Asbl Passe-Muraille: passer au “cloud” pour devoir moins gérer

Pratique
Par · 07/08/2013

Passe-Muraille, asbl montoise d’éducation permanente s’adressant à un public de personnes handicapées, est une petite PME qui, en matière informatique, correspond très exactement au profil classique: des effectifs limités, pas de responsable informatique au sens strict du terme, le désir de limiter au maximum la charge de gestion- en temps et en termes financiers.

Avec, en plus, une itinérance importante des collaborateurs.

Voici un an et demi, l’asbl a décidé de migrer ses applicatifs et une bonne partie de ses données vers le cloud. De manière progressive. Le mail fut le premier à “migrer”, suivi de la base de données.

Quitte à changer…

Qu’est-ce qui a poussé l’asbl à procéder à ce petit chambardement? Quelles réponses a-t-elle trouvées à ses aspirations et inquiétudes?

“Le serveur de mail et le serveur de données que nous avions installés chez nous étaient arrivés au bout de leurs possibilités”, indique Jean-Christophe Fairon, chargé de projet auprès de l’asbl. “Les composants du serveur commençaient à montrer leurs limites face à l’augmentation du personnel: perte de vitesse, rupture de connexions, perte de données… Nous envisagions de changer de serveur quand nous avons littéralement été pris de vitesse [dans notre processus de décision] par le serveur qui a proprement grillé. Nous avons donc dû remplacer le serveur et par la même occasion investir dans de nouveaux logiciels, les nôtres étant devenus obsolètes.”

Face à ce contexte forcé, l’asbl a envisagé le scénario du cloud afin de tirer parti des avantages qu’il fait miroiter en termes d’accessibilité aux données, à partir de n’importe quel endroit, de flexibilité dans les ressources informatiques sollicitées, et de réduction de coûts (en termes de mises à niveau et de gestion et maintenance de l’infrastructure).

Les avantages perçus

En termes d’accessibilité, il aurait été possible d’organiser un accès à distance pour tout le monde en conservant l’infrastructure dans les murs de Passe-Muraille mais l’asbl redoutait la complexité de gestion que cela implique potentiellement pour une PME qui désire s’épargner ce genre de tâches ou faire l’économie d’un intervenant externe.

Jean-Christophe Fairon (Passe-Muraille): “A long terme, nous estimons que le gain, en termes d’économies réalisées en gestion de l’infrastructure, sera de l’ordre de 30 à 40%.”

Le dimensionnement plus souple des ressources informatiques fut par ailleurs un argument majeur, le cloud apportant une flexibilité nouvelle en termes de gestion d’infrastructure:

“Lorsqu’un nouveau collaborateur nous rejoint, nous ne devons plus tout reconfigurer afin d’ajouter un nouveau PC. Il suffit d’attribuer un identifiant et un mot de passe et le nouveau venu a d’emblée accès à toutes les données et aux applications Office 365.”

Qu’en est-il des réductions de coûts espérées? “La principale source d’économies a été le matériel. Quand un PC tombait en panne, ou quand nous devions ajouter ou remplacer un PC, il nous fallait procéder à une intervention assez complexe dans le domaine [Windows], adapter les logiciels… Nous devions donc envoyer les PC à notre informaticien (externe). Il nous était par exemple impossible d’ajouter nous-même le log-in d’un nouveau collaborateur. Aujourd’hui, ce n’est plus nécessaire. Nos coûts ont donc fortement baissé. Nous estimons à 30% l’effet sur le budget IT annuel. Certes, il y a eu de nouveaux développements, qui ont un coût mais, à long terme, nous estimons que le gain sera de l’ordre de 30 à 40%.”

Le ciel n’est pas sans nuages

Les promesses de simplicité du cloud étaient tentantes mais cela n’empêchait pas Jean-Christophe Fairon d’avoir quelques réticences, notamment en termes de sécurité (données) et de connexion. Passer au cloud implique en effet potentiellement certains risques. Comment Passe-Muraille perçoit-elle et pare-t-elle à ces inconvénients potentiels?

“Au volet sécurité, nous avons eu nos apaisements dans la mesure où nous savons que nos données sont systématiquement copiées sur plusieurs serveurs. Si notre serveur plante, nos données sont préservées puisqu’elles sont sauvegardées ailleurs.”

Et d’ajouter: “Tout confier à un serveur interne comporte d’importants risques. Pouvoir travailler sur base d’accès vers une infrastructure en extérieur nous permet de compter sur une sécurité assurée par Microsoft sur ses propres serveurs. Qui plus est, tout n’est plus concentré sur un seul serveur. Il n’est jamais bon d’avoir tous ses œufs dans le même panier…”

Jean-Christophe Fairon: “Une réflexion est en cours pour voir si tout va dans le cloud. Nos archives resteront sans doute en interne, mais avec un duplicat dans le cloud. Les données vivantes, qui sont utilisées fréquemment, seront par contre dans le cloud.”

Pour l’instant, tout ne repose toutefois pas (ou pas encore) sur le cloud. La solution mise en oeuvre se traduit par “une segmentation sur plusieurs disques en interne et un back up sur disque externe. Une partie de nos données est d’ores et déjà sur le cloud mais notre projet dans les prochaines semaines est de réorganiser la gestion et la sauvegarde de nos données d’une manière plus efficiente par le biais d’une structure que nous définissons actuellement.

Une réflexion est en cours pour voir si tout va dans le cloud. Nos archives resteront sans doute en interne, mais avec un duplicat dans le cloud. Les données vivantes, qui sont utilisées fréquemment, seront par contre dans le cloud.”

L’asbl doit en outre encore décider si elle demande à Microsoft à disposer d’un serveur dédié pour ses données et applications ou si elle partage l’infrastructure avec d’autres clients? Idem pour ce qui est d’exiger ou non que les serveurs (d’applications et de données) soient situés en Belgique . “Tout cela doit être défini dans les prochaines semaines.”

Vraiment “toujours disponible”?

S’il est vrai que le cloud permet d’accéder à ses applications et à ses données de partout, à chaque instant, cette accessibilité suppose un fonctionnement sans faille des communications… fixes et/ou mobiles.

“Il arrive que les connexions 3G ou WiFi ne fonctionnent pas. Il faut donc prévoir le coup, toujours avoir ses fichiers et données sur son PC ou son smartphone.

Mais l’absence d’accès se fait de plus en plus rare à mesure que le réseau 3G s’améliore et que des “spots” WiFi se multiplient.”

Il arrive aussi que le service Office 365 soit indisponible – “mais pour de courtes durées et ce sont toujours des indisponibilités planifiées (programmées par Microsoft).”

Bien faire ses calculs

Devoir en passer par des (télé)communications pour accéder à ses données et à ses applications a évidemment un coût. Qui doit nécessairement être pris en compte dans les calculs d’opportunité.

Passe-Muraille a donc édicté une politique d’utilisation. Autant que possible, les collaborateurs doivent utiliser des réseaux WiFi (gratuits) d’hôtels ou d’entreprises où ils se trouvent, lorsqu’ils sont en déplacement. “Pour ceux qui voyagent beaucoup, nous avons pris des formules “illimité”. Nous pouvons ainsi limiter le surcoût.” A noter que seules deux personnes ont droit à du roaming 3G…

Perte de maîtrise

Revers de la médaille: en confiant à un prestataire cloud l’hébergement de son infrastructure, ne serait-ce qu’applicative, un utilisateur lui donne également totale liberté de faire évoluer les fonctions et versions. Sans plus avoir la possibilité de faire l’impasse sur une ou plusieurs mises à jour si celles-ci ne se justifient pas ou n’apportent pas de plus-value.

“Avec le cloud, on doit en effet se faire aux nouvelles fonctions, voire aux nouveaux chemins pour accéder à l’information qu’implémente le prestataire”, reconnaît Jean-Christophe Fairon. “Il faut donc procéder à une redécouverte de l’interface, donner des indications nouvelles aux utilisateurs mais, jusqu’à présent, nous n’avons pas encore subi de mise à jour aussi fondamentale que celle qui fut nécessaire lorsque nous avions dû passer de Vista à Windows 8. L’interface Office 365 propose en outre de petites vidéos expliquant les nouveautés. Globalement, on s’adapte assez facilement. Toutefois, si une modification profonde devait survenir, du genre Windows 8, cela impliquerait une remise à plat totale. Et de nouvelles formations seraient alors nécessaires.”

Préférence Microsoft

La solution cloud choisie par Passe-Muraille se compose d’Office 365, de Sharepoint et de Lync (communications voix, vidéo, échange de données, collaboration sur un même document…).

A l’avenir, Passe-Muraille compte ajouter deux nouveaux modules au potentiel Sharepoint existant: gestion du personnel (gestion des congés, des déplacements, …) et gestion des clients (rendez-vous, prestations…). Un développement spécifique sera fait par BiSoft, le partenaire IT de l’asbl, afin de pouvoir disposer d’une solution qui soit conforme à ses contraintes spécifiques (qui emploie notamment deux personnes sourdes, une aveugle et deux malvoyantes).

Passe-Muraille a opté pour le “cloud” Microsoft plutôt que pour des solutions Google par exemple en raison d’une utilisation déjà longue des solutions Windows. En tant qu’asbl, les conditions spéciales octroyées (SocialWare) lui étaient évidemment particulièrement favorables. A cela s’ajoute que “les outils Microsoft sont directement compatibles avec les outils d’adaptation pour personnes aveugles et malvoyantes (synthèse vocale…). Ce qui n’est pas le cas avec Google même si l’accès s’améliore. Le degré de compatibilité, toutefois, n’est pas le même.”

Cette question d’une plus grande harmonie entre cloud, solutions spécifiques et aussi équipements mobiles pourrait éventuellement peser sur la décision que prendra Passe-Muraille si elle devait remplacer son parc de smartphones où cohabitent actuellement systèmes sous Windows et sous Android. Une analyse d’efficacité (en termes de compatibilité) ne manquera donc pas d’être faite à l’occasion.

Pour en savoir plus sur les avantages mais aussi les risques et inconvénients qu’implique une informatique “dans le cloud” (données, infrastructure, applications), nous vous renvoyons vers le dossier que nous y avons récemment consacré.