L’ETNIC planche sur une “culture de la donnée” au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Pratique
Par · 08/08/2022

Ouvrir la voie à des projets informatiques ou de “transformation numérique” agiles. “Acclimater” les OIP et les différents départements de la Fédération Wallonie-Bruxelles à la “culture des données” en les amenant à s’approprier ces ressources, souvent négligées voire insoupçonnées,  – ainsi que leur gestion efficace – afin d’améliorer le métier et les services prestés. Tels étaient deux des enjeux identifiés par l’ETNIC, partenaire IT officiel de la Fédé, dans le cadre de la formalisation de son nouveau contrat stratégique 2021-2026.

“Dans le cadre de ce contrat, l’une des clés était clairement la science des données. Le constat avait en effet été posé que dans nombre de cas et de projets, les données n’étaient pas disponibles pour mener à bien les initiatives pressenties ou les responsables n’avaient pas conscience de leur existence ou de leur potentiel”, souligne Philippe Ribue, senior program and change manager à l’ETNIC.

Il était donc nécessaire d’instaurer un véritable “changement culturel sur la donnée, faire en sorte de se les réapproprier”. Sans parler d’une prise de conscience et d’un travail de fond sur la notion que le problème sous-jacent n’est pas uniquement informatique mais aussi métier.

Pour l’aider dans ce renouveau, l’ETNIC s’est mis en quête d’un partenaire avec, comme exigence essentielle, qu’il “comprenne nos finalités”.

Après avoir évalué les propositions et modes de fonctionnement de cinq sociétés orientées science des données et approche agile, son choix s’est porté, fin 2020, sur la société brabançonne Agilytic, basée à La Hulpe. 

“Nous voulions également pouvoir déployer des projets données qui donnent des résultats métier en moins de trois mois. La condition sine qua non étant qu’il faut partir de finalités métier claires et d’indicateurs clairs”. Pas évident compte tenu du constat évoqué ci-dessus: absence de données, méconnaissance de leur existence, flou sur les utilisations qui en sont faites ou par qui…

 

Déployer des projets données qui donnent des résultats métier en moins de trois mois.

 

En collaboration avec les responsables concernés du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Agilytic et l’ETNIC ont alors démarré un exercice d’identification des projets et métier qui se prêtaient le mieux et le plus rapidement à l’exercice “mini-réussite rapide”.

Pour ce faire, un data office, composé de trois personnes, a été créé au sein du Ministère avec pour mission de proposer deux ou trois cas d’usage pour lesquels les données étaient identifiées ainsi que leurs finalités et pour lesquels les premiers intéressés parmi les collaborateurs du Ministère faisaient montre d’une réelle motivation. Sans quoi l’objectif d’un déploiement concret et fructueux resterait pure illusion…

Le duo ETNIC-Agilytic a évalué, qualifié les cas d’usage proposés, vérifié leur faisabilité. Les cas sélectionnés ont concerné les ressources humaines, la gestion des bâtiments, le département finance (où une solution SAP avait été récemment déployée) et une équipe GED qui opérait déjà en mode agile.

Phase d’extension

Les premiers projets ayant fait office en quelque sorte de démonstrateurs de la pertinence d’une approche “culture des données / projet agile”, l’ETNIC, toujours en collaboration avec Agilytic, est passé à la deuxième étape… celle de la propagation de la méthode.

“Nous avons commencé par identifier les rôles ainsi que les compétences qui étaient nécessaires, au sein du Ministère”, indique Philippe Ribue. 

Côté “rôles”, deux profils ont été identifiés: celui d’“intendant des données” et celui de “responsable stratégique des données”.

Le premier doit servir de personne de référence. “Il est responsable d’un domaine précis, par exemple la gestion des bâtiments. Il a des connaissances métier spécifiques”. Dans l’exemple cité, il est par exemple en mesure de dialoguer avec des experts architectes. “Il doit pouvoir expliquer l’enjeu de la qualité des données et des indicateurs pour la préserver, expliquer qui les utilise et comment…” Toujours pour l’exemple pris des bâtiments, c’est à l’“intendant” qu’il a incombé de pointer la grande disparité de définition d’une même donnée. En l’occurrence, la manière dont la surface des bâtiments était calculée ! Pas moins de 23 formules de calcul différentes étaient utilisées… Après son intervention, un référentiel unique a été constitué, avec calcul harmonisé des données.

Le “stratège”, lui, a une connaissance moins pointue d’un domaine déterminé “mais connaît la stratégie de l’organisation dans une optique de 2 à 5 ans. Il doit être en mesure de discuter des enjeux liés à la donnée”. Exemple cité par Philippe Ribue: les enjeux et priorités de données à exploiter pour l’organisation des stages, afin d’en déduire par exemple le périmètre minimal de projet, le type de tableaux de bord nécessaires…

Selon les départements, domaines et projets, chaque administration devrait disposer à terme d’un ou de plusieurs “intendants des données”, à temps plein ou à temps partiel. Au niveau “stratège”, une seule personne officiera par administration.

Côté compétences à acquérir, un trajet de deux ans de formation a été imaginé pour le profil “intendant des données”. La formation porte sur une multitude de choses. Petite énumération (non exhaustive) par Philippe Ribue: mise en qualité de la donnée, création de référentiels, utilisation des sources authentiques, RGPD, sécurité de l’information, création d’indicateurs et de tableaux de bord…

Autre mesure instaurée par l’ETNIC: la création d’une “communauté d’intendants des données”, afin de favoriser le partage des idées, connaissances et acquis.

Premières avancées

Quels premiers résultats et changements ont-ils été notés depuis que l’ETNIC s’est engagé dans cette voie avec l’aide de coachs (des personnes ayant à la fois une vision globale, des connaissances en BI et IA et aptes à faire le lien entre IT et métier) et de développeurs venus d’Agilytic?

“Aujourd’hui”, déclare Philippe Ribue, “quand le métier [les porteurs de projets ou responsables de département des administrations] s’adresse à nous avec une demande, il a déjà réfléchi à une solution et peut formuler le type de solution qu’il désire voir opérationnelle dans les trois mois qui suivent.” Auparavant, cette phase d’identification et de formulation était laissée à l’ETNIC.

Le métier a donc déjà réfléchi et identifié également les indicateurs qu’il sera appelé à utiliser.

Philippe Ribue (ETNIC): “Il y a certes eu des progrès mais, pour certains départements, il y a toujours cette crainte de réutilisation à de mauvaises fins…”

L’un des changements les plus radicaux se situe au niveau du périmètre des projets – ou des finalités visées. Finis (en principe) les projets mastodonte, avec des attentes surdimensionnées, “qui sont synonymes de maturation lente, de non appropriation des données. Désormais, le métier s’approprie ses données, a conscience qu’elles servent à piloter sa stratégie.”

Bien entendu, ce changement ne s’est encore opéré que dans certains départements, dans le chef de certains responsables.

L’un des premiers départements à avoir embrayé sur la nouvelle approche fut la Direction générale des sports et de la culture, qui s’est attelé à un travail sur la qualité des données. Le premier résultat tangible a vu le jour au profit de l’ADEPS. Le passage à l’open data a en effet permis le développement de l’appli mobile Points verts.

L’administration de l’enseignement s’est quant à elle engagée dans un processus de mise au rebut des anciennes méthodes de communication avec les directions d’établissement – qui passaient encore par le document papier et le recours à des tableaux Excel. “En l’espace de quelques mois, une solution a été développée en Power Apps pour autoriser un accès aux informations via un entrepôt de données.”

Tous les services, tous les responsables métier n’ont évidemment pas encore embrayé sur cette “culture de la donnée”. En particulier lorsqu’il est question d’adopter une démarche open data. “Certains départements se montrent plus frileux. Il y a certes eu des progrès. L’administration de l’enseignement a par exemple rendu la liste des écoles disponible, le cadastre des subventions a été réalisé. Mais, pour d’autres, il y a toujours cette crainte de réutilisation à de mauvaises fins…” 

L’objectif de l’ETNIC demeure malgré tout d’atteindre l’objectif fixé: avoir publié d’ici la fin 2024 un minimum de 20 nouveaux jeux qualitatifs d’open data en plus de la petite dizaine qui existaient déjà en début de législature. L’objectif est aujourd’hui atteint à moitié…

Changement d’optique

Si le métier est appelé à davantage dimensionner, documenter et objectiver ses projets et à s’approprier ses données et leur gestion qualitative au fil du temps, le rôle de l’ETNIC en sera forcément bouleversé, ce pan de son rôle disparaissant – du moins en partie. “La nouvelle approche nous pousse à nous positionner davantage en fournisseur de solutions techniques, de solutions durables, en intégrateur de services au service d’une gestion des données des citoyens selon un cycle de vie complet. Il nous incombe également d’assurer le suivi de l’accélération des nouvelles technologies. Par exemple, la manière d’intégrer les nouvelles interfaces low code dans un environnement sécurisé…”

Christophe Robyns, co-fondateur et directeur d’Agilytic, le formule autrement: “auparavant, entre le Ministère, les administrations et l’ETNIC, la relation était celle de client à fournisseur. Désormais, le modèle est plutôt celui du partenariat, d’une collaboration entre métier et IT, avec un métier qui est mieux à même de préparer ses données…”.

L’une des ambitions de l’ETNIC, souligne Philippe Ribue, est d’en arriver à un stade où la donnée, sa gestion et son exploitation deviennent le levier d’un service dynamique au citoyen en tant que personne, dans les différents contextes de vie dans lesquels il est amené à solliciter ou bénéficier des services publics.

Idéalement, l’administration, quelle qu’elle soit, devrait pouvoir devancer certains besoins. En évitant de redemander des informations dont elle dispose déjà en raison d’une précédente interaction. En consolidant et harmonisant les données entre départements et services. “A terme, via son espace personnel, le bénéficiaire potentiel d’une bourse d’études devrait pouvoir bénéficier d’une réception personnalisée quasi automatique. Mais cela exige un important travail de gestion transversale de la donnée.”

Autre exemple cité comme perspective future par Philippe Ribue: un processus d’inscription automatique à l’université pour les détenteurs de diplômes temporaires, “sans plus devoir resolliciter les écoles pour obtenir les documents.”