DNAlytics: éviter les biais dans les études cliniques

Pratique
Par · 26/10/2020

D’ici quelques semaines, des études cliniques visant à valider l’efficacité et la sécurité sanitaire des divers vaccins anti-Covid-19 se poursuivront ou seront initiées un peu partout sur la planète, notamment dans divers hôpitaux universitaires du pays, sur d’importantes cohortes d’individus. La jeune société belge DNAlytics, notamment spécialisée dans l’analyse de grands jeux de données de santé, a imaginé une nouvelle procédure analytique destinée à éviter les “biais de stratification” qui conduisent parfois à une mauvaise sélection des patients utilisés comme cohortes-témoin et qui, soulignait récemment Thibault Helleputte, fondateur et directeur de DNAlytics, “risquent d’affaiblir les conclusions de telles études”.

Dans le cadre de ce développement, la société a notamment collaboré avec Welbio, l’institut de recherche inter-universitaire wallon.

Explication de Damien Bertrand, responsable du développement commercial de la société.

Les clés de la rigueur scientifique

Pour mieux faire comprendre l’enjeu et la problématique à résoudre, Damien Bertrand tient tout d’abord à rappeler les principes de la recherche clinique. Son but est d’étudier soigneusement les nouveaux produits pharmaceutiques (médicaments, vaccins) ainsi que les dispositifs médicaux, avant leur mise sur le marché. 

“Au terme d’investigations menées en laboratoire, ces produits sont évalués sur des sujets humains au travers de différentes phases visant à déterminer successivement les risques de développer certains effets non désirés, les dosages appropriés, et leur efficacité. Ces tests sont généralement effectués dans des hôpitaux, après approbation des protocoles de recherche par des comités d’éthique indépendants. Tout au long de leur déroulement, ces études sont par ailleurs supervisées par d’autres comités indépendants à la fois du médecin investigateur et de la société pharmaceutique qui développe le produit.

La mise en oeuvre pratique des études est également confiée à des prestataires indépendants, chargés de la collecte des informations, du suivi des patients, de l’analyse des résultats et de la publication de ceux-ci. L’ensemble de la procédure est ainsi organisée de manière à maximiser la rigueur et l’indépendance scientifique.”

L’importance d’aller vite

La situation sanitaire actuelle est exceptionnelle à plus d’un titre: l’extension de la pandémie mais aussi la vitesse avec laquelle de multiples chercheurs et sociétés pharmaceutiques se sont mobilisés pour tenter de développer un vaccin ou trouver des solutions thérapeutiques. Les sommes d’argent engagées – tant privées que publiques – sont  gigantesques, tout comme les enjeux – économiques, stratégiques, voire politiques. Sans parler de l’enjeu sanitaire…

C’est la course contre le temps. “Les études cliniques demandent beaucoup de temps. Une des raisons est la difficulté qu’il y a à identifier des individus volontaires pour participer aux études… D’autant que, lorsque ces individus se manifestent, il faut encore s’assurer qu’ils répondent aux critères définis pour rejoindre l’étude, sans quoi ils ne pourront malheureusement pas prendre part à la recherche. 

Cette problématique du recrutement est une des thématiques sur lesquelles s’est penché Welbio, l’institut de recherche inter-universitaire wallon, avec le concours de DNAlytics. Très récemment, un formulaire d’enregistrement a été mis en ligne, permettant à des volontaires d’exprimer leur intérêt pour la recherche clinique. Cette plate-forme est lancée en Belgique francophone dans le but spécifique de préparer aux études cliniques qui testeront prochainement des candidats vaccins contre le Covid-19: l’importance d’aller vite n’est plus à démontrer ! 

Le principe est très simple et respecte scrupuleusement la protection de la vie privée : les personnes désireuses de se porter candidates sont invitées à remplir un court formulaire, dont le contenu viendra peupler une base de données gérée par Welbio. Lorsqu’une étude sera lancée, Welbio enverra une notification aux candidats éligibles, en les invitant à contacter pro-activement les hôpitaux participant à l’étude.

La base de données est exploitée exclusivement par Welbio. Les hôpitaux et les sociétés privées porteuses des études n’y ont pas accès. Les individus enregistrés gardent la liberté totale de prendre part à une étude, et peuvent à tout moment demander à être retirés de la base de données. Le formulaire et les instructions détaillées sont disponibles sur www.rechercheclinique.be.”

Vers des résultats robustes

Cette plate-forme de collecte d’informations sur les “candidats testeurs” est loin d’être la seule chose que DNAlytics ait aidé à développer. De manière nettement plus fondamentale et en prise directe avec ses compétences spécifiques, la société a conçu différents outils permettant d’objectiver et de rendre plus “vertueux” et équitables les processus de sélection des personnes appelées à participer aux tests des vaccins. En éliminant à la source les éventuels “biais” dans le choix des cohortes.

“Nos outils visent à garantir une distribution aléatoire des patients dans une étude multi-bras. Afin de bien comprendre la portée de ces outils, il est bon de rappeler quelques principes fondamentaux. Une étude “à multiples bras” est généralement constituée d’un groupe de patients (un bras) qui vont recevoir le produit étudié, un ou plusieurs autres bras recevant éventuellement des produits déjà disponibles pour l’indication visée, et dans certains cas un bras “placebo” recevant un produit sans principe actif.

De telles études permettent d’objectiver si le produit étudié présente une efficacité dans l’absolu (lorsqu’il est comparé au placebo) ou une supériorité relative (lorsqu’il est comparé à d’autres traitements).”

 

Damien Bertrand (DNAlytics): “Garantir une répartition équilibrée des sujets est plus subtil s’il s’agit de prendre en compte de multiples critères en parallèle.”

 

Plus une étude multiplie les “bras”, plus il devient difficile de garantir un équilibre pertinent dans la composition des cohortes. Le fait est, souligne Damien Bertrand, que des biais soient observés dans la distribution des patients, “ce qui compromet la conclusion que l’on pourra tirer de l’étude.”

Dans une étude à deux bras où le seul critère de qualification (sélection) des patients est leur sexe, “il peut arriver que la distribution aléatoire de ces patients dans les deux bras ne soit pas rigoureusement balancée, occasionnant par exemple une plus grande proportion de femmes dans le bras recevant le produit par rapport au second bras servant de contrôle.

Lors de l’analyse statistique des résultats, il sera alors impossible de conclure si une meilleure réponse dans le bras actif témoigne de l’efficacité du produit dans l’absolu, ou d’une action préférentiellement observée sur les sujets féminins…”

Les choses se corsent quand on augmente le nombre de bras et de critères… “Veiller à une répartition équilibrée des sujets d’après un seul critère est une tâche assez triviale. C’est en revanche plus “subtil” s’il s’agit de prendre en compte de multiples critères en parallèle, et c’est précisément ce que réalisent les outils développés par DNAlytics.

Sans rentrer dans des considérations techniques, il faut imaginer un maillage construit sur base des critères de sélection déterminés pour une étude – s’il y a trois critères, l’outil présentera neuf mailles, seize mailles pour quatre critères, etc.

Le programme associera alors un maillage à chacun des bras de l’étude et, lors du recrutement progressif des patients, veillera à allouer ces patients de manière à conserver en permanence un remplissage équilibré des différents maillages: cette répartition est appelée une distribution aléatoire stratifiée.”

Pour aller plus loin… 

La complexité ne s’arrête pas là. loin de là! “Même avec de telles précautions méthodologiques, l’analyse des résultats d’une étude clinique peut nécessiter l’utilisation de techniques statistiques avancées, qui visent notamment à évaluer les interdépendances entre certaines observations et des caractéristiques propres aux participants. Le design envisagé pour une étude, la taille de la cohorte souhaitée, les critères d’inclusion et d’exclusion des participants, la durée d’observation des sujets sont autant de paramètres qui devront faire l’objet de compromis afin de garantir une réponse la plus robuste possible pour l’objectif primaire de l’étude, tout en nourrissant un maximum d’analyses au titre d’objectifs secondaires…”, conclut Damien Bertrand.