La VR joue les illusionnistes – pour classer et voyager

Pratique
Par · 01/12/2016

Après vous avoir parlé, voici peu, du projet Hire Smarter qui a remporté le prix “Startup of Show” au récent VR Hackathon de Bruxelles, nous braquons cette fois les projecteurs sur deux autres projets qui ont vu le jour à l’occasion de ce hackathon dédié à la réalité virtuelle. Deux projets que les initiateurs ont bien l’intention de poursuivre jusqu’à maturité et mise en exploitation.

BeBob fut l’un des projets adoubés par le jury qui lui a décerné le prix “Best Company of Show” – même si on est encore loin d’une quelconque constitution de société… Les obstacles et étapes à franchir, tant en termes technologiques que commerciaux, sont encore énormes pour l’équipe.

Le projet? Utiliser le videostreaming en 360° pour aider les personnes à mobilité réduite (handicapés, malades, personnes âgées…) à s’évader et à découvrir, par personne interposée, des endroits qu’ils ne peuvent rêver pouvoir visiter.

D’un côté, un voyageur, armé d’une caméra 360° (ou d’un dispositif pouvant remplir ce rôle). De l’autre, la personne clouée chez elle qui, via une connexion Internet et un casque de réalité virtuelle, peut recevoir le flux vidéo 3D pour voir en quasi temps réel ce que la personne libre de ses mouvements voit et expérimente.

La solution est destinée à des “binômes” – du moins, dans un premier temps, jusqu’à ce que la technologie fasse des progrès.

L’équipe BeBob… en 360°

Pour pouvoir être concrétisé, le projet doit d’ailleurs encore surmonter pas mal d’obstacles techniques. A commencer par celui de la bande passante requise. Les volumes d’images à transférer sont appréciables – et indigestes pour le 3G, voire le 4G. Et ce, même s’il n’y aura pas forcément transfert de toutes les images. Un prétraitement au niveau du système du preneur d’images 360° pourrait avoir lieu, pour n’envoyer que les images qui correspondent aux mouvements de casque (direction de visualisation) que fait le destinataire.

Pour l’heure, l’équipe de BeBob estime donc que la solution se destine à des “binômes” bénéficiant, chacun de leur côté, d’une bonne connexion WiFi à l’endroit où elles sont: visite d’un musée, par exemple, transmise à une personne se trouvant sur son lit d’hôpital. A condition de disposer entre ces deux connexions terminales d’un “tunnel” haut débit confortable…

A terme, un canal voix pourrait être ajouté afin que la personne qui réceptionne les images puisse guider son chevalier servant.

Question qualité de l’expérience, des progrès seront encore nécessaires également pour rendre ce genre de pratique réellement démocratique. On pense notamment aux caméras et microprocesseurs intégrés aux smartphones…

Poursuivre le projet

Roy De Caster et Giovanni Cala, deux des membres de l’équipe BeBob, ont bien l’intention de poursuivre l’expérience. Leur ambition d’ici 3 ans? Séduire 5.000 utilisateurs.

Giovanni Cala (BeBob): “Les personnes âgées sont déjà de ferventes utilisatrices de Google Maps. Le VR streaming serait pour elles un saut qualitatif énorme. Elles sont prêtes à utiliser les nouvelles technologies si celles-ci sont réellement pensées pour elles…”

Pour l’heure, ils recherchent un programme d’accélération qui puisse les aider à s’attaquer aux problèmes immédiats: “valider le besoin, identifier des publics-cible et cas d’usage payants, améliorer la qualité de la capture d’images, commencer à bâtir une communauté… Des cibles potentielles sont les hôpitaux, les professionnels des soins de santé, les compagnies d’assurance…”, déclare Giovanni Cala. Sans oublier le vaste champ du “digital entertainment”.

Pour le reste, l’équipe BeBob a déjà tissé des liens avec deux “communautés” locales qui pourraient lui donner un coup de pouce. A savoir: VR Brussels et le réseau Lifetech.brussels.

Mon univers data

Mon univers data”. C’est ainsi qu’on pourrait sous-titrer un autre projet imaginé lors du VR Hackathon de Bruxelles. Nom de baptême: External Mind. Le projet est porté par Lea Rogliano, chercheuse et artiste vidéaste (voir sa courte bio en fin d’article) qui, dans le cadre de ses recherches sur la manipulation et l’exploitation des nouveaux contenus numériques, désire pouvoir jongler, classer, organiser les données d’une manière nettement plus dynamique, quasi physique, que ce n’est le cas actuellement.

Léa Rogliano, chercheuse-vidéaste, passionnée de nouveaux médias

Le geste virtuel, produit par un utilisateur grâce à des outils de réalité virtuelle, apparaît à ses yeux comme une évidence dans cette recherche de nouvelle interaction. “Dans le cadre de mes recherches documentaires, j’ai accumulé énormément de données. Le défi est de les architecturer, de les organiser. D’où l’idée de le faire avec de la réalité virtuelle, un peu à la mode d’un mind mapping”. Mais dans une dimension d’immersion visuelle interactive à 360°…

Les premières fonctionnalités, encore embryonnaires, imaginées lors du hackathon permettent de relier les données entre elles, de les déplacer dans l’espace à 360° — par exemple “pour les placer derrière soi, comme on le fait dans la vie, comme le dit bien l’expression j’ai une idée derrière la tête. Cela permet de spatialiser les contenus importants, d’en mettre certains en attente, d’établir des priorités à l’aide de couleurs.”

A noter que les “données” peuvent être de tout type: textes, vidéo, images…

L’utilisateur interagit avec elles, pour les organiser dans son espace, par le mouvement. “La forme du mouvement décide de l’endroit où on veut les mettre”.

Si l’utilité immédiate que Lea Rogliano espère de ce projet est d’en faire une interface nouvelle dans le cadre de ses propres recherches et projets, “afin de créer des oeuvres artistiques d’un genre nouveau”, elle envisage aussi d’autres scénarios d’usages, pour divers types d’utilisateurs. “On pourrait imaginer transposer des bases de données externes dans un espace virtuel intégré à des lunettes de VR. Ou encore une solution pour résoudre des problèmes de mémoire. On pourrait créer un espace pour se rappeler de certaines choses. Chacun pourrait le faire à sa manière, compte tenu du fait que les problèmes de mémoire sont spécifiques à chaque personne…”


Vidéaste, passionnée d’arts visuels, Lea Rogliano a débuté sa carrière lors d’un séjour au Moyen-Orient avec la compagnie Arcinolether qui était allée y construire un théâtre documentaire et politique. En 2012, elle décide de se concentrer sur la “matière première” de l’image. Son premier court métrage, “Belles Endormies”, sort en 2013. Elle travaille actuellement sur un projet de recherche dédié aux nouveaux médias, intitulé “Carnet de voyage virtuel en Corée du Nord”. Il a été produit par Aura Films, avec le soutien de la Commission Arts Numériques de la Fédération Wallonie Bruxelles, de la Scam (Société civile des auteurs multimédia) et de la maison du spectacle La Belote. [ Retour au texte ]