Les transports publics belges et les open data

Pratique
Par · 07/03/2017

Quelle stratégie open data pour les 4 opérateurs locaux de transport en public, SNCB, TEC, STIB et De Lijn? Trois des quatre étaient venus exposer la situation qui prévaut actuellement chez eux ainsi que leurs intentions à court ou moyen terme. Seul absent du panel… les TEC. Pour une raison qu’on ne peut que regretter.

Officiellement, les TEC avaient fait l’impasse sur cette table ronde organisée par la conférence Open Belgium… parce qu’ils n’ont rien de neuf à annoncer. Doublement dommage dans la mesure où cela aurait été l’occasion d’enfoncer le clou en soulignant qu’ils avaient été en pointe par rapport à leurs concullègues. Chose que soulignaient heureusement les organisateurs, rappelant que les TEC avaient ouvert leurs données voici déjà plus de deux ans, proposant des API à des développeurs tiers et partenaires potentiels. NextRide avait été la première start-up à en tirer parti. Aujourd’hui encore, les TEC préservent une certaine longueur d’avance sur les autres opérateurs en matière d’esprit et de pratique “open” – comme en atteste le tableau en fin d’article.

Les TEC mis à part, qu’avaient à expliquer et à annoncer les trois autres transporteurs publics?

La SNCB, commençons par elle, confirme la mise à disposition, dès la fin de ce mois de mars, de données temps réel. Depuis septembre 2015, elle permet déjà d’exploiter certaines données statiques (horaires des trains). Les données sur le respect de ces horaires [signalement des retards, incidents…] seront donc disponibles fin du mois. Format: GFTS RT. Sous quelle forme de licence? “Un format propre à la SNCB” – ce qui en désolera plus d’un, qui espèrent une réelle adoption de la philosophie open. Voir plus loin dans cet article à cet égard la petite douche froide que déversait Pieter Colpaert, responsable des secteurs Transports et Finances au sein d’OpenKnowledge Belgium et par ailleurs responsable technologique du projet Smart Flanders, sur les participants de cette table ronde à l’issue des exposés des trois responsables.

Autre frein que la SNCB met à son ouverture: “il n’y a pas de redistribution directe de nos données brutes. Nous préférons la voie des API. Mais il suffit d’introduire la demande…” Ou presque. En effet, si les données sont gratuites, toute velléité de réutilisation et réexploitation est soumise à contrat. Et le restera à l’avenir. Logique et compréhensible mais tout dépendra de la souplesse et de la rapidité de négociation.

Du côté de la STIB, Sébastien Goffin, conseiller Projets numériques, soulignait que la société bruxelloise mettait déjà à disposition, via API, ses données “planifiées” temps réel. Lisez: les jeux de données concernant les horaires “avec déjà certaines informations sur les temps d’attente aux arrêts et sur la position des véhicules sur les lignes.” Pas de précision concrète sur les intentions futures, si ce n’est que l’ouverture d’autres jeux de données est à l’étude.

Quant à De Lijn, elle en est encore au stade de la mise à disposition, via accord de licence, de jeux de données purement statiques (horaires…). Mais les choses devraient rapidement évoluer. Une nouvelle plate-forme est en cours de test qui permettra, “cet été”, de mettre données (statiques) et API à disposition. Un portail pour éditeurs et développeurs sera également inauguré cet été.

Vers la fin de l’année, De Lijn passera à la vitesse données temps réel. La société explique son retard par des problèmes et processus purement légaux.

L’open data, pour suppléer les initiatives internes…

Tant Arnaud Wattiez, responsable Innovation numérique à la SNCB, que Sébastien Goffin, conseiller Projets numériques à la STIB, soulignaient que mettre des jeux de données à disposition est aussi pour l’opérateur public un moyen de mieux rencontrer les attentes de sa clientèle.

“Nous ne pouvons être sur tous les fronts, d’où l’intérêt de rechercher des partenaires pour co-créer dans des domaines où nous ne nous lancerions jamais”, déclarait ainsi Arnaud Wattiez qui prenait l’exemple d’applis de chat ou de dating destinées aux passagers.

Arnaud Wattiez (SNCB): “Dites-nous quelles données vous aideraient à innover.” Avis aux développeurs…

Sébastien Goffin, de la STIB, s’inscrit dans la même ligne, persuadé qu’une multiplicité d’usages à valeur ajoutée pourraient découler des données de transport public.

Pourquoi, par exemple, ne pas combiner les données temps réel des transports en commun avec les informations générées par les objets connectés orientés e-santé ou fitness (tels les montres ou bracelets connectés). “Si l’appli de fitness détecte que vous n’avez pas encore suffisamment bougé aujourd’hui, cela permettrait d’envoyer un message recommandant de descendre un arrêt plus tôt et de continuer à pied.”

Ou pourquoi ne pas combiner les solutions exploitant les données de mobilité avec celles des objets connectés domotiques: “dès l’instant où le temps de parcours restant pour rentrer chez soi est connu, l’appli domestique peut déclencher le chauffage. Ou le signalement de l’arrivée prochaine d’un bus à l’arrêt où descendent les enfants permettrait de déclencher une ampoule connectée qui se mettrait à clignoter indiquant au parent qu’il peut aller chercher son rejeton… Ce sont là toutes des choses que la STIB ne développera jamais. Mais notre volonté est d’être un fournisseur d’informations temps réel efficaces.”

Si certains jeux de données sont déjà disponibles à la STIB, d’autres pourraient (devraient idéalement) les rejoindre. Mais pas n’importe lesquels. “De nouveaux jeux sont en phase d’examen au sein d’un comité de sélection interne qui est chargé de déterminer ceux qu’il est potentiellement intéressant de mettre à disposition.”

Pour l’heure, la STIB dit enregistrer quelque 125.000 requêtes sur ses API par mois.

Par comparaison, la SNCB a reçu 270 demandes de signature de contrat (pour accès et réutilisation de ses jeux de données). Ils viennent aussi bien de chercheurs, de particuliers, de start-ups que d’entreprises. 24 ont été signés jusqu’à présent.

La SNCB promet aussi de faire la promotion des applis et solutions qui s’appuieraient sur ses données ouvertes. Elles seront mises en exergue via le site de l’opérateur (www.letrain.be/mieux voyager), éventuellement sous l’intitulé “appli recommandée aux voyageurs”. Une sorte d’app store qui ne mangerait pas de pain…

Ceci n’est pas de l’open data…

Les progrès sont là – ou le seront à court terme. Mais l’ouverture n’est encore que partielle. Pieter Colpaert ne manquait pas de le souligner en pointant trois carences dans les annonces des intervenants.

Mettre ses données à disposition, c’est bien, mais ce serait encore mieux si la licence était ouverte. Ce qui n’est pas le cas des opérateurs de transport public – à l’exception des TEC – comme en témoigne le tableau ci-dessous (concocté par Pieter Colpaert).


Autre mauvais point relevé du côté de Bruxelles: le portail open data de la Région ne prévoit pas de lien direct vers les informations de la STIB…

Et, enfin, les opérateurs traînent encore à accepter que des partenaires s’installent en concullègues pour vendre des billets et tickets (en ce compris en-ligne). A cet égard, l’information toute récente [parue dans le journal De Standaard de ce week-end] selon laquelle la SNCB aurait accordé ce droit en exclusivité à une société appartenant à un ancien employé est… fausse selon Arnaud Wattiez.

Olympus Mobility est simplement l’une des sociétés avec lesquelles l’opérateur est en négociation. Il n’y aurait pas d’intention de favoritisme ou d’exclusivité… Les négociations se poursuivent, la SNCB disant vouloir prendre toutes les précautions nécessaires (sérieux des partenaires, disponibilité constante des données qu’ils mettraient à disposition, traitements effectués en strict respect des obligations de protection des données privées…).  [ Retour au texte ]