Les éditeurs, toujours mal préparés aux mutations “e-book”?

Pratique
Par · 21/11/2013

A l’occasion de la récente Foire du Livre de Francfort (octobre 2013), la start-up namuroise Primento, spécialiste de l’édition numérique, a réalisé un sondage auprès de professionnels présents au salon.

Objectif: déterminer leur perception et leurs intentions éventuelles en matière de livres numériques.
535 professionnels du livre, de diverses nationalités, ont ainsi été interrogés (v. détails méthodologiques en encadré).

Conclusions?

  • 60% des professionnels du livre (et même 71% d’entre eux si on restreint l’échantillon aux seuls francophones) ne lisent jamais sur supports numériques; 37% lisent à la fois des livres sous format papier et électronique. Seuls 3% se sont intégralement convertis aux e-books.
  • supports utilisés (plusieurs réponses étaient possibles): 57% des personnes interrogées lisent leurs e-books sur tablette; 48% sur liseuses (Kindle, Kobo…), 13% sur ordinateur classique, 10% sur smartphone
  • 26% des éditeurs francophones interrogés estiment que leur société “est insuffisamment préparée pour saisir les opportunités du numérique”. Ce pourcentage est sensiblement supérieur à la moyenne enregistrée sur l’ensemble des nationalités interrogées lors du sondage, puisque – toutes langues confondues – 14,5% des éditeurs parlent de préparation insuffisante
  • côté perception, les professionnels sont largement convaincus que l’e-book représente l’avenir: ils sont en effet 80,6% à estimer qu’il représente “une opportunité qui viendra compléter l’édition papier”. 15,3% considèrent même que le numérique remplacera totalement le papier (dans un avenir non précisé).

”Les éditeurs observent de nouveaux entrants se positionner dans leur industrie sans s’inquiéter, les livres numériques n’étant pas perçus comme une évolution du métier d’édition, mais bien comme le déploiement d’une profession parallèle par les éditeurs eux-mêmes”, déclare Thibault Léonard, fondateur de Primento. L’écart, selon lui, se creuse entre les lecteurs, d’une part, et les éditeurs, de l’autre.

“Situation qui n’est pas tenable à long terme. Les éditeurs doivent apprendre à penser et à agir comme des digital natives pour réussir leur conversion numérique.

Réussir en numérique nécessitera la participation active de tous les professionnels de l’édition.

Le changement ne doit pas uniquement venir des managers. Si leurs forces vives ne lisent pas et ne pensent pas ‘en numérique’, les maisons d’édition ne peuvent saisir les opportunités de développement commercial et intellectuel qu’a à offrir ce secteur. Il ne suffit pas de changer les processus pour réussir à ce niveau, il faut également que les mentalités évoluent.”

Et d’ajouter: “Il est vrai que les compétences requises impliquent une autre manière de penser la chaîne du livre. Mais si les éditeurs refusent de prendre en compte cette évolution et d’adapter leur business model, ils risquent de perdre leur place originelle et de voir leur industrie se réorganiser sans eux, comme ce fut le cas dans d’autres domaines par le passé.”

A la lecture des résultats de l’étude, Thibault Léonard estime par ailleurs que les professionnels du livre n’envisagent pas forcément les bonnes pistes ou les bons créneaux pour imaginer le succès des e-books. “Etrangement, les éditeurs pensent que ce sont les secteurs de l’éducation [32,5% des réponses] et de l’édition professionnelle/académique [26,4%] qui parviendront le mieux à tirer profit de la révolution numérique d’ici à fin 2015 [Ndlr: la fiction n’est citée que par un-cinquième des personnes interrogées et les journaux et médias par 13,3% d’entre eux]. Les éditeurs sont trop optimistes concernant l’éducation, ce domaine étant largement sous-financé et très conservateur lorsqu’il s’agit d’embrasser un changement”, relève-t-il.

Composition de l’échantillon

Parmi les 535 professionnels du livre interrogés, 67% travaillent pour des éditeurs, 6% sont libraires, 9% des prestataires de services ou intermédiaires, 3% des sociétés IT. Le solde (15%) n’est pas défini en termes de profils.

Langues des réponses (ce qui ne permet pas forcément d’identifier la nationalité):

  • anglais: 29%
  • allemand: 25%
  • français: 14%
  • italien: 6%
  • espagnol; 5%
  • autres: 20%.