Noo, une appli belge pour épauler les soins de santé mentale

Pratique
Par · 05/03/2020

Source: WeLL

Une nouvelle appli e-santé a fait ses débuts, tout récemment, en Belgique. D’origine locale, conçue en mode participatif, elle a pour objectif d’aider les patients souffrant de problèmes de santé mentale à “booster leur rétablissement”, voire à traverser plus sereinement les périodes de crise qui émaillent, à des taux divers, leur quotidien.

Prononcez “nous”. L’appli mobile Noo, que le Réseau Santé Namur, organisme dédié depuis plusieurs années au soutien de personnes bénéficiant de soins de santé mentale, vient de mettre sur les rails, est le fruit d’un parcours de développement participatif, impliquant patients et professionnels de santé. Son développement s’est en effet opéré selon les préceptes du living lab WeLL qui fut partie prenante à la création de cette solution.

Pour le Réseau Santé Namur, le développement de l’appli (à l’origine, le projet portait le nom de Mens Sana) avait pour but de renforcer et de donner un coup de neuf à son catalogue d’outils de soutien, le principe étant d’apporter à l’usager (on évite, le plus possible, l’appellation “patient”) une aide et un accompagnement dans son milieu de vie, en alternative ou en complément à l’hospitalisation.

La finalité est de favoriser le plus possible le maintien ou la réinsertion dans la communauté, en faisant intervenir de manière coordonnée différents professionnels et spécialistes (psychiatre, psychologue, assistant social, médecin traitant) et d’impliquer l’entourage dans le parcours de réhabilitation psychosociale.

Le recours aux nouvelles technologies, c’était la perspective d’apporter une aide plus “moderne” que les outils et pratiques classiques, une aide potentiellement plus riche et efficace, en termes fonctionnels, et plus constante, en termes de suivi et d’accompagnement.

Des outils rénovés

Lors du processus de réflexion et de co-création, réalisé avec des patients et des professionnels de soins (voir encadré en fin d’article), deux des instruments qu’utilisent déjà les premiers intéressés pour le suivi et l’accompagnement dans le monde de la santé mentale ont été analysés et transposés en solution numérique.

D’une part, la “carte-réseau”. Autrement dit, le maillage ou le répertoire des intervenants vers lesquels le patient peut se tourner au quotidien ou lors d’épisodes critiques – à la fois des professionnels et des membres de son entourage.

La conception de l’appli fut l’occasion de revoir la “philosophie” de cette carte-réseau. “Désormais, le point central n’est plus l’intervenant médical ou social mais bien l’usager [patient] lui-même”, souligne Didier De Riemaecker, coordinateur du Réseau Santé Namur. “C’est lui qui définit et décrit la manière dont il se représente son réseau et le construit.” Un élément essentiel non seulement pour son implication mais, de manière plus générale, pour l’efficacité du suivi et du processus de réinsertion psychosociale.

Le patient conçoit et encode donc lui-même son réseau dans l’appli selon un degré de proximité (en cercles concentriques) et selon le rôle qu’il prête à chacun dans sa vie de tous les jours – et ce, selon différentes catégories: santé, activités au quotidien, aide administrative, vie sociale… Il peut éventuellement se faire aider puisqu’il peut “partager” sa carte-réseau avec des tiers.

“De cette façon, on n’obtient plus simplement une liste de prestataires mais une structure en cercles concentriques, qui peut en outre évoluer dans le temps.”

 

Didier De Riemaecker (Réseau Santé Namur): “Le point de vue de l’usager, la manière dont il perçoit son réseau [de soins et d’accompagnement] est plus important que le point de vue du professionnel.”

 

La souplesse de l’interface de l’application, en mode glisser-placer, permet de déplacer les personnes du réseau sur les cercles et de définir des liens entre elles. Et les cartes-réseau successives sont archivées, de quoi dresser l’historique de l’évolution d’un cas (les cartes-réseau des usagers peuvent être intégrées à son dossier médical).

Autre instrument qui a bénéficié d’un lifting numérique: le “plan de crise”. En l’occurrence, quelles personnes l’usager peut-il solliciter en urgence en cas de crise? qui appeler et dans quel ordre? 

Le principe est simple: l’usager programme dans l’appli les coordonnées des personnes à appeler en priorité et, ici encore, les fonctionnalités numériques permettent d’être plus efficaces. L’usager encode les noms, coordonnées de contact téléphonique mais en veillant au préalable à demander l’autorisation de lister ces personnes dans sa liste d’urgence, ainsi que les plages horaires pendant lesquelles elles acceptent éventuellement d’être sollicitées. L’appli “retient” ces paramétrages et lorsque l’usager poussera sur le bouton Appel de crise, il verra apparaître à l’écran, dans l’ordre voulu, les personnes disponibles à ce moment précis. Il ne reste plus qu’à sélectionner du doigt le premier nom pour initier l’appel. Si personne ne répond, l’appli poursuit son piochage dans la liste, selon le principe de la cascade d’appels… 

Au cas où personne, dans la liste, ne répond, l’appli affiche en ultime recours une liste de numéros d’urgence (service TéléAccueil, Centre de Prévention du suicide, service de garde, le 112…)

Une appli-ressource

En plus de ces deux fonctions essentielles – carte-réseau et appel de crise -, l’appli Noo, conçue de manière la plus “light” possible, propose une section Ressources. Il s’agit d’un ensemble de contenus dans lesquels l’usager peut aller piocher au quotidien pour l’aider à retrouver une vie normale, trouver de l’apaisement en cas de problème ou tension particulière. Que trouve-t-on dans cette section? Une liste d’activités (celles que l’usager préfère ou qui l’apaisent) à faire pour progresser dans son parcours de rétablissement, une galerie de photos (qu’il peut alimenter lui-même), une vidéothèque (vidéos personnelles ou qu’il peut aller puiser sur YouTube). Idem pour une play-list de musique (déjà chargées en mémoire ou qu’il peut, à nouveau, aller puiser sur le Net – ici, pour des raisons de coûts à éviter, l’usager peut allier chercher des titres non pas sur des plates-formes de streaming mais sur… YouTube, bénéficiant ainsi à la fois du son et l’image!).

 

En plus d’être disponible via les boutiques logicielles Google Play et App Store, l’appli Noo pourrait éventuellement faire son chemin vers le marché par le biais de “diffuseurs” et “prescripteurs volontaires. Suite à la présentation officielle de l’application, en ce début de semaine, Didier De Riemaecker expliquait par exemple avoir reçu des signes d’intérêt d’acteurs tels que Solidaris ou l’AViQ, prêts à relayer l’information de son existence auprès de leurs propres réseaux et publics.

A noter par ailleurs que le code de l’appli, conçu selon un principe proche des Creative Commons, peut être procuré par le Réseau Santé Namur sur demande afin d’y contribuer. Une condition incontournable: ne pas avoir de visées commerciales. “Notamment parce que le domaine et les données des utilisateurs sont choses particulièrement sensibles. Tout risque de finalité commerciale ne pourrait que décourager les usagers de se tourner vers l’application”, souligne Didier De Riemaecker

 

La “méthode” WeLL

Le principe-même d’un living lab tel que le WeLL, dédié au secteur de la santé, est d’impliquer les utilisateurs finaux d’un projet ou d’une solution à sa conception et mise en oeuvre.

Ce fut donc aussi le cas pour le projet Mens Sana, devenu Noo une fois transformé en application.

Le living lab et le Réseau Santé Namur ont donc procédé par ateliers successifs, auxquels ont participé patients et professionnels de santé. Six étapes successives ont été franchies:

– atelier d’“exploration”, autrement dit de définition du cadre (situation et solutions actuelles, contexte), et d’identification des besoins; c’est à ce stade qu’un inventaire a été fait des solutions, encore souvent manuelles et papier, utilisées par les accompagnants et professionnels, avec réflexion sur mal manière de les améliorer et de les enrichir, en ce compris une fois transposées sous forme numérique
– atelier de co-création: sélection de quelques outils et méthodes pré-existants et scénarisation des fonctionnalités “augmentées” possibles via recours aux nouvelles technologies ; après avoir énuméré les fonctionnalités possibles, elles ont été priorisées et/ou choisies en fonction du budget disponible pour leur concrétisation
– après appel d’offres qui a vu la société liégeoise DJM Digital être sélectionnée pour le développement de l’ampli, un premier atetiel de test a été organisé sur le rock up de l’appli
– quatrième étape: un atelier de test du design (interface, graphisme) de l’appli Noo
– vint ensuite l’atelier de test en format Web, sur une appli quasi-opérationnelle, aux écrans et fonctionnalités cliquables ; objectif: vérifier auprès des futurs utilisateurs (patients et professionnels de soins) si la structuration et la logique de navigation et d’utilisation correspondaient aux attentes
– enfin, l’atelier de test de l’application finalisée a permis de tester “en vrai” un certain nombre de tâches qui seraient effectuées au quotidien sur l’appli.