Le cdH se lance dans la participation citoyenne (dématérialisée) pour se réinventer

Pratique
Par · 30/01/2020

En pleine “refondation” (Maxime Prévot a officialisé le phase préparatoire à un nouveau “mouvement” qui devrait voir le jour dans un an), le cdH se tourne vers les outils numériques pour jouer le jeu de la participation citoyenne pour contribuer à (re)définir les grands axes porteurs de la future formation. Un exercice participatif que le parti a baptisé Il fera beau demain…

En plus des débats en “présentiel” qui seront organisés aux quatre coins de la Belgique francophone, le parti ouvre en effet deux plates-formes en-ligne invitant les citoyens lambda – au-delà des rangs habituels des membres et des militants – à se mêler au débat, à fournir leur avis et à cogiter collégialement aux futures lignes que le parti à (re)naître fera siennes.

La première de ces “plates-formes” a vu le jour le 11 janvier. Baptisée “sicetaitmoi” – si c’était moi, pour les réfractaires aux mots-collés -, elle prend la forme d’une appli Web minimaliste, dans sa forme et sa finalité, qui doit servir en quelque sorte de premier étage, d’accroche-citoyen, amenant ce dernier vers d’autres sphères (physiques ou virtuelles) où le débat se jouera réellement.

Avant d’expliquer la teneur exacte de cet espace virtuel en forme d’appui, un mot sur la deuxième plate-forme qui, elle, n’a pas encore été activée mais qui est promise pour la fin février.

Développée par Cap Collectif, start-up “civic tech” française (1), cette plate-forme sera nettement plus structurée, permettra d’engager réellement le débat, en déployant des argumentaires plus construits. Sicetaitmoi, par contre, tient davantage du sondage rapide”, précise Laurent de Briey, chef de projet Il fera beau demain au cdH.

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(1) Cap Collectif est l’auteur d’une “plate-forme numérique destinée aux organisations souhaitant ouvrir leurs processus décisionnels”. La société présente son produit comme une “boîte à outils” permettant aux entreprises, associations et donc… partis politiques de puiser et utiliser les modules fonctionnels qui les intéressent pour une participation “ouverte”: consultation, budget participatif, questionnaire, appel à projets, boîte à idées, pétition… Applications possibles: “plans d’orientation stratégique, états généraux, co-rédaction de projets de loi, enquêtes publiques, diagnostics de plan local d’urbanisme, processus d’idéation, votations…”
Cap Collectif a déjà une certaine expérience des dé »bats participatifs à finalité politico-citoyenne puisqu’elle avait conçu la plate-forme participative lancée par le gouvernement français voici plus d’un an pour le “grand débat national”, provoqué par la crise des gilets jaunes.

Sicetaitmoi

Si le cdH s’est beaucoup tourné vers la France pour lui concocter sa future plate-forme de débat en-ligne et pour lui mitonner les rencontres en présentiel (ces dernières, baptisées “Rêve-party”, sont imaginées de concert avec la société de conseils d’origine française Dreamocracy), l’appli Web sicetaitmoi est de facture belge. Derrière l’idée, on trouve en effet la société néolouvaniste B12 Consulting.

Sicetaitmoi n’est pas une appli mobile à télécharger mais bel et bien un espace Web, accessible via le site sicetaitmoi.be ou via le site ilferabeaudemain.team. (attention pour les distraits: ce site du cdH se cache derrière une url affublée d’un .team; le .be vous mènera vers une toute autre destination!!)

Ne vous attendez pas à trouver sur sicetaitmoi de longs discours ou argumentations ou un quelconque questionnaire long à remplir. Pas plus qu’un réel espace de discussion et de dialogue. “L’application a volontairement été imaginée en mode ludique. Avec des messages et des choix entre des propositions qui peuvent paraître simplistes.”

Au menu? Une série de “dilemmes” qui sont proposés à l’internaute. Exemple? “Plus de bus ou des bus gratuits?”, “des repas sains gratuits à l’école ou des profs mieux formés et mieux rémunérés?” Dans bien des cas, il n’a a pas de choix réellement possible. A moins d’être radical.

Le cdH veut donc susciter le débat, amener davantage de citoyens-lambda à se mêler à ce débat pré-refondation pour faire valoir leur voix et leur avis sur les choix de société. Avec comme fil rouge pour le parti orange de faire prendre conscience que les choix de société et les choix politiques n’ont rien d’un “yaka”, qu’il faut donc discuter des options, que certains choix génèrent les dérives que l’on ne connaît que trop bien – populisme, croissance sauvage, dégâts environnementaux, effacement de l’humain, etc. etc.

42 choix, organisés en 7 thématiques, sont ainsi proposés entre deux “réponses” qui ne permettent pas forcément de choisir tant elles sont, volontairement, simplistes et non mutuellement excluantes. L’internaute peut se contenter d’un seul dilemme ou poursuivre le jeu autant qu’il veut.

Le but est simplement d’attirer l’attention, de toucher des personnes qui ne suivent pas la politique au quotidien, qui ont été déçues de la politique. Par un jeu de “dilemmes”, simples, touchant au quotidien et aux grands thèmes de société (mobilité, sécurité, environnement…), il s’agit de planter le germe d’un débat, d’amener les gens à réfléchir.”

Le simplisme et l’impossibilité du choix que proposent les dilemmes ne permettront donc de toute façon pas au cdH de récolter, à ce stade, des avis pertinents, des tendances de pensée. Mais, comme on l’a vu, ce n’est pas le but à ce stade. Le but est d’“accrocher” le citoyen et de l’inviter à aller plus loin. Via un débat en meeting ou via la plate-forme.

Pour ce faire, en bout de parcours “dilemme”, l’internaute est invité à laisser ses coordonnées (nom, prénom, adresse mail, code postal). De quoi permettre au parti de lui signaler par exemple un débat en présentiel dans sa région – ou ailleurs, sur un thème qui semble retenir son attention.

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Si vous êtes inquiet du type de traitement que le parti pourrait faire des données de citoyens qu’il collecte ainsi via l’application scieraitmoi, voici le lien vers le document qui précise le cadre et les règles de respect de la vie privée que le cdH s’engage à suivre.

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L’internaute-citoyen est (ou plus exactement sera) aussi incité à consulter la future plate-forme participative pour “creuser” et aller plus loin dans l’introspection et le débat. Le cdH lui propose aussi de continuer le dialogue via sa page Facebook.

A noter ici – nous avons évidemment posé la question – que les auteurs de ce projet participatif n’ont pas retenu l’option d’un débat qui se ferait en priorité ou en premier lieu justement sur les réseaux sociaux. Explication donnée par Laurent de Briey: “nous voulions éviter les échanges de type café du commerce afin de pouvoir générer quelque chose de plus structurer et déboucher sur de réelles propositions.”

L’exercice Sicetaitmoi durera sans doute une bonne partie de l’année que le parti s’est donnée pour se réinventer. Et, souligne Laurent de Briey, il y aura, après consultation et participation citoyenne, un retour vers ces contributeurs lambda. “Tous les avis collectés, les ressentis que nous aurons ainsi fait remonter, seront combinés aux travaux de nos experts. Une synthèse sera faite, selon 10 ou 11 propositions pour chacun des neuf enjeux que nous avons définis pour notre refondation et qui formeront l’ossature du futur mouvement. Cette synthèse sera remise à consultation [participative] pour éviter au maximum la frustration qui naît souvent lorsque ceux qui ont contribué ont l’impression que tout cela reste dans une boîte noire. Les gens veulent un retour sur les opinions qu’ils ont émises. Mais cela restera bien entendu une synthèse et il y aura forcément des frustrations…”

Pour l’instant sicetaitmoi est encore en semi-léthargie, le cdH n’en ayant pas déjà réellement fait la promotion, attendant notamment que sa plate-forme de débat (la vraie) soit en-ligne. En l’espace de six semaines, depuis son lancement à la mi-janvier, l’appui Web a attiré un millier de personnes, curieuses de ce qui se cache derrière ces “dilemmes” qu’on leur propose.