En quête de nouveaux dialogues efficaces entre (futures) cités intelligentes et prestataires

Pratique
Par · 04/10/2017

Lors de la deuxième édition de la conférence Smart City Wallonia, qui se déroulait à Marche-en-Famenne le 19 septembre, l’AdN avait organisé une “marketplace”. Autrement dit, en termes plus classiques, un espace de rencontres entre, d’une part, les porteurs (publics) de projets smart city (villes ou communes) et, de l’autre, des prestataires potentiellement intéressés à fournir solutions, produits ou services pertinents pour le projet.

Du genre: ville X cherche solution Y pour possible développement et propagation mutualisée.

Parmi un catalogue de 21 idées (voir dans cet autre article) que certaines villes et communes wallonnes désirent transformer en projets concrets, 8 projets ont ainsi pu exposer leurs besoins et écouter les propositions de sociétés privées.

Etait-ce bien la place de l’AdN d’organiser ce genre de rencontres? Cette question vous est sans doute venue à l’esprit. Comme d’autres. Du genre: qui a sélectionné ces 8 projets? quelle publicité a-t-elle été faite de l’événement avant qu’il ne se produise? quels fournisseurs en ont eu vent? ne risque-t-on pas, lors de tels “speed dating” de rencontrer toujours les mêmes fournisseurs? et quel rôle peut jouer ce genre de rencontre dans un contexte gouverné par le principe des marchés publics? ne favorise-t-on pas certains prestataires?

Cet article, réservé à nos abonnés, aborde ces différentes questions et fait le point sur le rôle d’accompagnant et d’agent de “maturation” et de collaboration inter-municipalités que l’AdN veut jouer, ainsi que sur le fonctionnement et les objectifs du comité de gouvernance Smart City mis en place. Ce dernier regroupe aussi bien des représentants du secteur public que des acteurs de terrain. En l’occurrence, les premières villes et communes s’étant lancées dans l’aventure de la ville re-connectée et pro-durable.

Faisons plus ample connaissance…

En fait, la “place de marché” organisée à Marche-en-Famenne, n’est qu’un des éléments d’un mécanisme de mise en relation et de promotion d’un esprit le plus “communautaire” possible, censé instaurer des échanges plus efficaces entre offre et demande en matière de projets “smart city/smart region”.

“Cette marketplace est coordonnée par l’AdN, indépendamment de tout parrainage ou changement d’orientation politique”, souligne Isabelle Rawart, collaboratrice de l’AdN.

Autrement dit, l’idée a survécu, n’a pas été impactée par le changement de majorité régionale. Du moins pour autant qu’on puisse actuellement en juger. Reste évidemment à recevoir l’imprimatur du nouveau ministre (Pierre-Yves Jeholet), tout comme le précédent (Jean-Claude Marcourt) avait laissé les mains libres à l’Agence en la matière…

Autre réflexion préalable d’Isabelle Rawart, au sujet de l’utilité (ou légalité) de ce genre de séance de “pitching” dans un environnement public: “L’un de ses premiers objectifs est de vérifier la faisabilité du projet sur base des ressources et réponses que peut apporter l’écosystème wallon.”

L’idée est donc de voir si des acteurs locaux ont une solution et/ou les compétences et ressources nécessaires pour la développer.

Cette “marketplace” ne substitue en rien à une démarche d’appel à proposition formelle, respectueuse des mécanismes de marché public. L’étape suivante, comme on le verra plus loin, sera vraisemblablement celle d’un appel à projets.

L’initiative vient de la base

Ce sont les demandeurs qui initient le processus d’entrée en relation. Les projets imaginés par les villes et communes sont examinés par la “core team” Smart City/Smart Region constituée par l’AdN.

Elle réunit les 3 référents” Smart City wallons (Smart City Institute, FuturoCité, Eurometropolitan e-Campus), l’AdN, les représentants de plusieurs villes et communes (Mons, Charleroi, Namur, Liège, Andenne, La Louvière, Marche-en-Famenne…), d’intercommunales (BEP, Idelux…), de la DGO6, de centres de compétences tels que Multitel…

Les projets retenus pour des raisons d’utilité objective (selon des critères de qualité technique, d’originalité, de valeur ajoutée potentielle pour le citoyen…) sont ensuite classés par ordre d’intérêt. On l’a vu, 8 projets parmi les 21 répertoriés à ce jour ont eu droit à leur pitch, pour exposer leurs besoins, lors de l’événement de Marche-en-Famenne.

L’intention est de répéter un événement de type “marketplace” (rencontre-pitch) tous les 6 mois ou tous les ans. “Il y aura en effet d’autres projets, d’autres villes et communes arrivant à maturité avec des projets propres, de nouveaux budgets – venant de la Région ou d’acteurs tels que Belfius…”

Isabelle Rawart: “La dynamique vient de la base. Les mécanismes mis en oeuvre visent une montée en puissance. Et cela oblige aussi les politiques à bouger. Quand on parvient à démontrer la pertinence d’un projet, de nouvelles idées, cela devient parlant. On ne se coupe plus de la réalité citoyenne.”

Les projets retenus doivent obligatoirement être bien plus que de vagues idées ou plans sur la comète. Grâce au budget global de 6 millions d’euros dédiés par l’ancien gouvernement au smart cities, dans le cadre du Plan numérique, il y a à la fois obligation et possibilité financière pour les villes et communes sélectionnées de réaliser un démonstrateur (mise en oeuvre réelle du projet, même préliminaire) dans un délai précis.

Premiers résultats concrets dès 2018?

Pour les pitcheurs de septembre à Marche-en-Famenne, la concrétisation devra venir en 2018.

“Ces démonstrateurs seront une solution concrète, effective, dont le citoyen pourra constater l’intérêt.”

Etapes à franchir entre le pitch de septembre et la mise en place du démonstrateur:

  • appel à projets, d’ici la fin de l’année, pour la sélection des projets qui bénéficieront d’un financement ; parmi les critères de sélection : la nécessité pour le projet de rencontrer des besoins ressentis par un nombre maximal de villes et communes et d’être aisément réplicable par une autre entité
  • attribution des fonds dans un délai de 6 mois.

Isabelle Rawart (AdN): “Un support ne sera accordé aux qu’aux projets aisément réalisables, pas aux applis spécifiques ne répondant qu’aux besoins d’une seule commune.”

Isabelle Rawart défend le principe de l’appel à projets dans la mesure où il permet de “progresser plus rapidement que le mécanisme PIT (projet d’innovation technologique) dans la mesure où ce dernier exige la participation de davantage d’acteurs, tant privés que venus du monde de la recherche.”

Ce qui ne veut pas dire que de nouveaux mécanismes ne doivent pas être imaginés pour accélérer encore davantage les choses. “Le message que font systématiquement passer start-ups et communes, c’est la paralysie de certains processus de marchés publics. Il faudra nécessairement évoluer parce qu’on dispose de très peu d’outils en matière d’innovation. Le fait que le nouveau gouvernement ait tenu un discours de soutien à l’innovation, à la mobilité, aux open data est encourageant…”

Gouvernance plus “moderne”

La Charte Smart Region (Charte pour le Développement d’applications mobiles multi-services) est un autre exemple d’élément faisant partie du cadre de gouvernance Smart City/Smart Region que la Wallonie met en place.

Les prestataires désireux d’y adhérer, afin de pouvoir proposer des micro-services mutualisables, s’engagent à en respecter les termes, à s’inspirer et apporter des réponses concrètes aux demandes de micro-services (pré-validés) émanant des villes et communes. Des micro-services qui sont approuvés à condition de répondre à des besoins généralisés.

Isabelle Rawart y voit une réponse à la question (soupçonneuse) du “toujours les mêmes”. Qu’il s’agisse d’un grand groupe, d’un acteur “historique” ou d’une jeune start-up, tous ont la faculté de poser leur candidature.

Une fois reconnus comme adhérents de la Charte, ils ont accès à toutes les demandes et appels à projets. Et donc aussi aux séances de “pitchs” en mode marketplace.

Les candidatures à l’adhésion sont examinées par un comité de gouvernance et de suivi pluri-disciplinaire. A lui, donc, d’évaluer la pertinence, d’une part, des micro-services demandés, et, d’autre part, de l’aptitude des prestataires candidats à apporter une réponse efficace, dans un esprit mutualisable.

Le premier adhérent officiel de la Charte fut LetsGoCity, auteur de la solution Wallonie en Poche. Lors de l’événement Smart City Wallonia (19 septembre, pour rappel), d’autres adhérents potentiels s’étaient manifestés: notamment Citie, l’opérateur Orange, Proximus EnCo… Sans oublier le petit peloton de sociétés et start-ups réunies au sein de l’écosystème Jules Lesmart constitué par NRB. A savoir: LetsGoCity, Wavenet, BetterStreet, NextMoov, CitizenLab, Joyn, Rombit, SmartNodes, Opinum, BeMobile, D2D3, le groupe NRB lui-même, Civadis.

La plupart de ces 13 sociétés sont considérées comme de “bonnes candidates”.

Le but global du Comité de Gouvernance est d’accompagner les villes et communes à la fois dans la définition et validation de leurs besoins et projets, “de les aider à faire le tri parmi la foule de propositions qu’elles reçoivent habituellement des fournisseurs, sans toujours y voir très clair. Le but est de les faire progresser en maturité. Plus ponctuellement, le Comité de Gouvernance peut également organiser des démos et réunions thématiques entre villes et communes et prestataires, par exemple sur des thèmes tels que les open data ou la mobilité.”

Un chemin encore long

Les processus ankylosés, l’inertie, le chacun-pour-soi, le manque de réactivité… Bien des freins et obstacles demeurent. Il serait par exemple nécessaire d’activer et d’insérer d’autres rouages de l’écosystème wallon dans la mécanique de mutualisation.

Comme dit plus haut, il faudra imaginer (ou s’inspirer auprès de régions et pays plus volontaristes) de nouveaux mécanismes et outils.

Il serait sans doute judicieux de faire émerger des “chartes” au niveau de chaque commune et ville. Ou, tout au moins, une prise de conscience, l’élaboration d’un cadre opérationnel…

De même, les “profils” de “smart city manager” (quel que soit le nom qu’on lui donne d’ailleurs) sont encore loin d’être généralisés. Même si, en la matière, la Wallonie est – étonnamment et… proportionnellement – mieux placée que la Flandre ou que Bruxelles. On dénombre en effet 12 ou 13 responsables “smart”. Même s’ils ne consacrent pas tous la totalité de leur temps à des projets et à de l’évangélisation “smart territoire”. De nouvelles personnes, par ailleurs, ont suivi des formations auprès du Smart City Institute du HEC Liège.

Et il ne faudra pas oublier les “décideurs” communaux que sont les bourgmestres et directeurs généraux. C’était d’ailleurs là l’objectif d’un atelier de sensibilisation, réservé exclusivement aux bourgmestres, qui avait été organisé lors de l’événement Smart City. Une quarantaine d’entre eux s’étaient inscrits qui, souvent, représentaient de plus petites entités que les villes et communes ayant déjà accroché le train de la “core team” Smart City… Il reviendra au Comité de Gouvernance de les informer et de les accompagner dans leurs éventuelles futurs démarches et projets.