Houffalize: co-créer avec les utilisateurs finaux

Pratique
Par · 18/05/2017

Avec Fléron, Houffalize est l’une des deux communes que la start-up LetsGoCity a embrigadées pour servir à la fois de terrain de test grandeur nature pour valider la pertinence de son appli mobile et, peut-être surtout, pour l’aider à en enrichir le catalogue fonctionnel.

Pour rappel, l’appli de la société se présente sous la forme d’un kaléidoscope de services au citoyen. L’idée, dans une optique “smart city / citoyen connecté”, est de jouer les agrégateurs d’infos, de flux et services locaux en concentrant sur le smartphone ou sur la tablette de l’usager un ensemble de vignettes lui permettant de personnaliser le type d’informations et de services auxquels il s’abonne, sur base de sa localisation géographique et de ses centres d’intérêt: actualités, tourisme, shopping, vie culturelle, services municipaux du genre événements communaux, horaires de collecte des déchets, infos de l’école des enfants, horaires de bus, de cinéma…

Si l’utilisateur final peut être le client direct de LetsGoCity, la société vise aussi une autre clientèle, appelée à jouer les intermédiaires, à savoir les villes et communes. C’est ainsi que Fléron et Houffalize se sont laissées séduire par la solution – et servent de cobayes pour l’ajout ou l’adaptation des premières fonctionnalités.

Cocréer l’application

A Houffalize, aussi bien les responsables communaux que ceux de l’ADL (agence de développement local) se sont engagés dans un processus de cocréation avec l’équipe de LetsGoCity. “Pour identifier réellement les attentes et besoins des citoyens, qui seront les destinataires finaux de l’appli, nous avons organisé une série d’ateliers de réflexion avec des citoyens, des commerçants, des enseignants…”, indique Julie Sacré, coordinatrice à l’ADL Houffalize/La Roche-en-Ardenne.

La première demande qui s’est fait jour fut de rendre l’appli plus conviviale, “plus fluide. De rendre les boutons plus lisibles… Certains utilisateurs ne s’y retrouvaient pas vraiment. Divers commerçants ont aussi émis le voeu de pouvoir poster du texte ou des photos afin de pouvoir mieux rester en relation avec leurs clients.”

Parmi les infos et services qu’il a ainsi été décidé d’inclure dans l’appli destinée à Houffalize, citons les informations du conseil et du collège communal, les horaires de l’administration, l’agenda du service culture, celui des activités extra-scolaires, les horaires de collecte des déchets et des parcs à conteneurs (infos fournies par l’intercommunale Idelux)…

“La commune se réserve en outre un certain nombre de “crédits” (voir ci-dessous) pour pouvoir envoyer des alertes aux citoyens. Par exemple, des avis de route barrée, de travaux importants de voirie, d’événements majeurs…”, ajoute Julie Sacré.

A terme, l’appli pourrait permettre d’envoyer l’ordre du jour du conseil communal et inclure un lien direct vers l’e-guichet (pour transactions et commandes de formulaires). Mais cela dépendra en partie de la refonte du back-office de la commune, actuellement en cours, et en partie de l’évolution technique de la solution LetsGoCity, par exemple pour son aptitude à accepter des flux plus volumineux (tels que des documents texte ou Pdf). Des paiements en-ligne sont également envisagés mais cela dépendra de l’accord éventuel à passer entre LetsGoCity et Joyn. Autre fonction dont la commune ou les utilisateurs aimeraient pouvoir disposer: un onglet permettant de publier des offres d’emplois à pourvoir sur le territoire municipal…

Tout cela devra faire l’objet d’arbitrages, en fonction des préférences, des priorités et des possibilités techniques.

Stock de crédits

Pour l’utilisateur final – le citoyen, le commerçant… -, l’appli est gratuite. La start-up rentabilise sa solution en proposant un abonnement à la commune de Houffalize. Celle-ci “achète” un certain nombre de “crédits”, sorte de droits d’utilisation des canaux d’informations “agrégés” via la solution qui sont facturés “en mode domiciliation”, explique Julie Sacré. La commune paie son “loyer-crédits” chaque mois. Le nombre de crédits alloués dépend du nombre d’habitants.

Ces “crédits” permettent aux différents services communaux (culture, sports…) ou organismes para-communaux (ADL, association de commerçants, réseau scolaire, syndicat d’initiative, parc naturel, centre sportif…) d’envoyer un certain nombre d’informations aux citoyens qui se sont abonnés à ces services.

“La commune a redistribué, gratuitement, aux divers services et associations un certain quota de crédits. Ils peuvent ainsi informer la population sur des événements, présenter leurs activités… L’association des commerçants dispose, chaque mois, d’un quota de crédits qui permettent aux commerçants d’envoyer des informations, des promotions…”

Pour éviter de noyer le citoyen sous une avalanche de notifications, le quota de crédits est plafonné chaque mois, par service communal ou organisme para-communal. A Houffalize, il a ainsi été décidé que chaque service ou association ne pourrait envoyer qu’une seule notification par semaine aux citoyens qui se sont abonnés à ce “fil” d’info.

Le quota de crédits peut toutefois être adapté chaque mois, en fonction notamment du taux d’utilisation. “Un service qui constaterait qu’il ne “consomme” pas tous ses crédits peut décider d’en faire don à un autre dès le mois suivant.”

Certains services de notification sont, par nature, plus “gourmands” en crédits. C’est ainsi qu’une école a demandé à pouvoir envoyer davantage de notifications aux parents à l’occasion d’un voyage scolaire. Logique! Le but étant d’informer les parents pendant ce voyage, une seule notification sur la semaine aurait clairement été en-deçà du but poursuivi.

De même, certains commerçants désireront sans doute pouvoir envoyer plus d’une info ou promotion par semaine… La phase-pilote devrait permettre d’affiner les scénarios et les formules. Des “commerçants-ambassadeurs”, chargés d’évangéliser leurs collègues et de recueillir leurs besoins et réactions, détermineront, pendant la phase-pilote, quelle formule spéciale mettre en oeuvre pour des crédits spéciaux “promo”. “De type coupon ou tout autre type de crédit…” Il se pourrait par exemple que les commerçants puissent “acheter” directement leurs crédits auprès de LetsGoCity en passant par l’intermédiaire de la ville. “Mais tout cela est encore en test. Nous voulons d’abord vérifier comment les clients réagissent, s’il y a des variations selon les périodes de l’année…”, souligne Julie Sacré.

Les “ambassadeurs” ont été sélectionnés par l’ADL en fonction de leur plus grande aptitude ou attirance pour des outils numériques. Julie Sacré: “Certains sont clairement plus réceptifs à ce type d’outils que d’autres. Nous avons par exemple choisi des commerçants qui pratiquaient déjà les paiements mobiles sur smartphone ou des affichages LED dans leur boutique…”

Long travail de conviction

Pendant toute la période de test-pilote (qui devrait se poursuivre jusqu’à la fin de l’été), Houffalize a préféré n’impliquer que des groupes-cible spécifiques, sans ouvrir directement la solution aux citoyens (à l’exclusion des parents à l’occasion d’un voyage scolaire).”

Jouer les cobayes n’est pas une sinécure. C’est en effet l’époque où on “essuie les plâtres”. “Les gens se montrent parfois plus frileux, plus réticents à participer parce que la plate-forme risque de changer. Ce qui implique qu’ils devront réapprendre certaines fonctionnalités… Cela risque de les décourager. Le travail de motivation doit donc être plus intense. Raison pour laquelle également, nous n’avons pas ouvert d’emblée l’appli aux citoyens.

Bon côté des choses, par contre, nous avons la possibilité d’influer sur les choix et nous disposerons bientôt d’une plate-forme stable et plus riche.”

L’une des clés pour convaincre des partenaires (associations…) de l’utilité de la solution est, selon Julie Sacré, de leur faire comprendre qu’“il ne s’agit pas là d’une application supplémentaire [Ndlr: qui viendrait charger leur barque, en quelque sorte] mais d’un outil utile pour le développement de leurs propres projets.”