaux sociaux, données environnementales… Aucune société, aucun dirigeant ou décideur n’est épargné et a intérêt à capter et gérer un maximum de ces “signaux”.

“Tous des leaders potentiels”

C’est cette vague que veut dompter Eura Nova, société de consultance basée dans l’AxisParc (Mont-Saint-Guibert) qui se définit avant tout comme un centre de recherche – du fondamental à l’appliqué puisque son but est de mettre une veille active des tendances technologiques au service de l’innovation et de la “transformation” numériques des entreprises et de leur différenciation stratégique.

Principal vecteur: la maîtrise de l’information, du big data donc, et de l’analytique.

Rôle que se donne Eura Nova: “explorer, prendre de l’avance dans la maîtrise de la technologie, innover, changer la donne afin d’en faire bénéficier les leaders à l’heure de la transformation numérique”, résume Eric Delacroix, co-fondateur d’Eura Nova, en une phrase-slogan.

Eric Delacroix (Eura Nova): “Peu nombreuses sont les sociétés qui savent où est la clé dans les compétences à mettre en oeuvre en matière d’analytique et de ‘big data’.”

Avec cette précision essentielle que “toute entreprise, quelle que soit sa taille ou son contexte, peut être un leader.” Et de citer un exemple éloquent: Paypal, qui, au départ, est né de l’“idée géniale” de deux étudiants, idée qu’auraient pu (dû?) avoir les banques…

Plus près de chez nous, autre exemple d’idée venue d’un acteur modeste et qui a su s’imposer: Qustomer, start-up bruxelloise, auteur d’une solution de carte de fidélité dématérialisée, rachetée en septembre dernier par ING. Et que Eura Nova a conseillé…

Pas d’élitisme donc de la part de cette société brabançonne. Sa clientèle inclut aussi bien des multinationales, de gros opérateurs (télécoms, bancaires, pharma…) que des PME locales ou encore des start-ups.

“Même si ce sont les grands leaders en place qui ont le plus besoin de la liberté de pensée [en mode “out-of-the-box”] que nous pouvons leur apporter, les problèmes à résoudre sont les mêmes que l’on soit une société du Bel 20 ou une PME“, souligne Eric Delacroix.

“Tous les problèmes se valent, que l’on soit GSK, Vivaqua [production et distribution d’eau] ou Cameleon [site de vente privée d’articles de mode]. Ils ne sont pas plus ou moins complexes à résoudre en termes de big data. Pourquoi, par exemple, les petits commerçants de Bruxelles ne pourraient-ils pas faire appel à nos services en se coalisant via Atrium [l’agence bruxelloise du commerce], de quoi financer une recherche pointue sur les problématiques qui sont les leurs ?”

“Se transformer, c’est être organisé”

Aux yeux d’Eric Delacroix et de son associé Hervé Bath, les entreprises ont un intérêt vital à anticiper, à détecter les tendances, les technologies et les pratiques qui leur permettront de créer de nouveaux services, d’optimiser leur fonctionnement.

“Il y a eu de nombreuses désillusions en matière de “transformation numérique” parce que les entreprises n’ont pas pris la peine de s’y préparer.”

Autrement dit, exploiter dans son contexte spécifique, les potentiels des nouvelles technologies ne s’improvise pas. “Se transformer, c’est être organisé, penser différemment, repenser le mode de “conversation” avec son environnement, ses clients, et concevoir sa stratégie. Hier, il était possible de s’inscrire dans une vision à 3 ans. Aujourd’hui, cela revient à jouer à Nostradamus…”

Difficulté supplémentaire: “le type de services consommés par le client, la manière dont une société se présente et dialogue avec le client ont évolué. Une transformation efficace nécessite donc de coordonner l’évolution de tous ces changements dans tous leurs aspects.”

Guère encourageant ou rassurant pour les entreprises… A moins de bénéficier d’une cellule de veille et d’anticipation en leur sein. Ou – raison d’être d’Eura Nova – de confier ce rôle à un spécialiste.

Pour, parfois, livrer quelques idées simples, directement “actionnables”, auxquelles la société ou le chef d’entreprise, ayant “le nez dans le guidon”, n’a pas pensé.

Du genre ? Exploiter les données dont dispose une société, active dans le secteur des loisirs, pour prévoir l’affluence aux attractions, salles ou caisses en… comptant automatiquement le nombre de véhicules au parking.

Big mais différencié

Si “tous les problèmes se valent” et sont largement identiques que l’on soit petit ou grand, les réponses, les outils et méthodes qu’on y applique doivent être différenciés. “Il faut tester les composants possibles par rapport à la réalité de terrain. Une solution de type one size fits all en matière de big data est improbable”, souligne Hervé Bath, l’autre fondateur et associé d’Eura Nova. “Il s’agit d’abord de comprendre les enjeux, de maîtriser les briques et, pour une société, d’apporter une réponse rapide à un problème grâce à ces briques.”

Eric Delacroix: “Souvent, le client n’a pas une vision claire du résultat qu’il veut atteindre et ne sait pas ce dont il s’agit quand on lui parle de “big data”. Il signe souvent avec un prestataire, les yeux fermés. Peu nombreux sont ceux qui savent où est la clé dans les compétences à mettre en oeuvre.”

Il prend l’exemple de la problématique de rétention de clientèle. Comment une banque peut-elle éviter que ses clients ne passent à la concurrence ? “Si Fortis et Dexia appliquent le même “outil” [pour retenir ou, au contraire, attirer], on n’aura contribué à rien” puisque le phénomène persistera. “On arrive à un résultat à somme nulle. Il faut donc quelque chose de différenciateur, basé sur une stratégie spécifique de chaque banque. L’expérience que ressent un client, un utilisateur, dépend avant tout de signaux très faibles. Autrement dit, de la manière dont l’empathie se ressent entre client et fournisseur. Notre rôle consiste avant tout à agir au niveau de la stratégie.”

Tout est susceptible d’être optimisé

L’exploitation “intelligente” des données s’insinue dans tous les processus, quel que soit le profil et le secteur de l’entreprise. “L’IT est un moyen universel que nous mettons au service aussi bien de la production de glaces que de la qualification marketing des utilisateurs ou encore du comptage de personnes à la douane.”

Quelques exemples de projets effectués pour des clients?

  • création d’un outil analytique permettant, en mode “coopétition”, à plusieurs banques concurrentes de travailler sur de mêmes jeux de données
  • solution analytique pour le “big data” d’un grand équipementier télécoms afin de lui permettre de proposer de nouveaux services différenciateurs
  • analyse fine de rétention de clientèle pour un opérateur telco, avec développement d’un outil permettant un traitement individualisé dans des masses de données par définition volumineuses
  • démonstration de l’utilité d’un graphe topologique dans la détection de fraudes dans le secteur financier
  • prédiction des interactions entre des molécules et le système métabolique humain afin de réduire le nombre de molécules nécessaires à prendre en compte dans le cadre d’un projet de recherche pharmaceutique – de quoi en réduire les coûts
  • détection, en temps réel, du type d’interaction sociale qu’a un individu via son smartphone parmi des millions d’usagers et cela, non pas via le “pistage” de son utilisation temps réel mais en fonction de ses actions de la semaine précédente
  • détermination de la relation qui existe entre un commentaire qu’exprime un patient, le traitement qu’il suit et… les paramètres appliqués sur la ligne de production

Anticipation et stratégie des “petits pas”

La veille qu’opère Eura Nova se veut anticipative. Le propre de la société est son équipe de recherche. “Nous entretenons des relations avec divers pôles de recherche internationaux, ceux d’associations scientifiques de grands acteurs du secteur.

 

Eura Nova a rédigé 20 papiers scientifiques à ce jour. Sur des sujets tels que les infrastructures élastiques et le cloud ; l’algorithmique de traitement des données pour repenser l’expression de la confiance entre éléments d’un réseau ; l’algorithmique en apprentissage automatique pur (machine learning) ; ou encore les graphes (topologies de données).

La société a noué des collaborations avec des chercheurs de l’ULB, de l’UCL. Elle participe à la rédaction de thèses et à des stages à l’ULB, l’UCL, l’UNamur et l’UMons. Des conventions sont en négociation avec la TU de Berlin et l’Université de Catalogne.

Nous contribuons à l’état de l’art par le biais de papiers scientifiques en collaboration avec des chercheurs et des universités [belges ou étrangères]. Le but est de pouvoir mettre à la disposition des entreprises belges l’avance technologique qu’ont prise des Google ou Facebook, d’extrapoler, de mettre ces idées et nouvelles pratiques en application dans d’autres domaines et d’autres contextes métier.”

Eric Delacroix prend un exemple: Google a à nouveau attiré les projecteurs sur elle, récemment, en organisant un tournoi entre son système Alpha Go (intelligence artificielle) et l’un des meilleurs joueurs de go de la planète. Un peu comme DeepBlue d’IBM avait battu le meilleur joueur d’échecs voici déjà quelques années.

“Pourquoi ne pas faire en sorte d’imaginer nouveaux services et processus en extrapolant ces technologies de pointe au service d’Electrabel, par exemple…?”

Hervé Bath (Eura Nova): ”Nous mettons une vision à 5 ou 7 ans à disposition de nos clients. Mais, en termes technologiques, nous sommes pragmatiques. Nous ne choisissons pas la rupture si elle n’est pas nécessaire.”

“Le défaut des entreprises est de ne pas penser à 5 ans. Grâce à notre travail en amont, nous pouvons leur trouver des raccourcis, en tenant compte de leurs contraintes budgétaires. Nous appliquons la stratégie des petits pas.

Si, pour concrétiser l’objectif à atteindre à 5 ans, une entreprise devrait investir 10 millions, elle ne pourra se le permettre. Mais ce que nous lui permettons de faire, c’est de trouver en un an ou deux 10 millions d’économies, en dépensant 1 million dès à présent.”

Hervé Bath ajoute: “Nous accompagnons le client dans un chemin où la création rapide de petites valeurs – ce qu’on appelle généralement les “low hanging fruit” – donne envie de continuer et d’investir de plus en plus.”

Rentabiliser la recherche

L’originalité que revendique Eura Nova est de faire de la recherche non pas uniquement sur commande, sur base d’une problématique précise qu’aurait soumise un client mais, à rebours, une recherche en amont, avec une bonne dose d’avant-gardisme, qui soit transposable sur le terrain.

La recherche menée par ses équipes est l’argument-clé d’Eura Nova. Une recherche qu’elle finance essentiellement par des prestations de services.

“Le client paie la connaissance que nous avons préalablement accumulée et validée. Mise en pratique, elle accélère leur potentiel d’innovation, la création de valeur pour leur opérationnel. Nous conseillons les clients sur leur stratégie. Cela peut aller jusqu’au conseil sur la technologie à mettre en oeuvre. Même si, dans la plupart des cas, les choix technologiques ont déjà été opérés, auquel cas nous devons nous aligner sur eux. Mais nous démontrons aussi l’inadéquation de ces choix.”

Eric Delacroix n’est pas tendre au sujet de certains choix opérés: “dans 99% des cas, l’utilisation de Cassandra [système de gestion de base de données Apache, de type NoSQL, dédié au traitement de mégadonnées sur des collectifs de serveurs] n’est pas nécessaire. Nous sommes des pragmatiques. Nous ne choisissons pas la rupture si elle n’est pas nécessaire.”