InfiGestion: les besoins numériques spécifiques des infirmières indépendantes

Pratique
Par · 14/11/2018

La société namuroise InfiGestion, créée en 2013 par Anne-Caroline Ernst, infirmière de profession, est l’auteur d’une solution de gestion pour infirmiers et infirmières indépendant(e)s à domicile, qu’ils opèrent en solo ou soient organisés en équipes ou en groupements.

Leur statut d’indépendant(e) est le fil rouge des activités d’InfiGestion qui ne s’adresse donc pas aux infirmières salariées relevant d’organisations telles que les mutualités ou les Centrales de Soins à Domicile.

But poursuivi: “procurer aux infirmières un panel de services leur permettant de se concentrer sur leurs tâches quotidiennes” en allégeant la charge des processus administratifs. Le premier service mis en oeuvre par InfiGestion fut une assistance pour trouver un(e) remplaçant(e) que ce soit en cas d’urgence (maladie, accident) ou de congés. Deuxième service: la facturation des prestations.

Aujourd’hui, grâce à une augmentation de capital, la société désire augmenter progressivement les fonctionnalités proposées via son portail.

Solution Web et mobile

La fonction d’origine (gestion des remplacements) demeure et demeurera – volontairement – un service pris en charge par un intervenant humain. Toutefois, c’est via l’InfiPortail que les demandes de remplacement s’effectuent: le demandeur y signale sa demande dans un agenda mais c’est une coordinatrice qui prend alors la demande en charge pour trouver un(e) remplaçant(e).

“Nous ne voulons pas automatiser cette fonctionnalité”, explique Anne-Caroline Ernst, “parce que chaque infirmière a sa propre manière de gérer ses tournées et a sa propre philosophie de soins, voire sa spécialité. Le matching doit donc respecter ces particularités.”

Pourquoi une solution spécifique pour infirmiers indépendants?

Des solutions permettant aux infirmiers et infirmières de gérer leurs tournées de soins à domicile et les informations médicales qui en résultent, il en existe déjà. Notamment du côté des CSD (centrales de soins à domicile) ou des mutualités. Pourquoi InfiGestion a-t-elle dès lors jugé utile de concevoir sa propre solution, à destination des soignant(e)s indépendant(e)s?

“Les contraintes administratives sont en effet les mêmes que l’on soit infirmière indépendante ou salariée”, explique Anne-Caroline Ernst. “Mais les contraintes de travail diffèrent. Pour que ses activités soient “rentables”, une infirmière à domicile indépendante doit énormément travailler. La nomenclature des actes est en effet peu valorisée. Les infirmières salariées, elles, ont des revenus garantis, quel que soit le nombre de soins qu’elles effectuent. Les prestations des indépendantes s’étalent sur 10 à 14 heures par jour.”

Le besoin d’alléger la charge (encodage, gestion administrative, notes et documentation…) est donc plus important et plus spécifique. Sans parler des modes d’organisation – travail en équipe ou en groupement… – ou du fait que les indépendant(e)s sont, par définition, moins “visibles” comme prestataires potentiels alors qu’ils et elles sont nombreux (quelque 27.000 à Wallonie et à Bruxelles). Ce sera l’objectif du projet InfiLink (voir plus loin dans l’article).

Autres fonctions proposées par le portail et la solution InfiOffice: un agenda, un espace où chaque infirmière retrouve les informations sur ses patients, son plan de soin (pour ses tournées quotidiennes), les prescriptions des médecins, un espace où elle enregistre ses prestations pour chaque patient, ses notes et évaluations et procède à la facturation.

C’est également le portail qui veille à la sécurité des accès aux informations, par un système de restriction par profil. Dans le cas d’un infirmière travaillant en solo, la chose est relativement simple: elle seule a un droit d’accès aux données des patients qu’elle soigne – en vertu du concept de lien thérapeutique. Cet accès est étendu à son ou sa remplaçant(e) le temps de sa mission. Les choses sont un peu moins évidentes pour les soignants organisés en équipe. Dans ce cas, c’est l’infirmière responsable de chaque patient qui octroie ou non un accès à ses collègues (avec consentement préalable du patient).

Prestations et évaluations sont enregistrées en temps réel, via la solution InfiMobile dont l’infirmière dispose sur son smartphone ou sa tablette (Android uniquement pour l’instant mais InfiGestion promet une version iOS dès que la demande sera suffisante).

L’utilisation de cette appli mobile est classique: pour chaque patient, après lecture de sa carte d’identité électronique, l’accès aux données médicales correspondantes est activé. Les prestations et évaluations sont systématiquement resynchronisées avec le dossier central, éventuellement en différé en cas de perte de réseau. Côté sécurité et confidentialité, les données sont chiffrées.

Et la prochaine version (3.0), attendue pour janvier 2019, devrait encore renforcer les fonctions de chiffrement et d’anonymisation.

Par des infirmières, pour des infirmières

Pour financer la réalisation de cette nouvelle version (plus de détails plus loin dans cet article) et pour renforcer ses moyens opérationnels, la jeune société vient de procéder à une augmentation de capital.

Jusque là, InfiGestion avait vécu sur fonds propres, amenés par sa fondatrice, Anne-Caroline Ernst. Lors du nouveau tour de table, neuf autres investisseurs sont venus la rejoindre. De manière significative, il s’agit en majorité… d’infirmières indépendantes (six au total) qui viennent ainsi supporter la solution dont elles sont les premières utilisatrices. “Nous désirions en effet préserver la “fibre humaine” et la qualité métier de la solution. Et garder ainsi un oeil sur ce qui nous préoccupe le plus, à savoir le métier des soins”, souligne Anne-Caroline Ernst.

Autres investisseurs montés à bord: quelques privés (ayant des profils et connaissances en marketing ou informatique – notamment Publi-Market, société spécialisée en marketing et communication) et Namur Invest (qui intervient sous forme de capital et de prêt). “D’une manière générale, nous voulions que les nouveaux investisseurs soient surtout des partenaires”, précise Anne-Caroline Ernst.

Grâce à ses nouveaux moyens, l’une des activités qu’InfiGestion envisage d’organiser, en collaboration avec un partenaire, porte sur la formation des infirmiers et infirmières aux outils numériques qui sont désormais leur quotidien – en ce compris pour les aspects de sécurité (équipements et données) et de vie privée (RGPD…).

Vers une solution plus communicante

La future version 3.0 d’InfiGestion est actuellement développée par Wavenet, là où la version antérieure avait été l’oeuvre de PixFactory. “Le changement de prestataire s’explique par l’étoffement des fonctions et des mécanismes dont nous avons besoin pour renforcer et enrichir la solution”, souligne Stéphan Ernst, CIO de InfiGestion.

Il ne désire pas encore dévoiler la nature des nouveaux modules fonctionnels qui seront ajoutés à la solution mais lève malgré tout un coin du voile sur l’évolution prévue.

Au programme: potentiels d’accès et d’échanges renforcés (notamment pour les soignants travaillant en équipe) et mise en place d’un nouvel espace devant servir d’outil de coordination et de référencement pour les acteurs de soins de première ligne.

Côté échange d’informations, une connexion est déjà prévue vers MyCareNet (développement assuré par Soft N) mais le but est d’y ajouter des mécanismes supplémentaires d’accès aux services des Réseaux Santé (RSW côté Wallonie, son homologue bruxellois d’Abrumet, et les réseaux flamands CoZo-Collaboratieve Zorgplatform, ARH-Antwerpse Regionale Hub et VznKUL).

“Cela nous permettra d’ajouter des accès à des services tels que le journal multidisciplinaire de santé [où les infirmières à domicile, notamment, pourront ajouter des informations] ou les prescriptions électroniques pour infirmières qu’on nous promet d’ici un an ou deux.”

Référencement pour indépendants

L’InfiPortail version 3.0 ambitionne d’inclure un nouvel espace devant servir de “centre de coordination” ou, en tout cas, de source de référencement pour les indépendants assumant des soins de première ligne.

L’idée, avec InfiLink, est de référencer à terme tous les intervenants de soins de santé de première ligne auxquels un patient peut s’adresser, selon ses besoins spécifiques, dans une perspective de soins ou de maintien à domicile. Cela concerne donc aussi bien les patients sortant (de plus en plus tôt) de l’hôpital que les patients souffrant de maladie chronique ou les personnes âgées désirant demeurer dans leur habitation le plus longtemps possible.

“Cet espace servira de source d’informations en-ligne afin d’aiguiller chacun vers l’infirmière qui, par sa pratique ou sa spécialisation, répond le mieux aux besoins du patient.”

Anne-Caroline Ernst (InfiGestion): “InfiLink servira de source d’informations en-ligne afin d’aiguiller chacun vers l’infirmière qui, par sa pratique ou sa spécialisation, répond le mieux aux besoins du patient.”

Dans un premier temps, le répertoire concernera uniquement les infirmiers et infirmières indépendant(e)s mais d’autres métiers ou ressources (par exemple, des locations de matériel médical et paramédical) devraient s’y ajouter par la suite. Ce nouvel espace proposera également des informations et conseils aux patients à domicile.

A l’heure où les autorités appuient sur la pédale des séjours courts et des soins ambulatoires, ce genre de source d’informations et de référencement prend toute son importance, estime Anne-Caroline Ernst. “Les hôpitaux, par exemple, ont certes une bonne connaissance de ce que les CSD ou les Mutualités peuvent proposer en termes de ressources humaines mais ils ne disposent pas d’une liste complète des infirmiers et infirmières indépendantes. Ils sont demandeurs de ce genre de chose.

De leur côté, ils constituent certes des équipes d’infirmières pour assurer certains soins post-hospitalisation mais ils ne pourront faire face à tous les besoins. Le phénomène de l’hospitalisation à domicile progresse beaucoup plus vite que leur potentiel à constituer leurs propres équipes. 

Il y a un énorme volume de sorties d’hôpital, de personnes âgées qui sont en attente d’une place en maison de repos, ou d’autres qui veulent continuer de vivre à domicile. Il y a donc place pour tout le monde [côté soignants]…”