Cosucra: pas de transformation numérique sans vérification d’hypothèses

Pratique
Par · 01/10/2018

Depuis un peu plus de huit ans, Delaware est le partenaire IT de Cosucra. Sa première intervention avait concerné le déploiement d’une solution ERP globale (SAP) couvrant ses besoins, à commencer par la gestion commerciale et logistique (plus de détails dans l’encadré ci-dessous).

La société en a retiré des avantages, en termes de centralisation de l’information et de gestion plus structurée et temps réel, mais il s’agit désormais pour Cosucra de pousser plus loin l’exercice de “transformation numérique”.

Un portail accessible à certains acteurs extérieurs s’appuie ainsi sur les flux et les données SAP et Sharepoint. Parmi eux, des planteurs de chicorée qui vendent leurs matières premières agricoles à Cosucra afin que la société en extraie de l’inuline, utilisée pour produire des composants alimentaires pour animaux. 

De septembre 2017 à février 2018, de premiers essais d’échanges de données ont été réalisés avec quelques planteurs-pilote.

“En 2006, les différentes entités juridiques de Cosucra avaient été réunies dans une même société, ce qui avait conduit à aligner les différentes stratégies et solutions IT. D’où l’installation d’un ERP”, explique François Derecourt, responsable IT.

Outre les premiers modules installés (gestion commerciale, logistique ou encore assurance-qualité), d’autres furent déployés par la suite: achats, assurance-qualité, finances, RH…

“Cela a eu divers avantages, notamment la structuration de tous nos flux et une gestion temps réel des données, désormais centralisées. Cela nous permet de garantir entre autres choses la traçabilité en bout en bout – depuis la matière première [produits agricoles, notamment] jusqu’au produit fini.”

Pour orchestrer et moderniser ses échanges avec le monde extérieur, Cosucra a en outre implémenté Office 365 (de Microsoft). “Nous y avons gagné en performances dans les traitements et échanges de fichiers et en travail collaboratif.”

Des échanges plus fluides

Dans un premier temps, le portail servira à fournir des informations aux planteurs: quantité et qualité des matières premières livrées, outil de calcul des rémunérations auxquelles ils ont droit…

En sens inverse, le portail permettra de mettre au rebus les anciens échanges de formulaires papier. Les planteurs sont en effet tenus d’informer Cosucra sur la date de leurs semis, le type de désherbage auquel ils procèdent, le type de matériel utilisé ou encore le type de produits utilisés pour le traitement des plantations.

A l’avenir, la dématérialisation de ces flux d’informations destinés au contrôle de qualité sanitaire pourra encore être optimisée – même si l’automatisation totale ne sera jamais possible. “A terme”, estime François Derecourt, “certains capteurs, déployés sur le terrain ou sur les équipements agricoles, permettront certes de fournir automatiquement certains types de données à Cosucra, mais des déclarations et relevés manuels (via encodage en-ligne) demeureront nécessaires. Notamment pour assurer le suivi et documenter tout ce qui est désherbage mécanique, choix de semis…

Mais, dès à présent, souligne Fabien Care, directeur ICT & SCM chez Cosucra, “le portail nous fait gagner en efficacité interne, élimine les processus papier, raccourcit les délais de livraison d’information et améliore la qualité de celle-ci. Le retour d’informations aux planteurs devient plus efficace, leur permettant d’améliorer leurs pratiques pour la saison suivante.”

L’étape de l’apprentissage

La centralisation de toutes les données dans SAP et les données collectées via le portail permettent donc à Cosucra de disposer d’informations plus rapidement et de manière plus précise. L’exploitation de ces données se fait encore à des fins de décisionnel classique (vérification de la qualité des produits, des techniques de culture, avec retour d’informations et recommandations aux planteurs).

François Derecourt (Cosucra): “Le but est d’en arriver à un modèle performant. Que l’on vienne à collecter trop de données, ou pas assez, et le modèle ne servirait à rien…”

“Nous sommes actuellement en phase d’étude prospective pour déterminer ce que l’application de l’apprentissage automatique (machine learning) sur les données pourrait nous apporter. Le stade actuel est celui de la validation ou de l’invalidation d’hypothèses, avec l’assistance de Delaware. Le stade de la gestion prédictive des données viendra plus tard.” Idem pour la gestion de maintenance et le suivi de production.

La troisième étape, encore éloignée, consistera dans l’optimisation du volet commercial, à destination des clients utilisant l’inuline, en fonction du “comportement d’achat” (préférences, exigences, cycles d’achat…) des clients finaux. “Mais, pour cela, il faut disposer de volumes de données suffisantes pour pouvoir entraîner et alimenter les solutions d’apprentissage automatique.”

Côté décisionnel proactif à des fins de maintenance plus efficace, Cosucra a déjà installé certains capteurs et instruments de mesure sur divers équipements de production connectés “mais cela reste assez basique”, déclare Fabien Care. “Les équipements ainsi surveillés en temps réel sont des moteurs, des pompes. Au début, le remplacement de certaines pièces se faisait systématiquement au bout d’un nombre fixe de mois. On est ensuite passé à de l’analyse plus ponctuelle de certains paramètres, tels que le bruit produit. Etape suivante: le recours à des outils connectés pour savoir précisément quand procéder à de la maintenance. 

On arrive progressivement dans le champ de la prédiction. L’étape suivante consistera, à l’aide de capteurs, à analyser les données physiques relevées et à déterminer dans combien de jour une maintenance sera nécessaire.”

Le déploiement de ces capteurs se fait de manière progressive – notamment lorsque Cosucra installe de nouveaux équipements.

Tests d’opportunité

Pour l’heure, comme on l’a vu, la société procède, avec son partenaire Delaware, à des tests d’opportunités et de vérification d’hypothèses. Sur base de ces tests de pertinence de processus d’apprentissage automatique, Cosucra compte se faire une idée précise des quantités et types de données dont elle aura besoin pour mieux transformer ses processus. “Le but est d’en arriver à un modèle performant. Que l’on vienne à collecter trop de données, ou pas assez, et le modèle ne servirait à rien…

Notre autre défi consiste à implémenter le plus vite possible quelques quick wins. Autrement dit, à déployer des capteurs aux bons endroits et au bon moment afin de collecter connaissances et gains.” Ces gains ne se définissent pas uniquement en termes d’amélioration pour Cosucra elle-mêle mais ils concernent également – et d’ailleurs en tout premier lieu – les planteurs. “Ce qui est en jeu, c’est un juste retour d’informations pour qu’ils puissent améliorer leurs propres pratiques et résultats”, souligne François Derecourt. “Ils seront sans doute amenés, eux aussi, à procéder à certains investissements [en “outils” numériques] mais, à ce stade, il est encore impossible de déterminer quels seront ces investissements. Tout dépendra des gains les plus importants que nous pourrons identifier.”