CoderDojo: “donner le goût des compétences numériques”

Pratique
Par · 06/06/2018

Le phénomène des CoderDojo, d’origine irlandaise, a débarqué en Belgique dès 2012, sous le “patronage” de Martine Tempels, vice-président de Telenet Business. 

Petit rappel…

Ces “clubs” d’apprentissage de la programmation, pour enfants et jeunes ados, ont tout d’abord trouvé écho en Flandre, les clubs francophones se comptant sur les doigts d’une main. Côté wallon, plus particulièrement, les clubs de Waterloo et de Mons furent les seuls à hisser le pavillon.

Depuis deux ans environ, l’idée a toutefois semblé vouloir prendre de l’ampleur mais selon des modalités un rien différentes. En effet, en parallèle du mode CoderDojo, sous la bannière de Kodo Wallonie et de WallCode, diverses activités ont germé (animations en milieu scolaire ou extra-scolaire, participation à la Semaine du Code, extension des tranches d’âge…), pilotées par Céline Colas. Trois nouveaux lieux Kodo ouverts aux plus jeunes pour les initiés à la programmation ont ainsi vu le jour: Liège, Charleroi et Louvain-la-Neuve.

Fin de l’année dernière, un tournant était pris, initié dans le cadre de Digital Wallonia – apparemment le résultat d’un effet combiné nouvelle majorité/Pierre Rion/CoderDojo.

L’asbl CoderDojo Belgium manifestait ainsi une volonté d’étendre ses activités au sub du pays, se trouvant une “marraine” en la personne de Muriel De Lathouwer, patronne d’EVS (à l’image de Martine Tempels, de Telenet, côté flamand) et décrochant un subside de 134.500 euros auprès du gouvernement wallon pour couvrir les frais de fonctionnement d’une petite structure administrative, chargée de gonfler les rangs des bénévoles et d’ouvrir davantage de clubs sur le territoire wallon. Relire notre article “CoderDojo Wallonie: démarrage en janvier 2018?”.

Le passage de témoin entre les anciennes activités pilotées par Kodo et la nouvelle structure s’est effectué en l’espace d’un trimestre (certains, sur le terrain, se sont malgré tout plaints de s’être senti lâchés). Céline Colas préférant poursuivre son panel d’activités sous l’emblème Kodo Wallonie, deux “community leads” furent recrutées pour trouver des locaux, organiser le réseau, trouver coachs-animateurs…

Trois “transfuges”, de nouveaux en formation

Des activités antérieures de Kodo Wallonie, CoderDojo a donc “hérité” des clubs de Liège (qui a vécu un renouvellement en profondeur de l’équipe de bénévoles), Charleroi et Louvain-la-Neuve. Deux nouveaux les ont rejoints en avril: Ans et Gosselies.

Valérie Gillon (CoderDojo): “Je rencontre généralement un accueil très favorable dans les entreprises démarchées. Beaucoup estiment en effet que c’est une bonne idée, face à la pénurie de profils, de planter cette petite graine. Il y a un clair déficit en talents, déficit que ne comble pas l’école qui, contrairement à ce qui se faisait par le passé, n’enseigne plus la programmation.”

D’autres clubs sont en passe de voir le jour, bien qu’à des stades divers dans le parcours de création. Voici les noms qu’avance Valérie Gillon, Community Lead pour la Wallonie: Namur, Limbourg, Marche-en-Famenne, Hannut, Verviers, Seneffe, Fontaine-l’Evêque ou encore Arlon. Même si, pour cette dernière ville, elle dit achopper sur un problème de recrutement d’animateurs – “par manque d’entreprises locales employant des informaticiens et en raison de la grande proportion de frontaliers”! “Notre objectif est d’arriver à 10 clubs à la fin de l’année”, souligne-t-elle.

Pour pouvoir inaugurer un nouveau club CoderDojo, il faut bien entendu avoir de la “matière”. “Le problème n’est pas d’attirer des enfants. La demande est là. Le tout est de recruter suffisamment de coachs. Notre règle est de disposer de 4 ou 5 coachs pour pouvoir accueillir 15 enfants”, souligne Valérie Gillon. “Le minimum est un coach pour 4 ou 5 enfants.”

Mieux vaut avoir un peu de “marge” du côté du nombre de coachs dans la mesure où ce ne sont pas des “réguliers”: “il faut bien se rendre compte que ce sont des bénévoles qui ne peuvent parfois consacrer que quelques journées sur l’année…”

Pas de pré-requis pour poser sa candidature comme coach: “profils techniques et non techniques, tous les âges sont les bienvenus. Le principal est d’avoir la fibre et l’envie”, affirme Valérie Gillon.

“Il faut avant tout dédramatiser le rôle de coach CoderDojo. Nous ne sommes pas des enseignants mais des accompagnants. Nous sommes là pour répondre aux questions et résoudre les difficultés rencontrées par les enfants, pour préparer les ateliers. Des ressources en-ligne et des fiches d’activités sont prévues à cet effet.

Si on peut suivre les maths de ses enfants à l’école, on peut parfaitement les guider dans l’apprentissage de la programmation, titiller leur curiosité…”.

Jusqu’ici, elle “recrute” essentiellement des coachs par le biais de visites d’évangélisation dans des entreprises “directement liées à l’informatique et à la programmation”. A ce jour, une petite centaine de coachs auraient ainsi été identifiés pour animer des clubs locaux.

Menu à la carte

Les CoderDojo sont donc des “clubs” informels d’apprentissage des bases de l’informatique et de la programmation, pour enfants et jeunes ados (de 7 à 18 ans). Les animations et ateliers se déroulent systématiquement en dehors des horaires scolaires – en l’occurrence, le week-end. L’organisation et l’animation en sont assurées par des “coachs” qui sont des bénévoles mais qui, dans l’optique choisie par CoderDojo, viennent essentiellement du monde professionnel. “Il y a des développeurs et des non-techniciens, des jeunes mais aussi des retraités”, explique Valérie Gillon.

Périodicité des animations? “Il n’y a pas de fréquence minimale. Nous suggérons d’organiser un atelier par mois. Ce qui est “jouable” pour des bénévoles.”

Qu’apprend-on aux ateliers CoderDojo? Cela dépend à la fois de l’âge, des acquis préalables éventuels, des préférences des enfants… et des coachs.

Les plus jeunes découvriront le b.a.-ba de la programmation Scratch, la manipulation de petits robots Thymio. Des enfants déjà “dégrossis” pourront y acquérir des connaissances supplémentaires. On y parle aussi Python ou Arduino…

“Certains enfants y viennent avec leur propre projet, qu’ils veulent pousser plus loin. D’autres se laissent porter par les activités proposées par les coachs. Les sujets des ateliers sont aussi influencés par ce que les coachs aiment transmettre, voire même veulent acquérir eux-mêmes comme nouvelles compétences. Quelqu’un qui a par exemple été limité à du C++ au bureau peut très bien saisir l’occasion du cadre CoderDojo pour faire du Python…”

Muriel De Lathouwer (EVS, CoderDojo): “Le rôle des community leads est de mettre tout en oeuvre pour que les bénévoles puissent se concentrer sur l’accompagnement des enfants, sans se préoccuper de logistique ou de problèmes organisationnels. Elles ont également pour mission de leur procurer un accès et de favoriser l’échange de bonnes pratiques entre eux.”

On le voit, tout cela n’est pas formaté, préprogrammé, coulé dans un cadre cohérent. Difficile d’ailleurs de prévoir un fil rouge et une progression logique quand les coachs ne sont pas permanents et quand les enfants ne viennent pas forcément ou régulièrement à plusieurs ateliers.

C’est d’ailleurs là une critique que l’on entend dans la bouche de certains observateurs: comment juger des progrès, de l’utilité s’il n’y a pas un semblant de continuité? Ou encore, comment juger de la qualité “pédagogique” du travail de transmission de connaissances effectué par des personnes qui ne sont pas des enseignants?

Critique à laquelle CoderDojo réplique que le but de CoderDojo n’est en rien de se substituer à l’école: “les ateliers et animations n’ont pas d’ambition pédagogique. Ils n’ont d’autre objectif que de servir d’inspiration, de susciter chez les enfants l’envie d’aller plus loin, de progresser dans l’apprentissage de compétences mais de manière ludique. Leurs progrès, on les mesure plutôt à leur fréquentation des ateliers et au type de parcours qu’ils font chez nous.” 

Fin 2017, on comptait 85 dojos répartis essentiellement en Flandre, mais aussi à Bruxelles et en Wallonie (Waterloo et Mons – les deux clubs qui appartenaient au réseau CoderDojo avant-même que le transfert des clubs Kodo ne se fasse dans le cadre de l’expansion du réseau wallon lancée début 2018).

Le fait est que la petite équipe de “community management” n’a pas pour mission ou raison d’être d’encadrer – pédagogiquement – les coachs. On l’a vu, il n’y a pas réellement de liste de critères à respecter pour être choisi comme coach et les coachs bénéficient d’une large autonomie dans ce qu’ils proposent ou dans la manière dont ils organisent les activités. “Nous n’opérons pas selon une structure pyramidale où tout viendra d’en haut”, souligne Valérie Gillon. “Nous sommes plutôt là en soutien, pour les aider pour des besoins de locaux, de matériels. L’une des choses qu’ils attendent aussi de nous, c’est que nous prévoyons de les réunir entre eux lors d’activités. Nous l’avons constaté lors du Scratch Day qu’avaient organisés les CoderDojo de Mons et d’Alost. Et un sondage auprès des clubs CoderDojo flamands avait déjà fait émerger une demande précise: une journée entre coachs et avec leurs familles pour échanger des expériences et tout simplement se rencontrer.”

Quelles ressources?

Le subside qu’a décroché CoderDojo pour ses activités en Wallonie est destiné à couvrir les frais de fonctionnement: volet administratif, salaire des “community leads”, organisation d’événements, tant internes qu’externes, pour les enfants et les coaches (ateliers pour les bénévoles, Scratch Days, Coderdojo 4 Divas – réservés aux filles)…

Le rôle des deux “community leads” (deux anciennes de chez EVS) est notamment d’aller évangéliser les entreprises, de “recruter” des coachs, de trouver du matériel à mettre à disposition, ou encore des locaux où accueillir les clubs.

Par contre, le matériel n’est pas financé. Comment CoderDojo procède-t-il dans ces conditions? “Acheter du matériel (neuf) n’aurait aucun sens dans la mesure où il n’est utilisé qu’environ une fois par mois. Par ailleurs, les apprentissages proposés ne nécessitent pas un matériel dernier cri. Nous faisons donc appel aux entreprises pour qu’elles nous donnent des ordinateurs ou des portables déclassés. Nous avons également un accord avec l’association Close The Gap. Par ailleurs, CoderDojo Belgium dispose d’un petit budget pour l’achat de petits matériels [Ndlr: du genre cartes Arduino, robots Thymio…].”

En Wallonie, CoderDojo s’appuie également sur la bonne volonté et les réserves de WallCode et de Kodo Wallonie. Dans le cadre de WallCode, quelques matériels “volants” peuvent être mis à disposition à la demande, pour combler un besoin ponctuel.

Kodo Wallonie, on l’a vu, avait accepté de laisser le matériel que l’organisation avait elle-même acquise par le passé à disposition de CoderDojo jusqu’en juin afin de ne pas vider les clubs de leur substance lors du passage de témoin. 

“Les relations entre CoderDojo et Kodo Wallonie se font dans un très bon esprit de collaboration”, déclare Valérie Gillon (propos confirmés par Céline Colas, côté Kodo Wallonie). “Nous sommes toujours en discussion avec Kodo et les responsables du programme WallCode. On fera au mieux des intérêts des deux asbl.”

En quête d’un lieu d’hébergement

Il n’y a pas de lieu type, “standard”, imaginé pour accueillir les clubs CoderDojo. Deux catégories d’endroits sont toutefois exclus d’office: d’une part, les entreprises sponsors (pour des raisons d’indépendance et de neutralité); d’autre part, les écoles. Pour des raisons à la fois pratico-pratiques (logistique en week-end) mais aussi d’ambiance: “nous ne voulons pas que les enfants soient amenés à retourner à l’école pendant les week-ends. Les ateliers doivent être quelque chose de fun, avec un cachet particulier.” Seule exception possible: des locaux qui seraient mis à disposition par des Hautes Ecoles ou universités – histoire de donner un petit côté “grands” et “découverte” pour des enfants plus jeunes.

A Liège, le CoderDojo a trouvé à se loger chez LeanSquare.

Mais alors où les Coder Dojo trouvent-ils à se loger? Plusieurs possibilités sont envisagées : les espaces de coworking (c’est le cas pour les CoderDojo de Liège – accueilli chez LeanSquare -, de Louvain-la-Neuve, de Gosselies), les EPN (“ce serait idéal vu que l’équipement informatique y est déjà présent mais l’espace n’est pas toujours adapté ou suffisant…”), des bibliothèques (comme pour les CoderDojo en formation à Limbourg et Ans).

Celui de Charleroi est hébergé au Quai 10 – haut lieu du multimédia mais aussi terre d’accueil de… BeCode.

Mons fait un peu figure d’exception puisque le lieu d’hébergement est directement lié au nom d’une entreprise. En l’occurrence Microsoft. Lieu choisi: le MIC.

Signalons au passage que le CoderDojo de Namur, lui aussi en cours de formation (et depuis de nombreux mois), se cherche encore un pied-à-terre.

A noter encore que le CoderDojo de Waterloo était jusqu’il y a peu accueilli dans une école. Il en a déménagé pour une raison un peu étonnante: compte tenu du succès, la direction avait décidé… de faire payer l’occupation des lieux, ce que le club ne pouvait pas se permettre. Il a donc été délocalisé provisoirement à… Laeken jusqu’en juin. Heureusement pour lui, la commune de Waterloo est intervenue pour lui dénicher un nouveau lieu dès septembre (ce sera l’Espace Bernier, le centre culturel de la commune).